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SOMMAIRE :
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CETTE CONFERENCE DU PROFESSEUR ROBERT GUILLOT EN MAI 2003, AU PALAIS JACQUES COEUR s'intitulait "JACQUES COEUR, LES DOCUMENTS D'ABORD", dans le cadre des Conférences des Amis de Jacques Cur.avec le soucis de reprendre avec précision ce que nous disaient les documents authentiques. Je suis heureux de vous saluer ce soir ; c'est évidemment un honneur pour moi d'être accueilli ici dans la maison de l'Argentier par monsieur Buisson et d'y prendre la parole à l'invitation de madame Narboux. Je voudrais d'abord m'expliquer sur le choix de cet intitulé
: "Jacques Cur, les documents d'abord".
Les sources de l'historien, L'important c'est de ne pas tordre les sources pour conforter l'image que l'on se fait de tel personnage ou de telle situation. Le deuxième constat, c'est l'insuffisance documentaire que nous allons rencontrer d'une manière générale au cours du Moyen Age. Il y a une formule de Georges Duby qui est très bonne, que je citerais volontiers c'est celle-ci, Georges Duby écrit :
Cette formule est tout à
fait exacte en ce qui concerne Jacques Cur, et cette insuffisance
documentaire est restée longtemps particulièrement
flagrante au point d'avoir découragé d'éminents
spécialistes du XV e siècle d'entreprendre une
étude scientifique de l'Argentier. Au total jusque dans les années 1950 la moisson que l'on trouvait était particulièrement mince, qu'il s'agisse des écrits de Jacques Cur, de ses propos, de la conduite de ses affaires ou des témoignages directes sur sa personne. Quelle explication donner ? Donc tout ça concerne l'époque de Jacques Cur, mais beaucoup plus importantes aussi les difficultés qui sont apparues à cause des malheurs des temps et dans ce domaine des catastrophes se sont abattues, sur ce qui pouvait rester des archives de Jacques Cur. La première, vous la connaissez bien, c'est l'incendie à Bourges de 1487 qui a détruit toute une partie de la ville et qui a entraîné la perte d'archives municipales qui auraient été très précieuses. Autre élément dont il faut tenir compte, plus près de nous cette fois-ci, c'est en 1871 ici même à Bourges la destruction d'archives de l'archevêché, et surtout à Paris l'incendie du bâtiment de la Cour des Comptes au moment de la Commune en 1871, or, il se trouve que c'est vers cette juridiction, qu'avait été dirigés des lots extrêmement importants de documents venant de l'Argenterie de Tours. Et le malheur a continué, car ce qui pouvait subsister et qui restait de la Cour des Comptes avait été déposé dans les caves du pavillon de Marsan or, l'inondation de la Seine en 1910 est passée par là .Et donc a achevé de détruire ce qui était conservé. Eut égard à ces conditions finalement très difficiles, la question qui se pose est donc la suivante: comment approcher l'Argentier dont nous avons les armes parlantes, cur et coquille saint Jacques dès l'abord de la maison et on va le voir dans le documents 4. Vous verrez en sortant, les curs qui sont disposés tout au tour du marteau ainsi que les coquilles. D'ailleurs le marteau n'est plus celui que nous connaissons maintenant il a disparu. En schématisant, on pourrait identifier finalement dans l'historiographie de Jacques Cur, deux grands courants que je vais aborder. Le premier courant est représenté par les récits, les romans historiques, l'évocation finalement d'un destin romanesque qui fait appel à l'imaginaire et au merveilleux ; je rangerais dans cette première série ce que nous savons des légendes, ensuite les romans historiques, la création théâtrale qui est importante, enfin je dirais un mot de l'ésotérisme. En ce qui concerne la légende,
de multiples légendes ont couru à propos de Jacques
Cur, ici même je crois que Honoré de Balzac
a recueilli une légende mettant en évidence
des souterrains conduisant de l'Hôtel Jacques Cur
où nous sommes jusqu'à une tour située à
l'extérieur, mais je voudrais , plutôt puisqu'elle
me semble plus intéressante, vous relater une légende
recueillie en Roannais où Jacques Cur avait des
biens importants et vous verrez que cette légende est
tout à fait teintée d'actualisation en quelque
sorte. La voici : ."Jacques Joli Cur", on l'appelle ainsi, fils
d'un marchand de laine de Bourges ayant entrepris de faire son
tour de France, s'arrête un jour dans la Côte roannaise
dans une petite bourgade qui s'appelle Saint Haôn le Châtel
; là il apprend que près d'un grand étang,
le grand étang de Boisy, vivait un serpent dont la tête
s'ornait d'une bague magique, qu'il quittait chaque soir. Dissimulé
dans un tonneau, nous sommes dans un pays viticole, Jacques s'empare
de cet anneau qui changeait en or tout ce qu'il trouvait ; il
devint très riche. Il fit construire le château
de Boisy, faisait naviguer des bateaux sur la Loire et creuser
des mines pour trouver encore plus d'or jusqu'au "moment
catastrophe" ou le roi devient jaloux de sa fortune, promet
de grandes récompenses, et vous allez voir la petite touche
d'anticléricalisme, promet de grandes récompenses
aux moines d'un bourg voisin celui d'Ambierle si on lui livrait
Jacques Cur ce que les moines firent après s'être
emparés de Jacques Cur par trahison évidemment. Pour l'essentiel, ce premier courant est représenté
par de multiples récits ou romans historiques, on m'a
dit qu'il y en avait des dizaines, répétés,
recopiés à travers les temps. Ils s'alimentent
à une sorte de vulgate qui a pris naissance au XVIII e
siècle à partir de chroniques du XV e siècle
et de fonds de jurisprudence. Ce courant charrie évidemment
beaucoup d'approximations je vous en donne quelques unes, la
première qu'il faut dénoncer avec une certaine
vigueur, c'est celle de Grand Argentier. Surintendant des finances,
grand banquier, prince des marchands, fils d'un orfèvre
de Bourges, un grand bourgeois victime de l'absolutisme, d'un
procès inique... Grand Argentier ou Ministre des finances ? Grand Argentier ou Ministre des Finances, Surintendant des
Finances, nous verrons plus tard ce qu'il en est. Autre déviation,
qui a eu cours pendant très longtemps, c'est l'idée
que Jacques Cur était un personnage sans aucune
éducation, à partir d'une formule d'un chroniqueur
du XV e siècle, Thomas Basin. Au total, vous voyez des polygraphes qui n'apportent pas grand chose à la connaissance véritable de Jacques Cur. Alors cela produit des ouvrages agréables à lire, tout à fait d'accord. Mais éloignés des sources authentiques et dans lesquels la subjectivité l'emporte très souvent avec les dérives inévitables que je viens de citer. Beaucoup plus intéressant à mon avis, pour moi, c'est la création théâtrale, La création théâtrale Et il se trouve que Jacques Cur, par son destin dramatique, ses épisodes extraordinaires a suscité l'intérêt d'auteurs dramatiques et vous êtes biens placés ici à Bourges pour le savoir, puisque la pièce d'Audiberti, "Cur à Cuir" a été créé ici même à la comédie de Bourges avec Gabriel Monnet que vous allez voir dans le document 6. C'était en 1967, Gabriel Monnet en Jacques Cur
montrant à son épouse Macée de Léodepart
les plans du Palais. J'arrive maintenant au quatrième point de cette première grande série d'approches de Jacques Cur, c'est l'ésotérisme. Je dirais que là, c'est une autre paire de manche parce que l'ésotérisme part de documents, effectivement, mais aboutit à des conclusions qui ne sont pas acceptées par tous les historiens. Il faut dire que par son caractère secret, son goût des symboles, Jacques Cur peut très bien se prêter à de telles interprétations. Elles ont été abordées par des propositions d'explication de l'emblématiques des demeures de Jacques Cur par des auteurs comme Christiane Paloux ici même à Bourges et quelques autres. Alors je donnerais seulement un exemple pour illustrer cet
aspect là des choses, c'est un sigle qui est resté
à la fois énigmatique et célèbre
et qui apparaît dans la pierre à l'Hôtel Jacques
Cur, qui apparaît également dans un vitrail
de la sacristie de la cathédrale, c'est ce sigle RG. Ce sera l'occasion de voir ce qui
est un des documents essentiels pour la connaissance de Jacques
Cur, c'est à dire le journal du procureur Dauvet.
