JACQUES CUR, LES JEUNES ANNEES
Né à
Bourges en 1400 ?
Deux affirmations ou deux
questions importantes : la première question est de savoir
si Jacques Cur est bien né à Bourges et ensuite
en quelle année ?
Jusqu'à ces dernières
années, beaucoup d'inconnues subsistaient sur la date
et le lieu de naissance de Jacques Cur. Il était
né à Saint Pourçain ou à Bourges,
parfois même à Montpellier ! et même à
Bourges sa maison de naissance faisait l'objet d'une belle plaque
commémorative indiquant que le futur Argentier était
bien né dans cette maison située à l'angle
de la rue d'Auron et des Armuriers et la date indiquait 1400.
Les travaux de Monsieur
Jean Yves Ribault sur ces sujets permettent d'améliorer
notre connaissance .
Pierre Cur, son père,
originaire de Saint Pourçain s'installe à Bourges,
comme marchand pelletier. Bourges est alors une ville importante
dans laquelle le commerce est florissant. Ce devait être
avant 1400, probablement vers 1392/98.
Il va épouser la
veuve d'un boucher, Jean Bacquelier, mort récemment, sans
doute entre 1395 et 1400. Cette veuve dont on ignore le prénom
avait eu un enfant, Jean Bacquelier, fils de son père
Jean, et né vers 1395 et mort, là, c'est une certitude
en 1475, comme chanoine. Les bouchers formaient une corporation
riche et renommée au Moyen Âge.
Donc, la veuve Bacquelier
se marie avec Pierre Cur, et ils ont deux fils, Jacques,
notre Jacques Cur et Nicolas Cur né vers 1403.
(pendant longtemps, on
a pensé qu'il s'agissait de la fille ou de la sur
de Jean Bacquelier, mais aujourd'hui, cette hypothèse
est abandonnée).
On retrouve un Pierre Cur
possédant une maison, en 1408, rue de la Parerie, et "sise
près des étuves de Montmarault", au bord de
l'Yévrette.
L'Yévrette est une
rivière artificielle qui partait de la rue Charlet, boulevard
Chanzy et passait rue Mirebeau, l'Hôtel Dieu et allait
se jeter dans l'Yèvre vers la place Rabelais actuelle,
on trouve cette rivière sur le plan de Nicolas de Fer.
Aujourd'hui, cette rivière est busée et sa sortie
se fait en face du centre Leclerc.
De plus, on retrouve cette
même maison, dans un texte de 1409, comme ayant appartenu
aux héritiers de "feu Jean Bacquelier". Donc
Pierre Cur est bien un des héritiers de ce Bacquelier.
Il y a aussi à Bourges,
une tradition dont nous parle Raynal et qui évoque effectivement,
mais sans apporter de preuve que Jacques Cur serait bien
né au bord de l'Yévrette.
Jacques Cur est donc
né au bord de l'Yèvrette à côté
de l'Eglise Notre Dame (qui s'appelait Saint Pierre le Marché),
dans ce qui est aujourd'hui la rue de la Parerie (plaque rue
Parerie). Sa maison natale aurait été détruite
lors du grand incendie de 1487. Il est vrai que cette fois l'incendie
de la madeleine a détruit le quartier.
C'est une très forte
probabilité, et aujourd'hui nous n'avons pas beaucoup
d'autres solutions.
Ensuite, en quelle année
Jacques Cur est-il né ?
C'est beaucoup plus difficile,
et si l'on dit par exemple en 1400 puisque Bourges a commémoré
les 600 ans de Jacques Cur en l'an 2000, encore faut-il
connaître le mois puisque le calendrier Julien commençait
l'année en avril.
Jean Yves Ribault affirme
que Jacques naît en 1400 et son frère Nicolas en
1403.
Le calcul fait pour déterminer
la date de naissance mérite que l'on s'y arrête
:
La seule date connue avec
précision sur cette époque est 1446.
C'est en effet en 1446
que sur l'insistance de Jacques Cur, alors puissant, une
demande auprès du pape de nommer son fils Jean comme archevêque
de Bourges. Mais ce dernier est très jeune, il a 25 ans,
et il doit attendre l'âge canonique (27 ans) pour prendre
sa charge.
