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LE SOMMAIRE
Et puis une nouveauté : L'information et l'actualité à savoir sur Bourges, en quelque clip et quelques lignes :
L'HISTOIRE DE JACQUES COEUR DE BOURGES
Une série de plusieurs textes qui doit vous permettre de connaître Jacques Coeur :
L'essentiel sur Jacques Coeur en 4 pages.
La Vie de Jacques Coeur en 100 pages
Le texte d'une conférence de Robert Guillot à Bourges
L'essentiel sur Jacques Coeur en 4 pages
- Jacques Cur est né à Bourges en 1400 dans une maison proche de l'église Saint-Pierre-le-Marché, rue de la Parerie, où son père exerçait la profession de marchand pelletier. Il passe son enfance dans ce quartier de la rue des toiles, au pied du rempart et pas loin du Palais du duc Jean. Très jeune, il gére un des douze changes de la ville.
Jacques Cur devient un commerçant à une échelle beaucoup plus ample que ses concurrents de l'époque. Marchand mais aussi banquier, armateur, industriel, maître de mines dans le Forez, il est le contemporain de Jeanne d'Arc, de Gilles de Rais, et le confident d'Agnès Sorel. Il conçoit des routes, installe des comptoirs pour faire " commerce avec les infidèles ", créé une flotte de navires. Ses galées, et le négoce avec le Levant devint plus que prospère.
Il est un " manager " d'une grande modernité, à la fois Receveur des taxes sur le sel, Commissaire aux Etats du Languedoc, maître des Monnaies et Argentier du Roi. Il tisse un réseau commercial de toute première importance, avec Montpellier, puis Lyon, Avignon, Limoges, Rouen et Paris.
Comme l'écrivent ses biographes, " Il fut créateur, sans le savoir, des sociétés multinationales et des entreprises à succursales multiples, il réussit à stopper la dévaluation de la monnaie ". Il fut un génial administrateur et un diplomate dans des situations délicates, fréquentant les rois, les princes et les papes.
En fait, la fortune du grand argentier ne serait pas due totalement à la vente de tissus ou de fourrures aux nobles de la cour, ni dans la fabrication de l'or à partir de métaux vils comme cela se murmurait dans les milieux alchimistes. C'était sans doute plus simple et plus rentable, il " jouait les différences de cours de l'Or et de l'Argent, entre l'Occident et le Levant.
Jacques Cur est anobli en 1441, et deux ans plus tard, il acquiert un terrain, pour y construire une " grant'maison ", ce que nous appelons le Palais. Les travaux vont commencer assez vite, mais les difficultés techniques apparaissent, car la construction se fait sur une partie du rempart gallo-romain.
En 1450, le Palais est presque terminé. Jacques Cur donne une fête dans la salle des festins, pour la réception organisée à la suite de l'accession comme archevêque de Bourges de son fils, Jean. Ce sera une des rares occasions pour Jacques Cur de profiter de son palais.
Jacques Cur est arrêté sur l'ordre du roi Charles VII le 31 juillet 1451. Il est emprisonné pour une dizaine de motifs plus ou moins sérieux. Mais à l'époque on ne badine pas avec les aveux. Torturé et soumis à la question il avoue tout ce que veulent ses détracteurs, et il est condamné le 23 mai 1453.
Il va finir sa vie aventureuse comme dans un roman de cape et d'épée. Il s'évade de sa prison, rejoint Rome et le Pape, affrète une flotte au nom de son illustre hôte, et s'en va combattre les infidèles. Il meurt le 25 novembre 1456 dans l'île de Chio, sans doute lors d'un combat naval avec les Turcs.
Parmi les médiévistes qui travaillent sur le XV ième siècle et sur Jacques Coeur, deux théories s'affrontent :
- Celle de Michel MOLLAT pour lequel Jacques Coeur est un chef d'entreprise, et une entreprise privée. Son livre "Jacques Coeur et l'esprit d'entreprise" est un ouvrage de base, qui montre que l'Argentier du roi a été dans tous les domaines un homme de son temps mais en avance sur le plan de l'entreprise.