Donc c'est le document
N° 5. Alors que dire sur "RG" On peut dire à peu près ceci, c'est que la plupart du temps on l'interprète comme le sigle de "Réal Guerdon" c'est à dire "protection royale" ou "royale récompense" mais les alchimistes estiment que l'on peut aussi le décrypter comme "Recipe G" c'est à dire "prend G", G étant le symbole de la matière première de l'alchimiste, c'est à dire l'antimoine. Toujours est-il que de fait, le milieu des alchimistes
n'était pas inconnu de Jacques Cur, et on peut se
référer ici à une lettre dont l'original
est perdu, lettre dans laquelle Jacques Cur relate la fabrication
nocturne de lingots d'or à partir de laiton doré
à l'hôtellerie de l'Homme Sauvage à Saint
Benoît sur Loire.
L'autre courant, bien affirmé à partir du milieu
du XIX e siècle a été alimenté par
des informations fournies par la recherche de documents de première
main. Laquelle constitue la première étape de la
méthode historique. Et il faut voir dans cette recherche
l'influence de l'Ecole des Chartes (1821) qui a produit un certain
nombre d'ouvrages dont la base archivistique est certes incomplète,
mais qui était parfaitement solide, je citerais seulement
un nom, qui est celui du marquis Du Fresne de Beaucourt, c'est
à dire un des grands historiens de Charles VII. Donc il y a eu un très long processus d'exploration
et dans ce processus un véritable tournant a été
réalisé avec la publication du journal du procureur
Dauvet par M. Mollat qui était alors professeur à
la Sorbonne. Je voudrais citer un exemple qui est particulièrement
significatif et intéressant c'est la découverte
de l'inscription de Jacques Cur de son principal facteur,
de son alter ego, Guillaume de Varye et de l'un des fils de Jacques
Cur, Ravant, à l'art de la soie, vous savez que
nous disons la corporation à partir du XVIII e siècle,
l'art de la soie de Florence qui est l'un des 6 arts majeurs
de la ville, c'est à dire qui avait une importance politique
dans cette ville de Florence. De cette ambiance, nous avons le reflet avec le décor même de cette grande maison qui constitue une autre source documentaire importante, à rapprocher de l'uvre de deux miniaturistes, enlumineurs, d'abord, issus de votre Ville, Jean Colomb, et le tourangeau Jean Fouquet. C'est précisément dans les actes de ce procès
et dans la condamnation que se trouve le gisement documentaire,
donnant l'éclairage le plus précis sur le personnage
et ses affaires. Nous avons maintenant la possibilité de tester un peu
plus sûrement un certain nombre d'hypothèses, de
cerner des réalités. De cette confrontation devraient
ressortir les réponses à 3 grandes séries
de questions : Et enfin comment caractériser les formes prises par son procès ? Et bien la réussite de Jacques Cur qui fait de
lui l'homme d'affaire le plus important du Moyen Age français
paraît s'inscrire assez précisément dans
le cadre du relèvement du Royaume vers la fin de la guerre
de 100 ans, c'est à dire que nous avons à introduire
ici une périodisation. Jacques Cur de 1429 à 1453 Cette périodisation permet d'introduire une première
phase avec pour terme les années 1440. Que peut-on retenir de ses activités jusque là
? Pour l'essentiel, nous le voyons tenter sa chance dans la
fabrication des monnaies, et des premières tentatives
intéressantes dans la marchandise. Le duc de Bourgogne qui est en train d'assiéger une
ville du nord de la Côte d'Or (Aube), un peu avant la signature
de la paix d'Arras qui met fin au conflit entre le roi et le
duc de Bourgogne et il reçoit de ce Bertrandon de la Broquière
dont le costume oriental est particulièrement frappant,
vraisemblablement le récit qu'il a fait de son voyage
et sans doute le volume du Coran (miniature de Jean Le Tavernier
de 1456) et voici ce qu'il déclare : De cette période de formation et d'exploration des conditions du grand commerce qui se clos au moment où la paix d'Arras en 1435 entre la France et la Bourgogne, commence à faire sentir ses effets nous pouvons retenir un certain nombre de caractéristiques, 2 ou 3 qui sont les suivantes : D'abord apparaît déjà chez Jacques Cur l'art de profiter des positions déjà acquises par ceux avec lesquels il s'associe, c'est le cas de la monnaie de Bourges, c'est le cas de ces marchands languedociens. Ensuite, c'est le soucis d'atteindre le plus directement possible les lieux en approvisionnement en marchandises coûteuses Et enfin le troisième aspect qui va perdurer c'est le cumul des fonctions publiques ou para publiques et du négoce. Jacques Cur de 1440 à 1450 Si l'on vient maintenant à la deuxième partie,
c'est à dire 1440 - 1450 ce qui frappe d'abord, c'est
en un temps très court, l'ascension fulgurante de celui
que l'on appelle dorénavant Monseigneur l'Argentier.
