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- «
Je me suis complètement identifié à mon
héros habité par les rêves dun Orient
de luxe, calme et volupté », dit Jean-Christophe
Rufin à propos de son dernier roman, Le Grand Cur,
qui vient de paraître chez Gallimard. (2012)
-
Voici un texte de Bernard Epailly qu'il
nous a envoyé à la suite de la lecture du livre
de Jean Christophe Rufin (photo), "Le grand Coeur".
Cet article a été publié
sur le site suivant :
http://www.lesbalgyciens.com/
-
- AGNÈS SOREL ET
JACQUES COEUR SE SONT-ILS AIMÉS
- Jacques
Cur et Agnès Sorel (notes de lecture)
Agnès et Jacques se sont-ils aimés ?
" Le désir physique submergea la pudeur de notre
amitié habituelle. J'approchai ma main de sa gorge et
entrepris d'ôter le frêle voile de satin qui la couvrait.
Elle protesta et cette ébauche de refus acheva de me convaincre
que ma passion n'était pas une violence (
). De fait,
je sentis bientôt qu'elle n'opposait à mes caresses
que des gestes qui les prolongeaient. En prétendant écarter
mes mains, elle les guidait. J'avais souvent serré son
corps mais chastement, si bien que j'eus, cette fois, l'impression
de le découvrir 1".
A l'origine de ces quelques lignes, il y a trois personnalités
: Agnès Sorel, Jacques Cur et Jean-Christophe Rufin.
La dame n'est pas berrichonne mais les deux hommes le sont ;
c'est pourquoi l'histoire évoquée ici, qui ne date
pas d'hier, nous intéresse.
Agnès vécu - trop brièvement - au début
du XVe siècle. Charles VII, le " roi de Bourges ",
en fit sa maîtresse officielle. Agnès était
très jeune, très fraiche et très belle,
le château de Loches, pas loin de chez nous, s'en souvient
encore ; la douceur de son sourire et la finesse de ses traits
sont gravés dans la pierre et sur la toile pour toujours2.
Charles était mal bâti, déjà vieux
et bourré de tics, mais il était roi ; Agnès
fut donc " favorite " sans l'avoir voulu, une faveur
royale qui lui permit d'accoucher quatre fois en cinq ans, jusqu'à
la mort.
Il est inutile de présenter Jacques Cur, l'un des
berruyers les plus célèbres, fils d'un modeste
artisan devenu Argentier du roi, marchand réputé
et grand voyageur, disposant du " carnet d'adresses ",
comme on dit aujourd'hui, le plus efficace de l'époque.
De source documentaire certaine, nous savons qu'Agnès
était une amie de Jacques, qu'elle le soutenait auprès
du roi et qu'elle profitait, en échange, de ses conseils
pour l'achat de biens luxueux dont elle était friande.
L'Argentier sera l'un des ses trois exécuteurs testamentaires.
En qualité de financier avisé ou d'amant ? Nul
ne le sait, les archives sur ce point ne disent rien.
Six cents ans plus tard, Jean-Christophe Rufin, un autre berruyer
célèbre, s'empare du sujet et il en fait tout un
roman. Il ne triche pas avec les archives mais il les complète.
Le résultat est une belle histoire d'amour, sans doute
un peu rêvée mais vraisemblable, entre l'homme de
négoce et la Dame de Beauté3, une passion longtemps
contenue et qui explose à la fin, alors qu'Agnès
va bientôt mourir.
L'intérêt du livre ne se limite pas aux cinq années
dominées par la présence d'Agnès Sorel à
la cour. Médecin, voyageur, un temps diplomate, académicien,
romancier réputé, Rufin est aussi berruyer ; il
a, précise-t-il, passé son enfance au pied du palais
Jacques Cur et il ajoute : " la maison natale de Jacques
Cur (qui n'est pas le palais) est située non loin
de la mienne ". Le Grand Cur est donc beaucoup plus
qu'un livre sur l'homme du XVe siècle le plus riche de
France. C'est un grand roman qui ne biaise pas ou très
peu avec les faits historiquement établis. A six siècles
de distance, gorgé d'archives et de souvenirs, Jean-Christophe
Rufin se glisse dans le mental de Jacques Cur, son modèle,
il devine ce que cachent les non-dits dans les sources, il se
place au bout du parcours de cet homme sans égal qui s'éteint
loin des siens dans l'île de Chios ; et il écrit
ses mémoires, les mémoires de Jacques
à
la première personne.