- A l'opposé, la théorie de Jacques HEERS, dans son livre "Jacques Coeur, dans lequel il défend la thèse d'un Jacques Coeur qui est avant tout un officier du roi, et donc un dirigeant d'une entreprise publique. Pour lui, Jacques Coieur préfigure ces grands "commis" de l'Etat qui gèrent les entreprises appartenant à l'Etat.
L'LA VIE DE JACQUES COEUR (1400 - 1456)
Marchand mais aussi banquier, armateur, industriel, maître de mines dans le Forez, Jacques Coeur est le contemporain de Charles VII, Jeanne d'Arc, de Gilles de Rais, et le confident d'Agnès Sorel.
Il conçoit des routes, installe des comptoirs pour faire " commerce avec les infidèles ", créé une flotte de navires, ses galées, et le négoce avec le Levant devint plus que prospère.
Il est un " manager " d'une grande modernité, à la fois Receveur des taxes sur le sel, Commissaire aux Etats du Languedoc, Maître des monnaies et Argentier du Roi.
Il tisse un réseau commercial de toute première importance, avec Montpellier, puis Lyon, Avignon, Limoges, Rouen, Bruges et Paris.
Comme l'écrivent ses biographes, " Il fut créateur, sans le savoir, des sociétés multinationales et des entreprises à succursales multiples, et ... il réussit à stopper la dévaluation de la monnaie ". Il fut un génial administrateur et un diplomate dans des situations délicates, fréquentant les rois, les princes et les papes.
La ville de Bourges en 1400
" Bienvenue dans le Royaume de France en 1400 ou de ce qu'il en reste, car nous sommes en pleine guerre de 100 ans. Elle a commencé en 1340, et la France est en partie occupée, avec en 1415 la lourde défaite d'Azincourt.
Notre pays est ravagé par des troupes régulières mais aussi par des brigands et autres écorcheurs, c'est une guerre franco-anglaise a laquelle se superposent des famines et à des épidémies comme la peste.
Bourges deviendra capitale de la France vers 1418 lorsque le Dauphin doit quitter Paris pour se réfugier à Bourges. Et il deviendra " le petit Roi de Bourges ". Jacques Coeur fête donc ses 18 ans dans un pays où il ne fait trop bon vivre.
Le XIV e et le XV e siècle, c'est l'apogée de Bourges, une période qui fait de la ville, la capitale du royaume de France. Les noms qui font alors la renommée de la ville sont parmi les plus illustres de l'Histoire de France. C'est Jean de Berry, le duc mécène, ami des artistes, mais c'est aussi Charles VII, devenu par la force des choses, " le petit roi des Bourges ", à ses côtés de fabuleux personnages comme Jeanne d'Arc, mais aussi dans un autre registre, Jacques Coeur et aussi la dame de Beauté Agnès Sorel. C'est à Bourges que va naître le dauphin, le futur roi Louis XI .
Avec sa cathédrale, puis le Palais du duc Jean de Berry, et la Sainte Chapelle, avant le Palais de monseigneur l'Argentier Jacques Cur, c'est une ville somptueuse de 30 000 habitantsAfin de permettre de bien comprendre cette période, voici quelques dates repères sur les rois de France de la fin du XIV ième siècle du XV ième siècle qui est vraiment celui de Jacques Coeur.
Jean II le Bon ( 1319 - 1364) est roi de France, c'est lui qui est battu à Poitiers en 1356, et fait prisonnier, il meurt à Londres en 1364.
Charles V le Sage, né à Vincennes en 1338, il meurt à Nogent en 1380, il est le fils aîné de Jean le Bon, et donc frère du duc Jean de Berry.
Charles VI le Fol, il est né à Paris en 1368, devint roi en 1380, et meurt en 1422, il va régner 42 ans pour un roi fou, ce n'est pas mal.
Charles VII le Victorieux (ou le Bien Servi), il est né en 1403 à paris il est le fils de Charles VI le roi fou et d'Isabeau de Bavière. Il est reconnu roi par certains en 1422, mais se fait sacrer à Reims en 1429, avec Jeanne d'Arc. Il meurt à Mehun du Yèvre en 1461, il a régner lui aussi près de 40 ans, c'est " le petit roi de Bourges ".