Il est annobli en 1441, puis entrant au Conseil du souverain
et il se présente de plus en plus comme l'homme du roi. Charles VII était l'avant dernier fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière vous vous souvenez qu'il était compromis dans l'assassinat du duc de Bourgogne Jean Sans Peur en 1419, qu'il avait été déshérité et banni par le traité de Troyes conclu avec les anglais, entre Philippe le Bon et le roi d'Angleterre Henri V en 1420 . Il ne conservait plus guère que le tiers du royaume à l'issue de l'aventure de Jeanne d'Arc. Cependant en une dizaine d'années, ce prince, velléitaire et sceptique va faire place à un souverain particulièrement actif, ordonné et méthodique, on a dit souvent un autre Charles V. Alors, au contraire de Jacques Cur, ses traits nous sont parfaitement connus et je vais vous les monter dans quelques documents. Le premier, dans un document n° 10 représente à une date précise et bien connue, c'est le 8 juin 1442, c'est au début d'une première tentative de reconquête de la Guyenne, l'entrée solennelle du roi à Toulouse où sont réunis les Etats du Languedoc, on aura l'occasion de dire que la monarchie tire une partie extrêmement importante de ses revenus du Languedoc, donc le roi très souvent se déplace et là, il fait cette entrée solennelle Deux remarques à faire, la première c'est que nous avons un véritable portrait et vous voyez la longueur du nez de Charles VII que nous reverrons tout à l'heure, et la deuxième caractéristique, c'est cette entrée à grand spectacle qui prend la dimension d'une cérémonie liturgique. Le roi a été sacré à Reims le 17 juillet 1429 où il a reçu l'onction qui le rend légitime ; il s'avance sous un dais rouge qui rappelle tout à fait celui qui protège le Saint Sacrement lors de la procession de la Fête-Dieu et il est entouré ici par le les "capitouls" de Toulouse donc des gens de l'administration municipale , manteau traditionnel, mais ce qui est intéressant ici, c'est que parmi ces "capitouls", figure vraisemblablement un personnage dont nous allons reparler : c'est un des ennemis jurés de Jacques Cur, un florentin établi à Toulouse, il y est "capitoul" et s'appelle Otto Castellani . La bataille de Formigny L'événement que l'on pourrait retenir comme véritable symbole de la renaissance et du relèvement du royaume, c'est une bataille dans le fond qui passe inaperçue c'est la bataille de Formigny près de Bayeux, dans la reconquête de la Normandie le 15 avril 1450 et qui est une sorte d'Azincourt à rebours puisque les pertes anglaises ayant été estimées à 80% des effectifs engagés, 4000 tués, 1500 prisonniers c'est considérable. Ce succès éclatant qui permet le recouvrement de la Normandie était du à la capacité du roi à maîtriser les atouts dont il pouvait disposerr. Ces atouts étaient de deux ordres face à un camp anglais un peu désorganisé, et où les garnisons étaient un peu émiettées, pas très nombreuses, mal payées, parce que le Parlement de Londres rechignait et mesurait chichement son aide. Charles VII pouvait compter à la fois sur des ressources et des hommes particulièrement substantiels ce qui lui a permis finalement de l'emporter sur une monarchie qui n'est plus la monarchie d'Henri V Lancastre le vainqueur d'Azincourt mais qui était déjà une monarchie contestée par la maison d'York, avec Richard duc d'York. Nous sommes à la veille de la fameuse guerre des deux roses en Angleterre. Les ressources, et bien les recettes annuelles de la couronne montent à ce moment là à peut près trois millions de livres tournois. Ceci grâce à trois impôts permanents, les aides, la gabelle, la taille et les subsides votés par les Etats provinciaux, avec pour pourvoyeur principal, notamment les états de Languedoc et je dirais au passage que quelqu'un en a profité, pas seulement Jacques Cur mais avant lui et pour le bien du patrimoine, c'est le duc de Berry évidemment, Jean de Berry, qui était Lieutenant général en Languedoc. Donc des ressources, des hommes,
il y a d'abord, profitant des Trêves avec l'anglais qui
se situe entre 1445 et 1449, la mise en place d'un début
d'armée permanente avec une cavalerie bien organisée,
ce sont au total 15 Compagnies d'ordonnance, ( 100 "lances"de
6 cavaliers, plus des hommes à pied). Ce sont les grands
archets et il faudrait ajouter les contingents des vassaux, c'est
par ailleurs Charles VII passé à la postérité
sous le nom de "Bien Servi" et parmi les gens qui l'on
bien servi, figurent deux personnages que nous allons voir, document 11. Celui qui conduisait le contingent breton est le connétable de France, le connétable de Richemont qui sera d'ailleurs duc de Bretagne en 1457, celui qui était surnommé "le sanglier" qui était un dur, prisonnier à Azincourt, éloigné un instant du roi par une cabale conduite par un autre favori qui s'appelle La Trémoille en 1427, puis qui reprend le dessus en 1433, qui a négocié la paix d'Arras en 1435 avec les Bourguignon, c'est lui qui a libéré Paris en 1436 conduisant les contingents bretons à Formigny et c'est lui qui, un peu plus tôt, avait mis fin à cette révolte de nobles que l'on appelle "la Praguerie", donc quelqu'un qui a été présent et très fidèle au roi de France. Et c'est donc le Très Victorieux Charles VII que Jean Fouquet a représenté dans deux tableaux célèbres. Dans le manuscrit du Livre d'Heures d'Etienne Chevalier, Trésorier de France (au musée Condé à Chantilly), une Adoration des Mages avec le roi et derrière lui ses deux fils c'est à dire le futur Louis de France puis l'autre fils, plus jeune Charles qui sera duc de Berry à partir de 1462. Ce qui est intéressant dans ce travail de Fouquet , c'est d'abord le réalisme du visage du souverain que vous reconnaissez bien, le rôle des couleurs royales, rose, blanc, vert, que l'on retrouvera à maintes reprises, la richesse de l'équipement de certains soldats dans lesquels nous reconnaissons les écossais de la garde royale. Ces écossais portent dessus leur cuirasse cette tunique que l'on appelle un "roqueton" et qui est brodée de perles. Les écossais dont nous connaissons le rôle dans l'organisation de la Septaine de Bourges et pendant les dernières campagnes de Guyenne avec Robin Petit-Loup. Sur cette tunique, figure enfin un des emblèmes de Charles VII qui est l'iris, on voit un peu partout cette fleur dans l'emblématique de Charles VII. Le deuxième grand portrait
que vous connaissez bien, c'est celui du document 13 qui a
été à Bourges pendant longtemps, jusqu'à
la démolition de la Sainte Chapelle de Bourges en 1757,