Il est donc né en
1421.
Comme on admet qu'il est
né immédiatement après son mariage avec
Macée de
Léodepart,
donc en 1420 et qu'il avait alors 20 ans, il est donc né
en 1400. Irréfutable ?
Sans doute non, mais
c'est une forte hypothèse.
Le frère cadet de
Jacques Cur est Nicolas, prêtre et licencié
en 1428, il a donc environ 25 ans, ce qui le fait naître
vers 1403, un peu après son frère aîné.
Signalons que Jean Cur
fera son entrée dans Bourges comme archevêque le
5 septembre 1450.
Pour Philippe Carton, "Jacques
Cur s'est marié avec Macée en 1423, c'est
une date bien connue et indéniable !"
La maison natale
de Jacques Cur rue d'Auron ?
Que dire de la maison
natale de Jacques Cur située à l'angle de
la rue d'Auron et de la rue des Armuriers, et qui dispose d'une
belle et grande plaque, largement photographiée par les
touristes?
Il s'agit d'un faux, que des générations
de berruyers ont colporté. Buhot de Kerser réprouve
en 1883 l'existence de cette maison natale.
Plus proche de nous, Edmont
Jongleux, à qui nous devons beaucoup de textes, écrit
dans les années 1930 que dans cette belle maison de la
rue d'Auron, naquit Jacques Cur.
Il semble donc que jusqu'à
ces dernières années, cette maison d'angle, magnifique,
et qui fut une pâtisserie renommée ait passé
pour être la maison natale de notre Grand Argentier.
Or cette maison, vers 1400
appartenait à Lambert de Léodepart, un berruyer
d'origine flamande qui était le prévôt de
la ville de Bourges. Il avait la puissance et les honneurs, ayant
un titre très envié, celui de "valet de chambre
du duc de Berry", une sorte de chef de cabinet comme l'on
dirait aujourd'hui.
Sa famille, de Léodepart
avait commercé dans le drap de laine et comme à
cette époque, les foires de Bourges étaient célèbres,
il était venu
et sans doute il était resté
sur place. Il avait en outre épousé la fille du
maître des monnaies de la ville.
Cette maison actuelle date
du XVI ème siècle, elle a été reconstruite
nous dit-on à la suite de l'incendie de 1487. Mais, ce
n'est pas si simple puisqu'une étude de l'Université
Populaire faite en 1987, montre que l'incendie n'a sans doute
pas touché ce secteur. Il reste encore beaucoup d'incertitudes
sur la destruction de la bâtisse. Il apparaît qu'elle
a été effectivement plus ou moins reconstruite
par la volonté du nouveau propriétaire, M. Jean
Poncet.
D'où vient
la confusion de cette maison et de celle de Jacques Cur
? Sans doute de la présence du petit jacques à
partir de 1409 dans
. la maison d'en face.
Pour Philippe Goldman,
Il s'agissait de deux maisons, la première fait l'angle,
elle est la plus grande et fut à un certain Gauteron,
puis à Léodepart, c'était le siège
de la prévôté de Bourges, mais peut être
seulement lorsque Léodepart exerça cette fonction
de prévôt.
Ces deux maisons furent
à Jacques Coeur après son mariage avec Macé,
il "en acquita le cens de 1441"
Plus tard, c'est Geoffroy
et Ravan qui héritèrent des maisons. Ilo semble
que Geoffroy habitat la plus grande des deux maison, l'autre
étant occupée par un éperonnier, Jean Chinon.
Ensuite, cette maison va
s'appeler "la Maison Poncet" car Jean Poncet acquit
ces maisons de Geoffroy Coeur en 1471. Il les rebatit toutes
les deux "à neuf" quelque temps après.
Ce Jean Poncet était
un marchand aisé, en 1465, il vendait du ... vin, des
épices, des poudres des sucres et des fils d'arbalète.
Il accédera aussi au métier de changeur nous dit
P. Goldman.(CAHB N°132).
L'ENFANCE
DE JACQUES COEUR
C'est un peu l'inconnu,
il suit un enseignement à l'Ecole de la Sainte Chapelle,
son frère Nicolas poursuivra ses études à
Orléans et à Paris. Il obtiendra une licence de
droit.