Louis XI, le fils détesté de Charles VII est né à Bourges en 1423, et il meurt en 1483, après un règne de 22 ans puisqu'il a été roi à la mort de son père en 1461.
Charles VIII, dit parfois l'affable, a peu régné une15 ans de 1483 à 1498, il était né à Amboise en 1470, il eut pour épouse Anne de Bretagne.
Louis XII, le Père du Peuple, est né à Blois en 1462, il meurt à Paris en . 1515 !
JACQUES CUR, LES JEUNES ANNEES
Quelques questions sur ce personnage, qui deviendra emblématique à Bourges plus de 6 siècles après sa naissance.
Première question, Jacques Coeur est-il né à Bourges ?
Seconde question : est-il né en 1400 ?
Troisième question : est-il né en haut de la rue d'Auron à Bourges comme le stipule une plque commémorative ?
Jacques Cur est bien né à Bourges
Jusqu'à ces dernières années, beaucoup d'inconnues subsistaient sur la date et le lieu de naissance de Jacques Cur. Il était né à Saint-Pourçain ou à Bourges, parfois même à Montpellier ! et il y avait toujours un doute chez les Berrichons qui exigent des preuves avant de prendre parti.
Il faut savoir qu'il n'existe aucun document de cette époque, dans les archives locales ou nationales qui prouvent cette naissance en Berry, car à cette époque, hormis pour les " grands " et les nobles du pays, il n'existait pas de registre des naissances.C'est donc d'une manière indirecte que cette naissance est attestée à Bourges, à partir de l'histoire de ses parents.
Pierre Cur, son père, originaire de Saint Pourçain s'installe à Bourges, comme marchand pelletier. Bourges est alors une ville importante dans laquelle le commerce est florissant. Ce devait être avant 1400, probablement vers 1392/98.
Il va épouser la veuve d'un boucher, Jean Bacquelier, mort récemment, sans doute entre 1395 et 1400. Cette veuve dont on ignore le prénom avait eu un enfant, Jean Bacquelier, fils de son père Jean, et né vers 1395 et mort, là, c'est une certitude en 1475, comme chanoine. Les bouchers formaient une corporation riche et renommée au Moyen Âge.
Donc, la veuve Bacquelier se marie avec Pierre Cur, et ils ont deux fils, Jacques, notre Jacques Cur et Nicolas Cur né vers 1403.
(pendant longtemps, on a pensé qu'il s'agissait de la fille ou de la sur de Jean Bacquelier, mais aujourd'hui, cette hypothèse est abandonnée).
La maison de naissance de Jacques Coeur
A Bourges la maison de naissance de Jacques Coeur a longtemps fait l'objet d'une belle plaque commémorative indiquant que le futur Argentier était bien né dans cette maison située à l'angle de la rue d'Auron et des Armuriers.
Et pourtant la réalité historique est toute autre.
On retrouve dans les archives mise à jour par Jean Yves Ribault, un Pierre Cur possédant une maison, en 1408, rue de la Parerie, et "sise près des étuves de Montmarault", au bord de l'Yévrette.
L'Yévrette est une rivière artificielle qui partait de la rue Charlet, boulevard Chanzy et passait rue Mirebeau, l'Hôtel Dieu et allait se jeter dans l'Yèvre vers la place Rabelais actuelle, on trouve cette rivière sur le plan de Nicolas de Fer.
Aujourd'hui, cette rivière est busée et sa sortie se fait en face du centre commercial Leclerc.
De plus, on retrouve la trace de cette même maison, dans un texte de 1409, comme ayant appartenu aux héritiers de "feu Jean Bacquelier". Et Pierre Cur est bien un des héritiers de ce Bacquelier.