c'est ce portrait qui est le premier portrait indépendant
à mi-corps que l'on connaisse dans l'histoire de la peinture
occidentale. Il revêt un double aspect: à la
fois portrait officiel, c'est l'effigie majestueuse du souverain
et également représentation tout à fait
réaliste à la manière des peintres flamands.. L'effigie majestueuse du souverain dont le buste en triangle renversé s'inscrit dans le losange des rideaux symétriquement écartés, symbole de majesté, tout comme l'azur rehaussé d'or du chapeau. On note aussi un visage aux traits maussades, à l'immense nez plongeant d'où se dégage une impression de lassitude, correspondant à un personnage qui finira par se croire envoûté par ses ennemis.. C'est précisément dans l'entourage proche de
ce souverain que nous retrouvons Jacques Cur au moment
de l'entrée du roi dans Rouen libéré le
10 novembre 1449, il est dans le grand cortège. Jacques Cur a cette date avait réunit
la plus grande fortune privée française de tout
le XV e siècle. La fortune de Jacques Cur Les plus rémunératrices de ses activités se situaient à Montpellier et dans sa région, nous avons ici un témoignage qui est la réception fastueuse dans son Hôtel de Montpellier par Jacques Cur d'un autre écuyer du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Il aimait beaucoup ce genre de compagnie c'est un personnage qui est un petit peu isolé dans ce XVe siècle, il aurait été beaucoup plus à sa place à l'époque des grands tournois de chevalerie du XIII e siècle celui qui s'appelle Jacques de Lalaing " le bon Chevalier". Je vais vous montrer la maison
de Jacques Cur à Montpellier cela va vous donner
une idée de cette demeure(document
15), gravure sur bois de Sébastien
Munster, on retient surtout de quelque chose qui est approximatif
évidemment, c'est cette grande tour, haute de 25 mètres,
cette demeure se situait dans une rue que l'on connaît
très bien qui s'appelait à l'époque la rue
Embouque d'Or c'est actuellement la rue des Trésoriers
de France. Selon une formule extrêmement heureuse de M Mollat que
l'on peut retenir, on peut dire que pour Jacques Cur, tout
se passait comme si il avait un compte courant ouvert en permanence
sur les finances du Languedoc, cela veut dire ceci : il prélevait
sur les recettes fiscales de la province comme commissaire du
roi auprès des Etats et c'était lui qui était
chargé d'aller rechercher pour le roi ce que les Etats
votaient tous les ans ou tous les deux ans et il prélevait
au passage soit directement soit par l'intermédiaire de
ses collaborateurs car l'administration financière du
Languedoc était véritablement truffée par
des gens qui étaient à sa solde, ils étaient
extrêmement nombreux. Il y avait surtout enfin les bénéfices tirés des voyages de ses galées provenant de l'Orient, du Magreb ou des rivages chrétiens de la Méditerrannée occidentale et touchant d'abord à Aigues Mortes et ensuite à Marseille. L'évocation de l'Orient est aussi très caractéristique
de la décoration de cette maison ; c'est le document 16 que vous connaissez,
et puis il y a également avec des documents 17 et 18,
la représentation des navires de Jacques Cur ; il
y en a deux, d'abord ce petit bâtiment qui semble surtout
un bâtiment armé pour la guerre et pas tellement
un bâtiment de commerce et un vitrail, une grosse nef qui
porte les armes de Jacques Cur je m'arrêterais là
; pour le détail technique de ces bateaux qui étaient
au nombre de 4 principaux, il se trouve que M. Mollat par son
environnement familial est sans doute le plus grand connaisseur
français des bateaux au Moyen Age, donc je vous y renvoie.
Ce qu'il faut surtout noter, c'est que ces bateaux bénéficiaient
du monopole royal d'importation des produits venant d'Orient.;
les épices en particulier, Donc au total, on voit déjà apparaître ici les réserves de certains historiens à propos du rôle d'armateur ou de grand commerçant et grand marchand de Jacques Cur. Rien de commun avec les grandes firmes vénitiennes ou génoises d'autant qu'il ne semble pas que ces bateaux aient fait un nombre considérable de voyages vers l'Orient et la conclusion, c'est que l'on peut tout à fait bien prendre en considération la thèse d'un autre très grand historien du Moyen Age, grand spécialiste de Gênes, Jacques Heers, qui estime que Jacques Cur n'est peut-être pas cet homme d'affaires que l'on a dit, qui courrait les chances et les risques d'une entreprise privée, mais plutôt un commis du roi et de l'Etat, agissant dans le cadre d'un service public. Si vous voulez une sorte d'énarque avant la lettre. En tout cas ce trafic maritime, nous pouvons le représenter et le cartographier, c'est la carte numéro 19, Vous voyez comment se présentent les choses, à partir de ce point de départ, Aigues Mortes, Marseille, mais également des ports catalans, Collioure appartient à ce moment là à la Catalogne. Un courant va se diriger vers Alexandrie en passant par une base qui est extrêmement importante qui est une sorte d'entrepôts, une base où s'arrêtent les bateaux, c'est Rhodes, Jacques Cur avait de bons rapports avec les Hospitaliers installés à Rhodes. Et ce courant emmène en direction de l'Orient deux grandes catégories de marchandises, d'abord, des draps, Jacques Cur profite ici d'une sorte de changement vestimentaire qui a lieu à ce moment là, on s'habille avec des draps, ce qui n'était pas le cas auparavant. Et il emporte en même temps des quantités importantes d'argent car l'argent fait prime en Orient, l'Orient et le Moyen Orient manquent d'argent et donc il y a tout intérêt à transporter de l'argent dans cette direction. Le commerce de marchandises de Jacques Cur Il emporte également des fourrures, fourrures vairs, pare exemple , "Vair" du corail de Provence, de Sardaigne, en sens inverse, les bateaux revenant vers l'Occident transportent évidemment des épices, transportent de l'or, cette fois-ci, l'or était arrivé à Alexandrie en provenance du Soudan, du coton, des soieries et indirectement de l'alun, et il faut préciser quelque chose qui est intéressant, c'est que toutes cette zone ci, où se trouve Chio, où mourra Jacques Cur était interdite pratiquement aux bateaux, notamment aux bateaux français, les génois se réservant le monopole de l'alun donc Jacques Cur devait s'alimenter là, pour une fois indirectement en alun auprès des génois. Une tentative malheureuse de laine et de cuir d'Ecosse qui arrive en très mauvais état à La Rochelle. Donc Jacques Cur n'insiste pas. Son idée était de créer à Bruges une base qui, avec la paix retrouvée