Lorsqu'il a 14 ans, le
petit Jacques est fils de marchand et il veut être marchand
lui-même.
L'école et Jacques
Cur,
Thomas Basin, chroniqueur
de l'époque décrit Jacques Cur comme "sine
litteris", ce qui ne signifie pas qu'il était illettré,
mais qu'il n'avait pas fréquenté l'université.
A 18 ans, on peut penser
qu'il s'agit d'un solide gaillard, sa musculation venant de la
manipulation des ballots de cuirs et peaux.
1420, Jacques Cur
épouse Macée
de Léodepart,
c'est un beau mariage, car sa belle est fortunée, Jacques
Cur accède à un premier rang social.
Les maisons et résidences
de Jacques Cur à Bourges
Après avoir habité
rue de la Parerie, au bord de l'Yèvrette, le père
de Jacques Cur déménage en 1409, il va s'installer
avec toute la famille dans l'Ilôt Saint Hippolytte, propriété
du chapitre de la Sainte Chapelle, et cette institution avait
décidé de faire des logements. (la Sainte Chapelle
était située place Marcel Plaisant).
Le pelletier, dans ce lieu
situé à moins de 100 mètres de la Sainte
Chapelle et du Palais du duc Jean, avait acheté ou loué,
on n'en sait pas plus, deux maisons, la première pour
faire boutique, et la seconde pour habiter avec sa petite famille.
L'opération se déroula le 20 juillet 1409, et elle
se fit avec Guillaume Bonnet, cordier de son état.
Jacques Cur à
son mariage vers 1420 s'en alla habiter dans le même quartier,
on ne sait pas trop où.
Jean-Yves Ribault puis
Jacques Heers affirment qu'en 1436, Jacques Coeur habitait dans
une des maisons nouvellement construites, sans doute à
l'angle de la rue des armuriers et de la rue de Linière,
en face de l'actuelle bibliothèque des 4 Piliers. Mais
on ne sait pas depuis quand......
Il restera dans ce lieu
de nombreuses années, jusqu'à la construction à
partir de 1443 de la Grant' maison.
En résumé,
Jacques Cur par achat où héritage possédait
:
-par lui même :
la grant' maison
l'hôtel ou il habitait
rue de Linière, rue du Vieux Poirier
- par son père :
la maison située
à l'angle de la rue d'Auron et de la rue des Armuriers.
la maison contiguë
-par sa belle famille
la maison située
à l'angle de la rue d'Auron et de la rue des Armuriers.
(côté palais du Duc Jean, c'est actuellemnt un Pub
)
la maison contiguë
située du même côté.
Il possède aussi
une maison rue Gambon, c'est la cinquième maison à
partir de la rue des Trois Pommes, en face de l'hôtel Dieu.
Il en a une autre place
Gordaine et une rue des Arênes.
Comment Jacques
Cur était-il physiquement ?
Quelques portraits de Jacques Cur, mais comme ils sont peu nombreux,
on les retrouve partout et ils font loi, devenant alors authentiques.
Le plus célèbre
est sans doute celui gravé par Grignon pour l'histoire
de Charles VII par Godefroy, et ce portrait date de 1653.
Certains ajoutent, qu'il
s'agit d'une toile réalisée d'après une
peinture originale aujourd'hui disparue.
Autre image, un Jacques
Cur faisant amende honorable, dans la miniature de Monstrelet.
Jacques Cur en couleur
sur plusieurs
ouvrages (J. Heers,
F. David
), est intitulé "portrait de Jacques
Cur anonyme du XVe siècle" et certains ajoutent
qu'il est déposé au Musée du Berry.
Ce portrait est en effet
au Musée du Berry, dans les réserves.
Dans un livre d'Heures
à Munich, on a un "Jacques Cur en prière",
mais les spécialistes ne lui donnent pas beaucoup de valeur
historique.
(une reproduction figure
dans le livre de Poulain)
Dans un ouvrage de Jongleux,
on a page 16 un curieux portrait qui doit dater de peu de temps,
comme cette gravure achetée par les musées de Bourges
en cette année 2000, dessinée par Dupré
et gravée par Ethiou.
