Qui a construit
le Palais ?
Il faut savoir que l'on ne sait pas
qui a construit la cathédrale de Bourges, et les grandes
cathédrales en général, c'est beau l'anonymat
du Moyen Âge !
On sait qui a construit l'édifice,
et Jacques Cur avait mis en place une organisation importante.
La maîtrise d'uvre est
assurée par deux "hommes à lui", Pierre
Jobert et Jacquelin Collet, aidé à partir de 1447
de Guillot Trépan.
La maîtrise d'ouvrage est effectuée
par les gens d'expérience qui avaient travaillé
à la construction du palais du duc Jean de Berry. C'est
dans la mouvance de Beauneuveu et Dammartin que ce chantier se
déroule, mais l'homme de la situation est Colin le Picard,
"maître des uvres du roi" , il habite à
Bourges dès 1413.
Pour les charpentes, très importantes,
le responsable se nomme Jean de Blois.
Le bois viendra de la forêt de
Blois, mais aussi d'Aubigny, alors que les pierres, de manière
classique à Bourges proviennent de Vallenay, Saint Florent
et bien entendu de Charly pour les pierres sculptées.
On sait donc beaucoup de choses sur
la construction du Palais, et les hommes qui ont uvré
là pendant 8 ans. C'est sans doute parce qu'il reste toujours
des traces écrites des comptes et des finances.
Ce que l'on ne connaît pas, c'est
la part prise par Jacques Cur dans la conception de l'édifice.
Comme pour toutes ses uvres, on peut penser qu'il a fait
appel à des architectes et corps de métiers particulièrement
compétents.
Pour la partie décoration, sculpture
ou héraldite, il ne fait pas de doute qu'il a participé
à certains choix. Il y a par exemple une profusion de
scènes religieuses et en particulier des Annonciations.
La plus ancienne vue du palais provient
des Très Riches Heures du duc Jean de Berry, peinte par
Jean Colombe à la fin du XV e siècle.
La grand maison sert de fond à
cette miniature, on a une vue très proche de la réalité
de ce palais sur la façade occidentale, c'est à
dire les tours, et on voit ce qu'était la galerie en encorbellement
aujourd'hui disparue.
Robert Gauchery au début de
ce siècle fera un essai de reconstitution.
Vous pourrez voir une belle maquette
en visitant le Palais.
L'intérieur
du palais Jacques Coeur
C'est dans l'agencement des pièces
et leur aspect pratique que Jacques Cur a mis sa touche
personnelle. C'est un pragmatique, il a voyagé et rapporté
des idées, il les fait mettre en uvre.
Ce qui frappe, c'est la fonctionnalité
dans l'organisation des pièces et l'imagination dans le
décor, avec une soumission au roi, comme cela se faisait.
Ainsi, les liaisons verticales dans
le palais étaient-elles faites par 10 escaliers à
vis. De même sur le plan du déplacement horizontal,
chaque pièce de dimension normale a au moins deux issues,
et souvent quatre ou cinq.
On a souvent dit que les galeries lui
permettaient de faire du commerce et l'on avait là un
marché, avec des étoffes, des fourrures que les
nobles de la cour venaient acheter, comme aujourd'hui à
la halle au blé.
Il semble bien que tel n'était
pas le cas, et qu'il s'agissait avant tout du logis d'un riche
bourgeois qui ne mélangeait pas vie privée et affaires.
C'est une légende qui tombe encore.
Grant Maison ou Palais
? pourquoi ce nom de Palais ?
Le nom donné aujourd'hui de
" Palais " pour l'édifice est récent.
Jusqu'au siècle dernier, on parlait de la " la grand
maison de monseigneur l'argentier ". C'est sans doute à
partir du moment où il reçoit la cour de justice
de Bourges que l'on parle du bâtiment, comme d'un "
palais de justice " et le mot " palais " est resté.
Par rapport à aujourd'hui, et
cela est certain, il manque un tiers du monument. Il allait jusqu'au
théâtre Jacques Cur compris. Son extrémité
était une tour qui est actuellement dans le théâtre.
Le palais après
Jacques Coeur
L'histoire du monument est peu commune,
après l'arrestation de Jacques Cur, l'édifice
appartient tout simplement au roi Charles VII. En 1457 il est
rendu aux enfants de l'ex-grand argentier, et Geoffroy Cur
en prend possession. Son fils Jacques Cur II en hérite
puis le vend à la famille Turpin en 1501 qui le conserve
un demi-siècle .