du côté de l'Angleterre aurait permis le développement de ses affaires dans cette direction. Tout cela arrivait dans les ports de Méditerranée en ce qui concerne maintenant au trafic intérieur, nous allons passer à un autre document N°21, ce document est un peu complexe, je le détaillerais. Venant des ports méditerranées, des épices dont je vous parlais avec un centre qui apparaît ici, Le Puy, par exemple où o,n peut passer également par Lyon, donc en direction de Bourges et en direction surtout l'affaire essentielle, car c'est à Tours que se trouvaient les magasins de l'Argenterie qui recevaient tous ces produits précieux, dont les familiers du roi étaient friands. Ces marchandises pouvaient aller ensuite en direction de Bruges, mais aussi vers Rouen et d'autres points du royaume. On voit aussi en sens inverse, la descente des draps de Flandres en direction de la Méditerranée, l'alimentation en draps également du Berry bien entendu, le Languedoc, et le long des trois fleuves, la circulation du sel, le sel qui remontait de Camargue, le sel qui venait de la baie de Bourgneuf, ici et qui remontait la Loire en direction par exemple d'Orléans et de Paris et le même trafic sur le Seine. L'essentiel de ce trafic était destiné à
l'approvisionnement des magasins de l'Argenterie qui étaient
à Tours puisque le roi Charles VII s'est plutôt
bien fixé dans un petit château à côté
de Tours, le château de Plessis-les -Tours, à partir
de 1444. Et Jacques Cur était à la fois,
ce qui fait un des éléments essentiels de sa
fortune, le fournisseur d'articles de luxe et celui qui les vendait
ensuite aux gens de la Cour, avec des profits qui étaient
sans doute substantiels. Au passage, on peut noter qu'il
s'accommodait de paiements assez originaux. On sait qu'au moment
de la construction de cette maison que le seigneur d'Aubigny,
bien connu, Jean Stuart, qui avait pris des marchandises à
l'Argenterie de Tours a payé directement sans passer par
l'Argenterie. Il a payé Jacques Cur en fournissant
du bois pour la construction de la maison où nous sommes.
Pour clore cet aperçu concernant les affaires de Jacques Cur, plusieurs traits méritent d'être soulignés; je crois que ce qui fait l'essentiel du succès de Jacques Cur, c'est l'extraordinaire activité qu'il déploie. Une énergie tout à fait considérable, c'est un personnage sans cesse en mouvement, pour maîtriser la dispersion de ses affaires, pour s'assurer l'obtention d'offices, d'honneurs ; aux mentions des charges déjà indiquées auprès des Etats du Languedoc, visiteur général des gabelles, il faut ajouter toute une série de missions diplomatiques à Gênes, auprès du roi d'Aragon qui était fort important puisqu'il maîtrisait toute une large partie de la Méditerranée occidentale, auprès du pape évidemment, avec de très grandes ambassades, en particulier en 1447, 1448, et voyez c'est le moment où le statut d'homme du roi commence à s'imposer véritablement, donc une activité extraordinaire qui apparaît d'ailleurs en creux avec la médiocrité semble-t-il de son fils, du seul de ses fils qui ne soit pas clerc, Ravant Cur un personnage autant qu'on puisse le saisir, particulièrement fallot. Deuxième caractéristique, concernant les aspects techniques de ses affaires, l'accord est absolument unanime auprès des historiens, pour dire que nous ne trouverons absolument pas chez lui la sophistication que l'on connaît dans les entreprises italiennes. Certes, Jacques Cur connaît la lettre de change, on a quelques témoignages mais par exemple, lorsqu'il s'agit de transférer des sommes importantes pour régler des achats, il n'hésite pas à confier des sacs remplis de pièces de monnaies tout simplement à des voituriers qui les acheminent dans telle ou telle direction, ce qui est archaïque comme système et absolument impensable dans l'Italie des banquiers . On note aussi l'association : fabrication, commerce ou diffusion des produits et ce dont on peu discuter c'est l'utilisation de formules un peu contemporaines, ( certains et non des moindres n'ont pas hésité à parler de concentration verticale à propos de la draperie du Berry), il avait la production, à propos de la soierie de Florence et à propos également de la fourniture armes puisqu'il était ici à Bourges en association avec des gens ,les frères de Tresse (?) et ils écoulaient ensuite les armes, d'autant plus facilement d'ailleurs que c'était la période de la fin de la guerre de 100 ans et qu'il y avait ces grandes opérations soit en Normandie soit dans les deux campagnes de Guyenne par lesquelles se termine la guerre de Cent ans. Les hommes de Jacques Coeur Le dernier trait qui mérite d'être signalé, c'est une gestion des hommes qui l'entourent, basée sur une confiance qui soude véritablement les gens autour de lui. On a pu parler à propos de ses commis, de ses facteurs, d'une véritable équipe il y a des relations personnelles. Il y a aussi le fait que beaucoup étaient les berrichons, très nombreux étaient les gens de Bourges et même les gens qui habitaient dans la même rue que Jacques Cur. Ce réseau de solidarité se reflète dans l'ornement de la Chapelle de la Grant maison : armes de Guillaume de Varie, Pierre Jobert. Cette solidarité ne s'est pas démentie au moment de la catastrophe, c'est à dire au moment du déclenchement du procès. Cette solidarité lui a permis très souvent d'opérer en sous main par l'intermédiaire de gens dont il avait la confiance. En sous-main car on disait que Jacques Cur avait la main trop forte et les gens craignaient d'avoir à faire directement à Jacques Cur. On a un autre témoignage à propos des Etats de Languedoc je voudrais le citer Jacques Cur procède en termes durs et exquis, c'est à dire et qu'il use de comminatoire, dans des négociations délicates comme l'achat de certains biens, c'étaient des prêtes-noms qu'il utilisait. De ces prêtes noms, il y a des exemples qui sont particulièrement nombreux, il y en a d'abord à l'Hôtel des monnaies de Bourges, il y en a à la monnaie de Montpellier, il y en a, je vous le disais tout à l'heure, dans l'administration financière du Languedoc, il y en a à l'occasion du trafic du sel le long du Rhône et au moment du procès, Jacques Cur dit qu'il a fait ça car il n'aurait pas été convenable que son nom apparaisse directement dans les comptes. Jacques Cur sur tous les fronts Dans toute cette affaire, l'année 1447 marque un véritable tournant, tournant qui est caractérisé par une sorte d'amplification des activités de Jacques Cur. Tout d'abord, on estime qu'il fut vraisemblablement l'instigateur de l'ordonnance du 27 juillet 1447 décidant, pour la première fois depuis 1370, la frappe de pièces d'argent de bon aloi ce qui créait ce que l'on a appelé le GROS de Jacques Cur que vous allez voir maintenant. La pièce est évidemment un petit peu usé,