N'ayant actuellement aucun
portrait fiable, nous allons nous rabattre sur le célèbre
tableau de la reconquête de Rouen avec Jacques Cur
accompagné de Dunois, Brézé sur leur cheval.
Pour la pierre, dans le
livre de H. de Man, on trouve plusieurs photographies de bas
reliefs très connus, et l'auteur affirme qu'elles pourraient
représenter Jacques Cur.
En particulier les bas
reliefs sculptés sur les tympans donnant accès
à la chapelle.
C'est aussi le cas des
sculptures de la tour intérieure, ou l'auteur nous affirme
que les deux personnages en habits de bourgeois de cette époque
sont Jacques Cur et son épouse.
Et puis l'homme de la
façade extérieure, pour J. Y Ribault pourrait bien
être Jacques Cur.
Pourquoi pas, mais
nous n'en savons rien.
Après cette série
de portraits, il faut avouer que l'on ne sait rien ou presque
du physique de Jacques Cur.
Il devait avoir une bonne
dose de charisme et pour être à ce niveau en affaire,
il fallait qu'il en impose à la fois par la parole et
par la prestance.
On peut penser, avec Serge
Lepeltier, qu'il était de taille moyenne, mais d'une corpulence
au-dessus de la moyenne, n'avait-il pas, dans sa jeunesse aidé
son père à transporter des baluchons de fourrures,
ce qui devait muscler les épaules.
Il faut tout de même
faire très attention, certains des grands de l'époque,
et en particulier Charles VII ne ressemblait pas à un
athlète et dans la famille, Charles VI ou Louis XI étaient
d'apparence quelconque.
Thomas Bazin écrit
:
" C'était
un homme sans lettres, mais d'un esprit infini et très
ouvert, très industrieux pour tout ce qui concernaient
les affaires".
Michelet évoque
le portrait de Grignon :
"C'est une figure
éminemment roturière, mais point du tout vulgaire,
dure, fine, et hardie. Elle sent un peu le trafiquant en pays
Sarrazin, le marchand d'hommes
."
Vallet de Viriville de
son côté écrit en 1864 :
"La résolution
et la dignité s'y combinent avec une certaine bonhomie.
Le sourire de l'enjouement tempère par une courbe plus
douce l'expression de ses lèvres fines et fermes".
La
tenue de Jacques Cur ?
Il n'y a donc aucune preuve
de la tenue vestimentaire de Jacques Cur, il est sans aucun
doute identique à d'autres, en particulier lors de l'entrée
à Rouen.
Mais l'époque n'est
pas toujours à la luxure, bien sûr, Jean de Berry
porte des vêtements somptueux, alors que Charles VII, est
habillé de manière simple, comme le sera plus tard
son fils Louis XI.
Les données
sont faibles et les hypothèses contradictoires. Pour ses
ambassades, par exemple à Rome, il devait être magnifique
avec son cortège. Mais proche du roi, sans lui faire de
l'ombre, il devait rester en retrait.
Un exemple significatif,
ce sont les sculptures du palais, Charles VII était sculpté
en façade, sur son cheval, c'est une certitude, puisque
c'est la révolution qui la met à bas. Et à
l'opposé dans un dais de la cour intérieure c'est
une autre sculpture équestre représentant dit-on
le grand argentier.
En sommes nous certains
? point d'interrogation.
Mais c'est un Jacques Cur
calculateur qui s'habille, comme les autres, voir plus, à
l'extérieur, il se change pour le roi et en sa présence.
Dernier élément,
dans sa jeunesse, il va côtoyer les fastes de Jean de Berry
et son père était pelletier. Jacques Cur
va faire le commerce du luxe, donc il connaît plus que
d'autres l'art du vêtement et du luxe et il doit en user
sans complexe mais avec une certaine intelligence, lui le parvenu.
Le costume faut-il le rappeler,
si l'on est pas roi peut être un signe de la condition
sociale.
LA
FIN DE L'EPOPEE DE JACQUES COEUR
Le procès
de Jacques Cur
Jacques Cur est arrêté
le 31 juillet 1451.
1451 = à la fin
du mois de juillet, il écrit "que son fait estoit
aussi bon et estoit aussi bien envers le roy
."
31 juillet 1451 = Jacques
Cur est arrêté au château de Taillebourg
et ses biens sont mis sous séquestre.