Le résultat est un récit qui a du souffle, un texte
long (500 pages !) mais très beau, très précis,
brasseur d'idées et de stratégies, étonnant,
sensible, parfois sensuel. Vite, on oublie l'auteur pour s'attacher
au voyageur commerçant, audacieux et génial, homme
charnière entre plusieurs mondes, qui a vécu cette
aventure extraordinaire. Un bon Rufin pour un Grand Cur,
tous les deux élevés dans le terroir qui nous a
vus naître
il n'est pas décevant d'être
berrichon !
Bernard Epailly
Jean-Christophe Rufin : «Jacques Cur ma
montré le chemin»
par Tirthankar Chanda
-
- Rufin nous propose cette
fois une biographie romancée du grand argentier français
Jacques Cur, qui vécut au temps de basculement entre
le Moyen-âge et la Renaissance.
- Banquier des puissants, lhomme
se fit connaître aussi par ses voyages à travers
le monde connu de son époque.
-
- Entretien.
- RFI : Vos
romans nous font voyager dIspahan à Bourges en passant
par le Brésil et le Sahara. Comment est né cet
intérêt pour lailleurs qui semble être
lalpha et loméga de votre fiction ?
- Jean-Christophe Rufin :
- Dans ma vie comme dans mes romans,
la quête de lautre a été de tous temps
une source majeure dinspiration. Doù vient
cette sensibilité ? Paradoxalement, sur le plan identitaire,
on ne peut pas être plus français que je ne le suis.
Je nappartiens à aucune minorité. Très
prosaïquement, je suis un Français dorigine
française, né à Bourges, catholique, marié
et hétérosexuel. Quelle tristesse, nest-ce
pas ! Pourtant, et peut-être à cause de cet enracinement,
jai toujours été animé par une interrogation
profonde sur les autres et sur le monde.
-
- RFI : Votre
nouveau roman est un contre-exemple dans la mesure où
laventure de Jacques Cur que vous y racontez, celle
dun personnage historique français, ne se déroule
pas dans un ailleurs lointain, mais à quelques pas de
chez vous à Bourges
-
- J.-C. R :
- Pourquoi Jacques Cur ? En
effet, la question se pose. Etrangement, cet homme qui a vécu
dans la France de la Guerre de Cent ans, je me suis senti proche
de lui. Pas seulement parce que sa maison natale est située
à quelques pas de la mienne, mais aussi parce que son
destin extraordinaire qui la conduit du plus obscur terroir
de la France médiévale jusquaux frontières
du monde connu de son époque, ma fait rêver
depuis mon enfance. Il était une sorte de précurseur,
de modèle auquel je me suis complètement identifié.
Il ma montré le chemin. Je me devais de lui rendre
hommage. Cest ce que jai voulu faire en écrivant
cette biographie romanesque où jai mêlé
limagination à lhistoire pour faire vivre
le personnage.
-
- RFI : Les plus belles pages de ce roman
sont celles où vous racontez le voyage de votre protagoniste
en Orient.
-
- J.-C. R :
- Jacques Cur fut très
novateur car il a permis de changer le paradigme des Croisades.
Il a introduit lidée des échanges, du commerce
en plein 15e siècle où la logique de la guerre
religieuse déterminait encore nos relations avec lOrient.
Il va permettre aux Européens de prendre conscience du
luxe, calme et de la volupté qui caractérisaient
déjà les villes comme Damas ou Beyrouth. Aveuglés
par leur obsession religieuse de reprendre possession des lieux
saints de la Chrétienté, les Croisés ne
faisaient pas attention à la magnificence des civilisations
arabes. Grâce à des hommes comme Jacques Cur,
aura lieu cette prise de conscience qui nest sans doute
pas étrangère à lavènement
de lesprit de la Renaissance au 16e siècle. Les
mentalités européennes ont changé au contact
de lOrient, où hommes et femmes avaient un autre
rapport avec le corps, le plaisir, la volupté.
-
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-
- Jean Christophe Rufin est natif de Bourges,
membre de lAcadémie française, cet ancien
ambassadeur de France au Sénégal est aussi neurologue,
militant humanitaire et surtout romancier. Auteur dune
uvre substantielle portée par lobsession de
lailleurs et de lautre avec 9 romans, 1 recueil
de nouvelles et des essais -,
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