j'en ai dans ma poche une autre encore plus usée que je
ne vous montre pas il faut surtout regarder ce qui se passe en
dessous et ces pièces qui sont des pièces en argent
et ce qui est intéressant, c'est
que c'est la première fois depuis 1370 que l'on frappe
une pièce de très bon aloi à 92% d'argent
fin. C'est une pièce qui vaut deux sous, ou 6 deniers
tournois et qui est en quelque sorte le symbole du retour à
une monnaie saine. Donc nous disons, Le Puisaye, le Berry, nous reviendrons sur le cas de Bourges. Ensuite le Bourbonnais, il se trouve que Jacques Cur était vraisemblablement originaire d'une famille de Saint-Pourçain sur Sioule, donc acquisitions dans cette région et enfin, à l'extrémité de l'arc, l'acquisition de ces seigneuries proches de Roanne, Boisy et la région de Saint Haon le Chatel. Il faudra ajouter à tout cela en dehors de Bourges même, les biens sur lesquels nous allons dire un mot, des hôtels à Saint-Pourçain sur Sioule, à Moulins, à Tours, à Lyon. A Lyon dans une rue bien connue qui est la rue Mercière, à Montpellier rue Embouque d'Or, à Marseille etc Ces opérations étaient
souvent menées à bon compte, Jacques Cur
s'attaquait à des maillons faibles en quelque sorte, il
opérait auprès de gens qui s'étaient endettés
au cours de la guerre de 100 ans. Vous allez voir dans le
document 23,
un personnage du Bourbonnais, prisonnier aux Anglais par trois
fois pour le service du roi, cela lui a coûté plus
de 9000 écus. Jacques Cur à Marseille Autre élément très important, dans ce
tournant c'est le transfert de sa base d'Aigues-Mortes à
Marseille. A Marseille, cela veut dire en dehors du royaume,
chez le roi René, là où les opérations
portuaires étaient plus aisées, un port profond,
protégé du Mistral par des collines, des magasins
au bord de l'eau et surtout des avantages fiscaux. Alors vous
allez voir le document
22, c'est une scène
qui représente une Marie Madeleine, ici, il se trouve
qu'un des bateaux de Jacques Cur s'appelle La Madeleine,
ce qui est intéressant ici, c'est le port de Marseille,
et la maison de Jacques Cur était sur le quai même,
avec de très vastes entrepôts qui lui permettaient
une décharge très facile des produits, et d'une
manière très symbolique, se trouve ici, le château
des Hospitaliers, qui est en quelque sorte la tête de la
ligne qui conduisait à d'autres bâtiments que les
Hospitaliers avaient à Rhodes. Les biens de Jacques Cur à Bourges Il y a tout d'abord, le lieu de sa naissance qui est rue de la Parerie, près de l'Yèvrette dans le quartier des tanneurs et pelletiers, le père de Jacques Cur était vraisemblablement l'un d'entre eux, et dans cette même zone se trouvait des gens qui lui seront très proches, les Villages, qui étaient des drapiers, il y a surtout évidemment le voisinage du Palais Ducal et de la Sainte Chapelle. En haute de la rue d'Auron, se trouvaient 4 maisons se faisant face à face, deux venant de l'héritage du père de Jacques Cur, deux venant de l'héritage du beau-père de Jacques Cur, Léodepart. Jacques Cur lui-même n'était pas là, il habitait cette maison qui est dans l'actuelle rue de Linière et il y a été très longtemps, dans cette maison qui appartenait à un armurier et qui après la chute de Jacques Cur a appartenu à nouveau à un des frères de Trèze (?), armurier. Et puis il y a la " Grant Maison" où nous sommes, ici, vous voyez que Jacques Cur avait aussi des maisons de moindre importance, ou des emplacements de maisons, comme au niveau de la place Gordaine. Et également dans cet extérieur, noté par un point rouge, l'essentiel se situe quant même dans le haut de la rue d'Auron, la maison qu'il a habité pendant près de 20 ans, et place Gordaine où l'un de ses facteurs, Pierre Jobert avait aussi sa maison. Et Jacques Cur avait là une table de change.
On trouve l'association insistante de l'emblématique royale jointe aux armes et devises de l'Argentier, ce qui témoigne de sa volonté d'étaler l'étroitesse de ses liens avec le roi. les décors ont été exécutés de 1448 à 1451. Il suffit que vous vous retourniez, il y a cette célèbre porte dite "porte royale" document 25, qui est derrière vous, avec la représentation de cette biche et de ce cerf ailés couchés sur un champ d'iris dont nous verrons d'autres reproductions qui figuraient sur des tapisseries il y avait dans cet Hôtel une tapisserie vermeil dit le texte à "cerfs volants" et vous verrais à nouveau ces cerfs volants caractéristiques de l'emblématique du roi dans les tentures d'un lit de justice dont je reparlerais, c'est le lit de justice de Vendôme, si l'on regarde un détail de cette reproduction, le document 27, vous voyez qu'il s'agit d'un cortège qui sort de l'Hôtel mais d'un portement de croix se dirigeant vers le Golgotha, et le fait que cette uvre soit postérieures à la condamnation autorise d'y voir une allusion à titre un peu commémoratif des malheurs et de la chute de l'Argentier par quoi nous allons maintenant terminer. La chute de l'Argentier Le procès de 1451 à 1453, l'approche de ce procès est rendue malaisée parce que l'on a à faire à une procédure qui ne sera qualifiée que plus tard. Trois points doivent être soulignés : Il faut attendre le premier quart du XVI e siècle pour
que soit précisé par exemple, la
notion de lèse-majesté Il n'est pas question de refaire l'ensemble de l'histoire de ce procès, mais d'essayer d'en préciser les grandes phases, et les caractéristiques juridiques. La plupart des historiens utilisent des transcriptions faites au XVIII e et XIX e siècle, ainsi Jacques Heers avec les Actes Judiciaires publiés par Buchon en 1838. S'il y avait une seule chose à retenir, ce serait celle-ci
: ce procès est un procès je dirais à
la Nicolas Fouquet, sous Louis XIV, c'est à dire que tout
est combiné pour qu'il se conclût par la perte des