A partir de ce moment,
sur le plan historique, les documents sont très nombreux.
On y trouve en particulier les minutes du procès, mais
aussi la liste de tous les biens de Jacques Cur dressés
par le procureur Dauvet, ce qui sera une mine de renseignements
pour les historiens.
Pendant 4 ans, Jean Dauvet
va enquêter sur les biens de Jacques Cur, les évaluer,
les faire expertiser, un travail considérable.
Par contre, les raisons
exactes de l'arrestation et du procès font toujours l'objet
de recherches.
Le premier élément
officiel concerne un certain nombre de chefs d'accusations, dont
certains, au tout début ne vont pas être crédibles,
il faudra donc en trouver d'autres.
On trouve des accusations
très diverses et très variées comme l'accusation
d'avoir empoisonné Agnès Sorel ou encore la diffusion
de la fausse monnaie à ses débuts avec Ravant le
Danois, puis le trafic d'armes avec les Sarrazins.....
Dans la disgrâce
de Jacques Cur, on peut émettre des hypothèses,
assez vraisemblables.
C'est en premier lieu un
contexte de plus en plus défavorable, Jacques Cur
qui n'est pas de naissance noble est un parvenu, "il agace"
les grands de ce monde, il est arrogant et ses devises le desservent.
A cette haine d'une partie
de la cour, se superpose sa fortune bien sûr, mais surtout
les prêts qu'il a consenti à certains puissants
de cette cour.
Il faut aussi prendre en
compte des jalousies de corporations. Les marchands languedociens
sont les plus acharnés à la perte de Jacques Cur,
ls seront 17 marchands pour le juger.
Mais il faut aller dans
la vie et la psychologie de Charles VII pour trouver un début
de solution. Le roi aime bien Jacques Cur, il lui rend
de grands services, comme le fait de prêter de l'argent
pour lever des armées, il le trouve aussi pour des missions
diplomatique, vers le pape en particulier. Et puis c'est un leveur
d'impôts hors pair. Sur le plan financier et de la monnaie,
c'est un homme qui obtient des résultats, les finances
du pays ne sont-elles pas en train de s'assainir! Il n'y a donc
aucune raison grave dans le comportement visible de Jacques Cur
vis à vis du roi qui pourrait lui nuire.
Alors qu'est ce qui
pouvait rendre Charles VII aussi ingrat ?
Deux éléments
majeurs que l'on oublie parfois. Le premier, c'est la faiblesse
nouvelle de Charles VII qui vient de perdre Agnès Sorel.
Elle était celle qui lui redonnait le moral, et même
si il l'a remplacé dans son lit assez vite, le dame de
Beauté était un élément majeur du
moral du souverain, une fois disparue, le roi retombait dans
son chagrin, mais aussi dans sa mélancolie et sa faiblesse.
L'élément
qui ne pouvait que rendre toutes les sentences de Charles VII
irrationnelles, c'est son fils, le dauphin Louis.
Jacques Cur respectait
le roi, mais ressentait une certaine amitié pour le futur
Louis XI. Ils étaient nés dans la même ville,
et le caractère entier, dominateur, impatient, de Louis
devait lui plaire et sans doute, davantage le fasciner, que Charles
VII.
Calculateur ou visionnaire,
Jacques Cur devait ménager la chèvre et le
chou, Le roi n'était pas en bonne santé, il commençait
à être âgé pour l'époque, et
quelques bonnes relations avec le fils ne pouvaient qu'être
une bonne chose.
Ce fut l'erreur à
ne pas commettre. Le roi éprouvait une haine féroce
envers son fils, peu immaginable. Il craignait à tout
moment d'être assassiné par les sbires du dauphin.
Et toute relation personnelle
avec le dauphin passait pour un crime de lèse majesté.
Ce sera la perte
de Jacques Cur.
Les bonnes relations prouvées
entre le futur Louis XI et Jacques Cur avec peut être
quelques interceptions de courriers, seront les prétextes
de la furie du roi.
Son grand Argentier lié
avec le Dauphin, c'était insupportable et d'une manière
assez irrationnelle, tout le passé s'estompait. Jacques
Cur devenait un homme à abattre, et Agnès
Sorel n'était plus la pour le soutenir, ajoutons les mots
perfides de l'entourage du roi, et c'en était fini.