Il y a aussi à Bourges, une tradition dont nous parle Raynal et qui évoque effectivement, mais sans apporter de preuve, que Jacques Cur serait bien né au bord de l'Yévrette.Il y a donc une forte probabilité pour que Jacques Cur soit né au bord de l'Yèvrette à côté de l'Eglise Notre Dame, qui s'appelait Saint Pierre le Marché, dans ce qui est aujourd'hui la rue de la Parerie (plaque " rue Parerie "). Sa maison natale aurait été détruite lors du grand incendie de 1487. Il est vrai que l'incendie de la Madeleine a détruit le quartier.
Aujourd'hui nous n'avons pas beaucoup d'autres solutions que ce lieu de naissance.Cette " maison natale " de Jacques Cur située à l'angle de la rue d'Auron et de la rue des Armuriers, est toujours largement photographiée par les touristes?
Il s'agit d'un faux, que des générations de berruyers ont colporté. Buhot de Kerser réprouve en 1883 l'existence de cette maison natale.
Plus proche de nous, Edmont Jongleux, à qui nous devons beaucoup de textes, écrit dans les années 1930 que dans cette belle maison de la rue d'Auron, naquit Jacques Cur.
Il semble donc que jusqu'à ces dernières années, cette maison d'angle, magnifique, et qui fut une pâtisserie renommée avant de laisser la place à un Pub ait passé pour être la maison natale de notre Grand Argentier.
Pourquoi la plaque de naissance sur la maison du haut de la rue d'Auron ? Simplement parce qu'elle fut propriété des parents de sa future épouse.
En quelle année Jacques Cur est-il né ?
C'est beaucoup plus difficile, et si l'on dit par exemple en 1400 puisque Bourges a commémoré les 600 ans de Jacques Cur en l'an 2000, encore faut-il connaître le mois puisque le calendrier Julien commençait l'année en avril.
Jean Yves Ribault affirme que Jacques naît en 1400 et son frère Nicolas en 1403.
Le calcul fait pour déterminer la date de naissance mérite que l'on s'y arrête :
La seule date connue avec précision sur cette époque est 1446.
C'est en effet en 1446 que sur l'insistance de Jacques Cur, alors puissant, une demande auprès du Pape de nommer son fils Jean comme archevêque de Bourges. Mais ce dernier est très jeune, il a 25 ans, et il doit attendre l'âge canonique (27 ans) pour prendre sa charge.
Il est donc né en 1421.
Comme on admet qu'il est né immédiatement après son mariage avec Macée de Léodepart, donc en 1420 et qu'il avait alors 20 ans, il est donc né en 1400. Irréfutable ?
Sans doute non, mais c'est une forte hypothèse.La famille de Jacques Coeur vers 1400 :
Le frère cadet de Jacques Cur se nomme Nicolas, prêtre et licencié en 1428, il a donc environ 25 ans, ce qui le fait naître vers 1403, un peu après son frère aîné.
Signalons que Jean Cur fera son entrée dans Bourges comme archevêque le 5 novembre 1450.
Pour Philippe Carton, "Jacques Cur s'est marié avec Macée en 1423, c'est une date bien connue et indéniable !"Cela signifie simplement que les dates des jeunes années sont toujours à + ou - 2 ans.
L'enfance de Jacques Coeur
Que savons-nous de l'enfance de Jacques Cour qui est développée dans le roman de Jean Christophe Rufin, " Le grand Coeur " et pour laquelle, c'est un peu l'inconnu.
On sait qu'il va suivre un enseignement à l'Ecole de la Sainte Chapelle, son frère Nicolas poursuivra ses études à Orléans et à Paris. Il obtiendra une licence de droit.
Lorsqu'il a 14 ans, le petit Jacques est fils de marchand et selon la tradition familiale veut être marchand lui-même.
Thomas Basin, chroniqueur de l'époque décrit Jacques Cur comme "sine litteris", ce qui ne signifie pas qu'il était illettré, mais qu'il n'avait pas fréquenté l'université.Cette enfance s'effectue dans le quartier situé entre l'Eglise Notre Dame et le Palais du duc Jean de Berry, c'est à dire dans un espace relativement étroit.
Cette église fut donc l'Eglise de Jacques Cur et de sa famille, ils habitaient à 50 mètres de celle-ci, rue de Parerie. On imagine le jeune Jacques assistant aux messes et vêpres . Car la famille était très chrétienne.