biens de l'Argentier. Comment les choses se sont-elles engagées ? l'ascension de Jacques Cur s'était accompagnée évidemment d'un certain nombre de rancurs qui s'exprimaient à la Cour et en Languedoc, en particulier dès les années 1445 l'archevêque de Reims, Jean Jouvenel des Ursin, il faut faire attention aux prénoms, car il y a trois frères qui vont jouer un certain rôle. Là c'est Jean qui déclare qu'il faisait des profits absolument scandaleux et il est certains que ceux qui risquaient leur vie ou leur fortune dans les combats de Normandie ou de Guyenne voyaient évidemment d'un assez mauvais il cette ascension et ces investissements subits en biens fonciers depuis 1447. En Languedoc la grogne était générée par deux choses, d'abord le fait qu'il y avait ce monopole des galées de France. Les marchands languedociens soupiraient après, disaient-ils le fait que le commerce devait être libéral, on était dans une réflexion quasi contemporaine et également ce qui les a beaucoup choqué c'est le départ pour Marseille . Par ailleurs il y avait d'autres éléments plus
troublants, on pourrait se demander et si la fidélité
de Jacques Cur envers le roi n'était pas troublée,
par les liens entretenus par Jacques Cur avec le Dauphin
c'est à dire le futur Louis XI, qui commençait
à s'agiter beaucoup et par des liens avec ce personnage
tout puissant dont je parlais tout à l'heure, c'est à
dire le roi d'Aragon Alphonse V . Les "crimes" de Jacques Cur ? La première phase consiste en une information préalable décidée à la fin du printemps de 1451, elle est conduite en secret, quasi secret, alors que Jacques Cur est auprès du roi, et elle s'avère quasiment décisive, puisqu'elle permet de faire peser sur l'Argentier une double accusation : - d'abord un meurtre, une débitrice de Jacques Cur, elle lui doit tout de même 500 écus, c'est une affaire vieille de 3 ans, Jeanne de Vendôme l'accuse formellement d'avoir empoisonné Agnès Sorel. Agnès Sorel, vous connaissez
tous ce volet du diptyque qui se trouve à Anvers, toujours
par Jean Fouquet et commandé par Etienne Chevalier, l'un
des exécuteurs testamentaires d'Agnès Sorel, on
va le montrer au passage, sans que l'on soit absolument sûr
qu'il s'agisse bien d'Agnès Sorel, enfin la beauté
s'impose c'est le document
29. Dans la manière de Fouquet, la
géométrisation du visage, la pâleur du visage,
on a souvent dit une sorte d'érotisme glacé. Le deuxième acte est la décision prise par le roi le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg près de Saint Jean d'Angely (Charente Maritime), le Grand Conseil entendu, d'imputer à Jacques Coeur le crime de lèse-majecté, ce qui entraîne immédiatement l'arrestation de l'Argentier, astreint à tenir prison fermée, et la mise sous séquestre de ses biens. Quatre crimes de lèse majesté,
donc vous l'avez vu, il y a la contre façon du sceau du
roi et on y ajoute très rapidement, c'est le document 31, l'imitation de la signature de Charles VII
il se trouve que l'on a repéré chez Jean Thierry
justement qui était le clerc, et homme de confiance de
l'Argentier. Donc contrefaçon du sceau du roi, relations avec les Sarrasins on revient à l'ancienne affaire de la fabrication de fausse monnaie de Bourges en 1429 - 1430 : falsification portant sur le titre et la taille d'écus royanx., pour laquelle il y avait eu pourtant des lettres de rémission. Et enfin on ajoute quelque chose de très pittoresque c'est une escroquerie émise au mois de décembre 1446 au moment du mariage de ce Comte de Clermont avec Jeanne de France. Le duc de Bourbon son père avait envoyé une ambassade dans laquelle figurait un personnage portant le nom fameux de Lafayette, les Lafayette étaient déjà là et il se trouve que l'on accuse Jacques Cur de s'être entremis dans cette affaire et d'avoir exigé pour que le mariage soit réalisé, le versement d'une somme de 2000 écus les textes disent " faute de quoi il ne ferait rien de leur besogne" . Le roi voulant avoir cette somme "pour ses plaisirs et pour jouer aux dés aux fêtes de Noël"; donc c'est une atteinte à l'honneur du roi qui est ressentie assez durement Quels sont les commissaires qui instruisent tout cela et s'acquitèrent parfaitement de leur mission ? Il y a des familiers du souverain , par exemple un ancien protégé d'Agnès Sorel, le sénéchal de Saintonge et Chambellan du roi, celui-là même qui mettra la mains sur les biens du Roannais Guillaume Gouffier. Il y a aussi de la même manière pour les biens du Puisaye, Antoine de Chabannes qui, par ailleurs, est le gardien de Jacques Cur dans sa prison. Il y a également des hommes de loi en quête d'une promotion par exemple un lieutenant du sénéchal de Saintonge, un personnage qui s'appelle Elie de Tourrettes, qui est créé cinquième Président au Parlement de Paris le 5 juin 1454 sans jamais avoir été Conseiller, c'est à dire que nous n'avons pas inventé à l'heure actuelle le tour extérieur. Il y a aussi dans ces commissaires des hommes d'affaires, souvent Languedociens, parfois d'anciens associés de Jacques Coeur par exemple les frères Teinturier mais aussi des figures extrêmement inquiétantes, et parmi ces figures inquiétantes se dégage celle de ce capitoul de Toulouse, Otto Castellani qui est un florentin établi à Toulouse dans les années 1440, trésorier royal, capitoul en 1443. Il sera d'ailleurs le successeur éphémère de Jacques Cur à l'Argenterie mais c'est un personnage extrêmement louche, trouble, qui sera bientôt convaincu lui aussi de crime de lèse-majesté en raison de ses liens avec le milieu particulièrement délétère des jeteurs de sorts et autres magiciens . Toujours est-il que le 14 juin 1452 au château de Chissay, donc à proximité de Tours, a lieu une réunion générale pour faire le point pour savoir comment on continue. Faut-il continuer l'instruction, faut-il continuer à interroger Jacques Cur,et se pose le problème de la question que recommande l'inquisition pour venir à bout des obstinés. Faut-il lever le secret , et finalement le roi décide de lever le secret pour un période de 2 mois qui a été prolongée en fait jusqu'à la fin de l'hiver 1452/1453 en raison de la reprise de la guerre de Guyenne et dans l'intervalle, Jacques Cur est autorisé à prendre contact avec ses fidèles mais il se trouve que la plupart ont quitté le royaume évidemment de peur d'être arrêtés, c'est le cas de Guillaume de Varie, de Jean de Village, de bien d'autres encore. C'est le moment quant même que se situe l'intervention favorable à Jacques Cur de quelqu'un qui l'a connu et qui l'a apprécié, c'est directement le pape Nicolas V lui-même et je fais produire ce document 32 avec les armes de ces papes à la sacristie du chapitre, offerte à la cathédrale de Bourges par Jacques Cur, on sait le rôle dans sa grande ambassade de 1448 et dans l'abdication de l'anti-pape Félix V en 1449.. La sentence Il se trouve par ailleurs que le propre frère de Jacques
Cur, Nicolas Cur avait été représentant
du roi auprès de la papauté pendant quelques années.