Mollat signale aussi, et
c'est important que le mariage du Dauphin avec Charlotte de Savoie
contre le bon vouloir du roi, a sans doute été
un fait majeur. Ce mariage intervient le 9 mars 1451 c'est à
dire 4 mois avant la disgrâce de jacques Cur. Et
dans les opérations financières de la dot de sa
nouvelle "belle", il semble que l'on eut recours pour
les finances à l'entremise de certains correspondants
de Jacques Cur, Guillaume Bolomier ou Charles Astars.
La restitution de certains
des biens de Jacques Cur à son fils Geoffroy en
1463 par Louis XI le montrent, c'est "pour les bons et humbles
services à nous faictz par ledit Jacques Cueur".
Charles VII avait bien
laissé Jeanne d'Arc mourir, sans tenter grand chose, et
son favori du moment, Giac était mort à Dun, assassiné
sans que le roi ne s'offusque.
La disgrâce de Jacques
Cur ne s'explique que par la tournure prise dans les relations
entre le père et le fils. Charles VII et Louis XI.
Le reste, les nombreux
actes d'accusation, c'est de l'habillage.
Il faut se souvenir que
c'est Louis XI une fois sur le trône qui réhabilitera
Jacques Cur et qui rendra ses biens à la famille.
La sentence est rendue
en mai 1453, non par le parlement, mais "de par le roi",
sentence prononcée par Guillaume Jouvenel des Ursins alors
chancelier de Charles VII.
Il est condamné
à mort, sa peine commuée.
L'évasion
RETOUR
HAUT DE PAGE
Le 27 octobre 1454, Jacques
Cur s'évade de son cachot du château de Poitiers.
Des lettres sont envoyées pour que le fuyard soit arrêté.
Il s'enfuit par le couvent
de Montmorillon, puis, grâce à d'autres couvents,
il arrive enfin à Beaucaire chez les Cordeliers.
Une lettre est alors envoyée
par Jacques Cur à Jean de Village qui se trouve
alors à Marseille.
Cette lettre est assez
curieuse, car elle parle longuement du danger et appelle à
l'aide, "ils ont déjà tâché
de l'occir en violence
. Ne tardez plus à venir me
tirer hors de cette franchise, car dans cinq jours, ils m'en
tireront eux-mêmes pour me mettre à mort
.hâtez-vous
de me venir en aide, où vous ne me trouverez pas vivant
faites en toute hâte."
Et c'est signé "Vostre
pouvre bon maistre et père, JC"
Cette lettre qui est très
importante pour comprendre la psychologie de Jacques Cur
est-elle authentique ? Nous n'en savons rien, elle est dans une
collection privée inaccessible.
en savoir plus sur cette
évasion :
>>>cliquer
La mort
de Jacques Cur
Pour chacun, Jacques Cur
est mort sur l'île de Chio le 25 novembre 1456, alors qu'il
faisait partie de l'Armada pontificale qui comprenait une trentaine
de vaisseaux, chargée d'une croisade contre les Turcs.
Il s'agissait de faire
d'île en île des arrêts pour soutenir les populations
locales, les aider à reconstruire leurs murailles et aussi
à être, même en faible nombre une "force
de dissuasion" vis à vis des Turcs.
IL Y A 550 ANS, LA
MORT DE JACQUES COEUR. par Robert Guillot
- en savoir plus
: la mort de Jacques Coeur
JACQUES CUR ET BRUGES
Bruges au XVe
siècle est selon Jacques Heers, le carrefour marchand
du Nord.
C'est l'époque des Hanses, qui sont
des associations de marchands d'origine germanique.
La fortune de Bruges, comme de nombreuses
villes de Flandres vient de l'industrie du drap. La cité
est florissante, la puissance des marchands drapiers est considérable.
C'est à Bruges que sont traitées
les relations d'affaires, que sont rédigés les
contrats de prêts, d'assurance maritime.
Après le drap, ce sont les industries
de luxe qui assurent la prospérité, avec les tapisseries.
Bruges reste aussi, même après
un léger déclin de l'industrie du drap, au profit
des draps anglais, un port avec un commerce de transit.