C'est ensuite, en 1552 qu'il se retrouve
dans les mains de la famille de Laubépine qui va le garder
un siècle. A cette époque le frère de Claude
de Laubépine, évêque de Limoges fait construire
un hôtel qui prend comme nom Hôtel de Limoges, aujourd'hui
disparu. De 1629 à 1636, le prince de Condé et
son frère le prince de Conti habiteront respectivement
le palais de Jacques Cur et l'hôtel de Limoges. En
1679, Colbert acquiert l'édifice. Acheté par la
municipalité en 1682, c'est l'Hôtel de Ville de
Bourges. Il subit alors de profondes modifications intérieures
pour permettre le travail administratif et l'archivage. Il héberge
ensuite des institutions de justice, le bailliage et le présidial.
Ce n'est qu'au début du XX e
siècle après le départ de la mairie puis
celle de la justice que le bâtiment revenu à l'Etat
devient le fleuron du patrimoine civil berruyer. (en 1858 /1865)
L'intérieur possède encore
de magnifiques architectures, cheminées, plafonds, chapelle,
mais les restaurations ont dénaturé de nombreuses
pièces. Il reste toutefois quelques belles sculptures,
dont un Tristan et Iseult, un bas relief représentant
une galée et des vitraux remarquables.
Au nord, un appendice de style bâtard
nous dit Favier, style pseudo-renaissance est construit vers
1860 dotant l'hôtel d'un prolongement qui en faussa les
proportions et qui est aujourd'hui l'Inspection Académique.
Il reçoit en 1652 la visite
de Louis XIV et d'Anne d'Autriche.
La
façade du Palais Jacques Cur est-elle authentique
?
La façade du Palais Jacques
Cur recèle son lot de mystères, mais sans
aucun doute par suite, au fil du temps, de diverses modifications
dans l'agencement des pierres et des sculptures ont été
effectuées.
En premier lieu, sous le dais, se trouvait
une sculpture équestre de Charles VII. Certains auraient
voulu voir là, une effigie de saint Martin, il n'en est
rien.
L'architecte de Colbert en 1679 décrit
bien la statue du roi "armé de pied en cap en action
de combattant, sur un cheval caparaçonné".
Cette statue sera détruite pendant
la Révolution.
Mais le mystère tient dans les
deux personnages qui sont situés de part et d'autre de
la statue équestre.
Pour les uns, il s'agit d'une servante
et d'un servant de Jacques Cur qui attendent leur maître,
pour d'autres, c'est Jacques Cur lui-même qui s'est
représenté avec son épouse.
Cette version semble la plus communément
acceptée aujourd'hui.
Mais c'est la position des personnages
qui pose problème. Ils regardent au loin
. Alors
qu'il existe deux preuves qui donnent une position inverse.
En effet, à la bibliothèque
de Carpentras , un dessin de Peiresc datant du XVII ième
siècle montre le roi et les deux personnages le regardant.
Le titre en est "griffonnement de la figure de Charles VII
à Bourges".
Seconde preuve, plus loin de nous,
la peinture en double page d'un livre d'Heures, avec pour titre
"le portement de croix et la montée au calvaire",
sur cette uvre actuellement à Munich, on a une parfaite
représentation du palais Jacques Cur et les personnages
sont comme Peiresc les décrit, inversés par rapport
à aujourd'hui.
Donc, c'est clair, les deux personnages
regardent vers le roi.
Seul bémol à cette théorie,
le roi sur son cheval, est dirigé sur la gauche, et c'est
l'inverse pour Peiresc
.
Signalons tout de même que
c'est à Bourges qu'apparaît pour la première
fois une statue équestre,
motif central d'un édifice civil, et ce thème sera
ensuite repris dans de nombreux autres châteaux et palais.
Il semble presque certain, avec une
forte probabilité que les personnages sont effectivement
inversés, mais il manque une preuve de plus, un document
officiel.
Une autre sculpture pose problème,
c'est le tympan avec l'ange saint Michel et l'écu qui
est oblique alors qu'il était droit à l'origine
semble-t-il. Cette sculpture a été restaurée
par Caudron en 1842. Sur une miniature, il apparaît en
effet droit et surmonté d'un casque sur lequel était
posé l'ange.