-
- LE JOURNAL DU PROCUREUR
DAUVET est un remarquable outil pour l'historien, puisque ce
procureur est allé dans tous les coins du royaume de France
pour voir et vendre les biens de Jacques Coeur et il a tout noté.T
Publié avec l'aide de Michel MOLLAT
L'arrêt de condamnation
de Jacques Coeur fut prononcé le 29 mai 1453. Trois jours
après, le roi Charles VII chargeait son procureur général,
Maître Jean Dauvet, de procéder à l'exécution
de l'arrêt sur les biens que possédait en France
l'Argentier où dont ses associés et ses agents,
principalement Guillaume de Varye et Jean de Village, avaient
la charge.
Auc côtés de Dauvet,
Otto Castellain, trésorier de Toulouse, et Jean Briçonnet,
élu sur le fait des aides à Tours, se voyaient
confier la garde des biens de Jacques Coeur et la recette des
deniers issus de leur vente en pays de langue d'Oc et de langue
d'Oil.
Le 4 juin, Dauvet,notifia au
condamné la mission qui lui était confiée,
puis commençait, à Tours, le 17 du même mois,
une tournée qui dura 5 ans et ne s'acheva qu'en juillet
1457, après la mort de l'Argentier, le début des
restitutions ordonnées au profit de ses enfants et les
premières lettres de rémission octroyées
à ses serviteurs.
Ce document du procureur Dauvet est une mine incomparable,
puisque cet homme va aller sur les pas du grand Argentier dans
toutes les villes qui comportaient des biens. Ce sera Bourges,
Tours, Montpellier, mais aussi Lyon, Saint Pourçain, Feurs,
Roanne... etc.
Jean Dauvet est un officier royal
du XV e siècle, et Charles VII trouve en cet homme de
moyenne noblesse un serviteur des plus dévoués.
Mais qui
est réellement Jean Dauvet ?
C'est Michel Mollat qui en quelque
sorte réhabilite cet homme, qui fut à l'origine
de la spoliation des biens de Jacques Cur à la suite
de son procès et de son jugement.
"Jean Dauvet est un type
caractéristique d'officier royal du XV ° siècle.
Charles VII a trouvé en lui l'un des serviteurs les plus
dévoués".
Jean Dauvet est né, comme
Jacques Cur vers 1400 fils cadet de Jacques Dauvet sénéchal
d'Anjou. La famille est originaire de Cambrésis puis s'était
fixée en Anjou. (le grand père de Jean Dauvet,
Simon, avait épousé une Antoinette de Brézé.
Simon Dauvet fut chambellan de Charles V.
Jean Dauvet commence sa carrière
comme conseiller du roi René d'Anjou, c'est là
qu'il est remarqué par Charles VII, et fut désigné
comme ambassadeur auprès du Concile de Bâle en 1431.
Plus tard en 1442, il est procureur général et
en 1446, il est procureur général au parlement
de Paris.
Et c'est ainsi que Charles VII
le nomma responsable de l'inventaire des biens de Jacques Cur.
Il fait l'inventaire, met les biens retrouvés sous sequestre
et vend ces biens pour le compte du roi.
C'est donc un officier du roi,
situation assez classique, issu de la moyenne noblesse. Mais
ce qui est remarquable, c'est que Jean Dauvet va être dans
toutes les grandes affaires de Charles VII, Mollat nous dit "affaires
diplomatiques, ecclésiastiques, procès.. etc".
Louis XI, après avoir éloigné Dauvet de
son entourage, comme pour d'autres faliliers de son père,
le rappellera.
Dauvet, dans ses missions sera
implacable. C'était un gallican convaincu, et par exemple,
lors de son périple pour retrouver les biens de Jacques
Cur, Dauvet ira, à la demande du roi remettre de
l'ordre à Langres pour l'élection de l'évêque.
Après sa mission qui dure
du 2 juin 1453 au mois de juillet (le 5) de l'année 1457,
c'est à dire pendant 4 ans.
Inlassablement, Dauvet parcours
des milliers de kilomètres, va de Paris à Feurs
en passant par le Puisaye, et bien entendu, Tours, Montpelleir
et Bourges. Il vient et revient, interroge, fait comparaître
et note tout ce qu'il fait. Il envoie aussi des mandataires partout
où il ne peut pas aller, comme à Limoges ou à
la Rochelle.
Le travail de Jean Dauvet rassemblé
par Michel Mollat est le document le plus important permettant
d'évaluer la plus grande partie des biens de Jacques Cur.
Le journal de Jean Dauvet comprend
près de 700 pages, avec un déroulement chronologique.
Dernier élément,
il semble qu'il n'y a pas eu de rancune tenace entre Dauvet et
les enfants de jacques Cur, ce qui est assez surprenant.
En effet, jean Davet meurt en 1471, il est inhumé dans
l'église Saint Landry à paris, et quelques années
plus tard, le fils de Jean Dauvet, Guillaume rechercha un prélat
pour bénir l'église que sa famille protégeait.