Bruges est au centre d'un réseau
qui couvre la Hollande, la Flandre bien entendu, mais aussi l'Allemagne
jusqu'à Nuremberg, et aussi la France avec Rouen et La
Rochelle.
Les charrois au service des marchands
italiens, comme Dantini, circulaient vers 1410 entre Montpellier,
Paris et Bruges en moins de 3 semaines.
Les circuits commerciaux de Jacques Cur
concernaient essentiellement le midi et le monde de la méditerranée.
A partir de Bourges, il va créer
des routes vers le Levant, en installant des comptoirs. Ces comptoirs,
dans le midi, ce sont avant tout Montpellier, puis Marseille.
Mais assez vite, Jacques Cur va accroître
ses routes.
Entre 1444 et 1449, Jacques Cur va
essayer de nouer des liens commerciaux avec l'Angleterre, pendant
la trêve de Tours. Guillaume de Mazoran va en Angleterre
pour le compte du Grand Argentier et Guillaume de Varye s'était
fait livrer des draps de Londres en février 1449, en vue
de faire du commerce.
Il veut commercer vers l'ouest à
Rouen, et bien entendu Bruges, qui était incontournable
à cette époque pour faire du commerce et des échanges
avec l'Europe du nord. Guillaume de Varye, pour le compte de
Jacques Cur achète du cuir, des draps et de la laine
en Ecosse, une partie va à La Rochelle, une autre passe
par Bruges.
Lorsqu'on regarde une carte de France,
on remarque les implantations de Jacques Cur à Bourges
puis Tours, et le midi, Montpellier, Agde, Aigues Mortes
etc
Parmi les grandes routes Nord Sud, on a
celle qui part de Bruges, puis passe par Paris, Orléans,
Bourges et descend vers le sud par Le Puy et Montpellier.
Jacques Cur avait mis en place une
forte structure commerciale, avec des facteurs, qui étaient
des permanents dans un certain nombre de villes, comme Antoine
Noir à Montpellier ou Hervé Paris à Bruges.
Cet homme avait travaillé sept ou huit ans avec Jacques
Cur, il était originaire d'Orléans.
On sait que Hervé Paris reçut
à Bruges cent charges d'épicerie d'un des patrons
d'une galée de l'Argentier dont le patron était
Jean Forest. Les convois se croisaient, les uns venaient de méditerranée
en passant par Bourges et Paris, ils comprenaient parfois des
épices. En sens inverse, ce sont des harengs qui allaient
vers Bourges ou Tours.
On dispose de peu d'informations sur le
commerce de Jacques Cur à Bruges, sinon quelques
ordres pour livrer du poivre et du gingembre, on signale les
difficultés de vendre tout un convoi à Bruges,
et un cousin des frères Paris dû vendre à
Anvers et dans tout le pays.
Mais les frais de voiturage étaient
considérables et les rapports assez faibles. Les facteurs
achètent à Bruges des marchandises diverses comme
les draps, la garance et encore les harengs.
On remarque qu'un facteur de Jacques Cur
va refuser de transporter un chargement de laine et de draps
pour Rouen par la route, et le convoi s'en ira par mer. Ce facteur
prit la route et arriva une semaine avant le navire, et en profita
pour trouver des débouchés avec le facteur de Jacques
Cur qui était le permanent à Rouen.
Compte tenu de l'insécurité
des routes, la mer est préférable à la terre.
En 1450, le hareng reçu de Flandre par la mer via Dieppe
ou Rouen par la Seine se vend à Paris 30 à 38 écus
le lest, et un lest correspond à 10 000 harengs. Par la
terre, en venant de Flandres ou de Zélande, ce même
hareng coûte 41 à 47 écus le lest. Donc beaucoup
plus cher.
C'est ainsi que Jacques Cur va commercer
dans cette Europe du Nord vers 1450, mais son arrestation stoppe
ce commerce et c'est le procureur Dauvet qui va se charger de
déterminer les biens et les profits du Grand Argentier
à Bruges.
Sans que l'on sache si ce commerce a été
important, c'est pour Jacques Cur le début d'un
axe Bruges Montpellier par Paris et Bourges.