Ainsi son frère Nicolas sera chanoine et deux des fils de Jacques Coeur entreront dans les ordres, nous en reparlerons. Il fut aussi l'ami de plusieurs papes dont Nicolas V et Calixte 3.
Ils vivaient bien, ils étaient dans la corporation des bouchers, par dame Bacquelier et ils tenaient le haut du pavé.
La fin de l'adolescence de Jacques Coeur
A 18 ans, on peut penser qu'il s'agit d'un solide gaillard, sa musculation venant de la manipulation des ballots de cuirs et peaux.
LE BOURGES DE JEAN DE BERRY LE GRAND MECENE
Les fastes du duc Jean de Berry à Bourges
Tout commence donc avec l'apanage qui est donné au troisième fils de Jean le Bon, c'est en 1361 et c'est le duc Jean de Berry né en 1340 qui prend possession de " ses terres ".
C'est le début d'une période faste avec le duc qui est un ami des arts, on lui doit les livres d'enluminure dont " les Très Riches Heures " par les frères de Limbourg, des constructions comme le palais de Bourges encore visible et la Sainte Chapelle aujourd'hui détruite, mais c'est le constructeur du château de Mehun sur Yèvre, une merveille parmi les merveilles.
Avec le duc de Berry commence la grande période de Bourges, ce duc est à l'égal d'un roi, et sa cour est tout simplement fastueuse. Il y entraîne le futur Charles VI son neveu, fils de Charles V le frère du duc de Berry.
En 1380, Charles V meurt et laisse le trône à son fils Charles VI.
Charles VI ne va pas laisser une grande image de roi dans la population, c'est même l'inverse. En effet, c'est ce roi qui devient malade et " fou " à partir de 1392. C'est lui aussi qui a failli brûler dans un déguisement de poix et de plume, lors du bal appelé " bal des Ardents ".
Pourtant ce roi Charles VI va régner de 1380 à 1418, c'est à dire pendant une petite quarantaine d'années.Le grand personnage du moment est donc le duc Jean de Berry. C'est un mécène très généreux, il commande beaucoup aux artistes, dans tous les domaines, et c'est une réussite considérable. Les sculpteurs, verriers, graveurs, enlumineurs et autres constructeurs sont à Bourges et en Berry, et ils oeuvrent. Rarement, l'Occident s'est trouvé dans une si courte période aussi fécond dans le milieu de l'art.
Seule ombre au tableau : le financement. Il ne semble pas que le duc Jean de Berry, pour construire son palais de Bourges ou commander son tombeau visible en partie dans la crypte de la cathédrale de Bourges ait " fait dans la dentelle ". L'argent, il le trouvait et tous les moyens licites et illicites étaient utilisés. C'est vrai que c'était l'époque qui voulait cela, mais il allait sans doute un peu loin, ce bon duc.
A Bourges et en Berry, le duc va créer des structures administratives très efficaces, comme ce qui touche à la justice et aux finances de son duché. En 1379, le duc Jean constitue une chambre des comptes.Jean de Berry
La ville de Bourges rayonne, et les spécialistes affirment que la cité comprend près de 30 000 habitants, du jamais vu jusqu'alors. Bourges qui sera à partir de 1418, un peu la capitale du royaume en est la troisième ville juste dépassé en nombre d'habitants par Paris et Beauvais.
Jean de Berry s'affirme comme un grand constructeur, certains affirment que ce ne sont pas moins de 17 châteaux, palais et autres demeures importantes qu'il fait édifier. Il n'en reste pas grand chose aujourd'hui. On connaît par exemple Poitiers, Lusignan, Riom ou Gien et surtout Mehun sur Yèvre, à une quinzaine de kilomètres de Bourges, sur la rivière l'Yèvre.
La Sainte Chapelle
Le palais ducal de Bourges dans lequel se trouve aujourd'hui des services du Conseil général du Cher fut construit vers 1375, et jouxtant ce très grand palais dont il ne reste qu'un tiers environ encore visible, il fait édifier " la merveille des merveilles : la Sainte Chapelle ". C'est sans doute le plus bel édifice, avec la cathédrale jamais construit à Bourges.