Et bien, le prélat choisi par la famille Dauvet était
Jean Cur, archevêque de Bourges et fils de Jacques,
comme si rien ne s'était passé entre la famille
Dauvet et la famille Cur !
On a beaucoup insisté sur l'archarnement
de ce procureur vis à vis de Jacques Coeur. C'est sans
doute exagéré. Vallet de Viriville écrira
que "jamais peut être magistrat investi des fonctions
qui consistent à faire éclater la justice et la
vérité, ne manqua plus gravement ses devoirs".
Pourtant, Michel Mollat écrit
que Jean Dauvet a exercé peut-être avec rigeur,
mais avec zèle, les fonctions qui lui étaient dévolues.
En particulier, il n'y eut aucune
rancune entre les héritiers après la mort de Dauvet
en 1471.
L'ouvrage ainsi
publié en 1953 comprend 2 volumes et un total de 695 pages,
ce qui est considérable.
La partie Lexique est très
importante, avec un lexique des noms de personnes, de lieux et
aussi, ce qui est assez rare un glossaire pour se retrouver dans
le vocabulaire.
Plume, avec F°154, "2
caisses plaines de plumes d'austrusses", Prepoit, qui signifie
pourpoint, mais aussi Quarte qui est une mesure pour les liquides
et elle est faite d'étain. Avec une quarte on a 2 pintes.
De même la queue est un tonneau contenant à la mesure
de Paris 54 setiers de 8 pintes, soit environ 400 litres.
Ce document universitaire
donne beaucoup de termes du XV e siècle, mais pour certains
mots, "on ne sait pas la traduction". C'est le cas
de "mouchette" dans la phrase "unes mouchecte
pourradoulcir argent".
Enfin, notons que la "migraine"
est... un drap de Rouen !
On trouve le vocabulaire de l'époque
ainsi , page 285, lorsque le roi Charles VII confirme la tâche
assignée à Jean Dauvet :
" CHARLES, par la
grâce de Dieu, roy de France, à notre amé
et féal conseillier et procureur général,
maistre Jehan Dauvet, par nous commis à l'exécucion
de l'arrest pronuncié à l'encontre de Jacques Cuer,
Salut et dileccion".
Dans ce document, sur des pages
entières figurent la liste des biens de Jacques Coeur,
avec des pièces de toile, du drap, dans le vocabulaire
de l'époque, "des taffectas vert de Fleurence, des
Satins noirs plains, des Camelotz, des Tixuz vers ou bleuz, des
Lynomples, Bougrans de toute sorte et autres Toille de Hollande
ou de Troyes..."
Au cours des pages, on trouve
aussi des événements tout à fait intéressants,
comme page 139, ces ligne sur "l'Octroi de vêtements
à Ravant Coeur, le fils du Grand Argentier. Ainsi Dauvet
parle ainsi : " J'ay ordonné à Pierres
Joubert faire faire deux robes noires à Ravant Cuer, fourrées
de aignaux noirs, l'une courte et l'autre longue, ung chaperon,
ung pouroint et autres habillemens de sa personne, le tout jusques
à 28 l tournois et en déduccion des 500 frans que
le Roy m'a escript faire délivrez aux enfans Jacques Cuer."
Le document permet aussi de retrouver
des familliers de Jacques Coeur, comme ses amis et facteurs,
mais aussi son entourage, ainsi "Jaquette ou jacquecte"
est la servante de Perrette de Village.
C'est aussi une vue du style de l'époque
:
Jean Dauvet à Tours en 1453 : (
f°42 v°), page 57.
"Et aussi fismes responce audit
Ravant, que pour le présent ne luy povoit estre faicte
responce sur ladicte requeste, qu'il avoit faicte au Roy de la
delivrance des biens de la succession de sa mère, pour
ce que n'estions pas bien informez ne instruis s'ilz y devoient
aucune chose avoir et qu'il estoit besoing de se enquerir d'aucunes
choses avant que ladicte responce leur puisse estre faicte, et,
au regard de la provision qu'il requéroit, luy dis que
brief seroye à Bourges, et que lors se tirast vers moy,
et que je luy feroye tant qu'il auroit cause d'estre contant."
F°194
1 er ou 2 novembre 1454 : première
évasion de Jacques Cur.
Et incontinant que je fu arrivé
(à Lyon) receu lectre du Roy faisant mencion que Jacques
Cur estoit eschappé du castel de Poictiers où
il estoit prisonnier, et me mandoit le Roy, bien expressément
que je fisse toute diligence d'envoier par tous les ports et
passaiges de par deçà et que je fisse serchier
et enquérir par tout savoir si je pourroye savoir ne oyr
nouvelles dudit Cuer, et lors escripvy et envoyé messagiers
en languedoc en Prouvanse, à Mascon, à Chalon et
ailleurs et ès ports et passaiges du lionnois
. Et
le samedi premier jour de novembre, feste de Toussains, eu nouvelles
que ledit Cuer estoit trouvé.