Ce que l'on voulait surtout dans cette sentence que l'on appelle
interlocutoire, c'était de savoir si l'accusé
pouvait bénéficier, après avoir reçu
les ordres ecclésiastiques, d'un privilège de cléricature.
Comment Jacques Cur réagit-il ? Eh bien
il dit qu'il s'en rapporte aux témoins des accusations,
il ne se défend pas vraiment il y a un seul point sur
lequel il n'est pas d'accord, c'est l'empoisonnement d'Agnès
Sorel, et de fait son accusatrice sera convaincue de faux témoignage.
Pour le reste il reconnaît les faits, il déclare
que s'il est torturé, il confessera ce que l'on voudra
et il essaie seulement de les expliquer, soit par un soucis de
bien public, il dit qu'il faisait ces trafics vers l'Orient
pour donner bruit, c'est à dire donner de la renommée
à la marchandise de France. Pour les esclaves chrétiens,
il dit que, je cite " il sait bien que si un français
s'était échappé aux anglais, ou si un anglais
s'était rendu en ce royaume, pour être français,
que celui qui le rendrait serait digne de grande punition".
Ou bien alors il explique son attitude par des considérations
sur la concurrence disant que s'il n'avait pas pratiqué
ainsi, les génois auraient interdits l'embarquement d'épices
sur les bateaux français. Vous voyez ici le roi en majesté, à ses pieds le grand Chancelier de France qui est le frère de celui qui accusait Jacques Cur, d'avoir fait des profits énormes, cette fois-ci c'est Guillaume Jouvenel des Ursin et vous le voyez avec sa robe rouge, à côté un des compagnons de Jeanne d'Arc, Dunois qui est des seuls à avoir déposé dans le procès de Jacques Cur à décharge, les membres du Parlement etc vers l'avant les gardes écossais avec ce décors de perle et surtout siégeant au parquet comme il se doit le procureur général du roi au Parlement de Paris, celui qui met les biens de Jacques Cur sous séquestre, c'est à dire Jean Dauvet. C'est celui qui a parcouru la France dans tous les sens pour mettre les biens de Jacques Cur sous séquestre pour les vendre etc. Les ultimes épisodes du procès
ont eu lieu dans la grande salle du palais ducal de Poitiers,
et on retourne ici à proximité de Jean de Berry,
c'est le document
36. donc une salle
merveilleuse e qui sert actuellement de salle des pas perdus
au Palais de Justice, et c'est là que le Chancelier de
France, Guillaume Jouvenel des Ursin prononce la sentence. En attendant le versement de ces
sommes il doit rester en prison et il reste en prison dans la
chambre du roi au château ducal de Poitiers. Avant de refermer définitivement le dossier du procès, il faut souligner qu'il y a eu une tentative de révision sous Louis XI, à l'époque où les hommes de Jacques Cur étaient absolument rentrés en grâce, on faisait du Jacques Cur sans Jacques Cur, ça tourne court au bout de deux audiences sans résultat en 1462 devant le Parlement de Paris. Epilogue : Quel a été le sort de Jacques Cur et de ses biens. Le sort de ses biens d'abord. Sous la pression du roi, qui écrivait à Jean Dauvet qu'il fallait se presser, et ramasser tout l'argent qu'il pouvait et bien au bout de 4 ans d'opération, en 1457, Jean Dauvet avait réussit à réunir 290 000 livres tournois sur les 550 000 que théoriquement, il aurait du obtenir. Je vous montre, les documents qu'il aurait du obtenir, produits au moment de l'attribution de la vente des biens du Roannais, ce sont des documents 41 et 42 avec Guillaume Gouffier qui s'empare de ses biens pour la somme de 10000 écus, c'est une bonne somme, c'est la somme que le roi retient pour la maison où nous sommes, à Bourges. Deuxième étape, il faut passer à la Cour du Trésor pour que cela devienne officialisé, et l'ensemble de la procédure pour Roanne se trouve dans un grand rouleau, c'est le Document 43 qui est très important puisqu'il mesure 15 mètres 48 sur une largeur de 0,60 mètres, et pour chacun des biens que j'ai détaillé tout à l'heure existaient de tels rouleaux , on en a conservé 5 ou 6 . Jacques Cur lui-même, pendant que tout cela se
produisait était auprès du pape, en effet, il
s'était échappé du château de Poitiers,
où il était à la garde d'Antoine de Chabannes
dans la chambre du roi c'était fin octobre 1454 et à
la fin de 1454, il avait mis le cap vers le sud, d'abord, chez
les Dominicains de Limoges, puis au confins du royaume chez les
Franciscains de Beaucaire. Par un audacieux coup de main, et
là on a le document, Jean de Village réussit à
le faire passer en Provence en compagnie de son fils Ravant,
qui n'était pas dans le royaume, on le sait par des lettres
de rémission qui ont été accordées
à Jean de Village et le 16 mars 1455 le pape pouvait prononcer
son éloge devant le consistoire. C'est pendant ces deux ans que se prépare cette croisade
contre les Turcs, puisque vous vous en souvenez, le jour de la
condamnation de jacques Cur, les Turcs s'étaient
emparés de Constantinople et la croisade avait d'abord
pour premier objectif le contrôle de l'île génoise
de Chio. Mais aussi, c'est cet aspect assez complexe du personnage, il voulait aussi participer certainement à l'affrontement de la chrétienté du monde Ottoman comme un de ces chevaliers qu'il admirait beaucoup, et tout cela se termine par ce que nous apprend l'obituaire du Chapitre de la Cathédrale de Bourges, confirmé par une bulle pontificale de 1467, c'est à dire le jour de la Sainte Catherine, le 26 novembre 1456, la mort de Jacques Cur. Alors se pose pendant quelques années, le
problème du tombeau de Jacques Cur, est-il
mort à Chio, est-il mort ailleurs ? Dans les années
1960, on a pu voir dans les gazettes une dépêche
reproduite dans "Le Monde" qui annonçait que
l'on avait retrouvé l'emplacement de son tombeau dans
un jardin public qui a été aménagé
à la suite de la disparition l'église des Cordeliers
dernière demeure de l'Argentier. Pour ma part, je préférerais
conclure en paraphrasant une épitaphe fameuse, "c'est
dans la mémoire des vivants que se trouve le tombeau des
défunts illustres." Je vous remercie. Robert Guillot |