La Sainte Chapelle date de 1405, le duc est âgé et il veut en faire le lieu de sa dernière demeure, et pour cela il demande à ses " artistes ", un tombeau qui sera en marbre blanc avec le gisant du duc, et 40 pleurants en marbre et en albâtre.
Jean de Berry, est un homme de passions, mais pas de pouvoir. Il aurait pu, compte tenu de la situation mentale de son neveu, Charles VI, accaparer le pouvoir royal, ce qu'il ne fit pas. Il laissa même gouverner dans certains moments délicats, son frère, Philippe le Hardi, qui était le duc de Bourgogne.
Homme de passion et de fidélité, après le traité de Brétigny, en 1360, il fut prisonnier dans la Tour de Londres, il avait 20 ans et resta 2 ans dans cette geôle, alors que son épouse Jeanne d'Armagnac l'attendait en Berry. Et lorsque son père Jean le Bon retourna en prison dans la Tour de Londres, parce que son petit frère s'était enfui, Jean de Berry accompagna son père et demeura encore 3 ans prisonnier.Les passions de Jean, c'est l'art sous toutes ses formes, et aussi, la nature et par exemple, il aimait courir la campagne, faire des chasses, et pour cela il possédait une meute de près de 1500 chiens . D'ailleurs, dans ce domaines, il est presque l'inventeur des zoo et autres parcs animaliers. A Mehun, il élevait toutes sortes d'animaux plus ou moins tropicaux, comme des ours, son animal fétiche avec le cygne, mais aussi des autruches et une girafe !
Parmi les autres passions du duc, il faut signaler les jeunes femmes, et s'il n'était sans doute pas plus volage que les nobles de cette époque, ses mariages avec des gamines à un age avancé a fait beaucoup jaser dans la rue du Vieux Poirier à Bourges.
Et la guerre fratricide continue
Tout ne va pas pour le mieux car l'assassinat de Louis d'Orléans a une suite, et en 1419, alors que les deux camps ennemis semblent se rapprocher, c'est un nouveau drame.
Jean sans Peur, l'assassin de Louis d'Orléans est à son tour trucidé par " la bande à Charles ", c'est au pont de Montereau que se produit le crime réalisé par Tanneguy du Chatel, un des hommes de Charles, et bien entendu, c'est ce pauvre Charles qui est accusé d'avoir assassiné son cousin.
Il est aussitôt déshérité par sa maman, Isabeau de Bavière qui lui en veut beaucoup et qui proclame à tout vent que ce fils est un bâtard, ce qui va affecter pendant plusieurs années le jeune Charles de plus en plus recroquevillé sur lui-même.
Et Isabeau qui reste à Paris, alors que son régent de fiston est toujours à Bourges ou en Berry, offre la couronne du royaume de France à Henry V de Lancastre, le roi d'Angleterre.
Charles dans ces années, file un mauvais coton, comme l'on dit en Berry. Il est de plus en plus complexé par cette rumeur sur sa " batardise ", et il se terre dans le palais ducal de Bourges ou dans le château de Mehun sur Yèvre.
Un moment de joie semble-t-il dans cette période " pourrie ", il épouse le 22 avril 1422, sa copine de jeu, Marie d'Anjou dont Chastelain fera un portrait peu amène, disant " qu'elle avait un visage à faire peur aux Anglais même ".
Marie d'Anjou, fille de Yolande d'Anjou, sera une reine effacée, elle " fera dans la prière, le rouet et les enfants ". Charles lui fera 14 enfants en 23 ans.La guerre continue, et Charles le régent se sent à l'étroit dans son Berry. Aussi, avec l'aide des écossais de Jean Stuart, il tente de reprendre quelques villes comme La Charité ou Cosne.
Et puis tout arrive, puisque le 22 octobre 1422, le roi "fou", Charles VI meurt, et après avoir convoqué les Etats Généraux des provinces à Bourges, son fils Charles est proclamé roi de France, en tout cas par ceux qui étaient venus en Berry et qui ne représentaient pas la majorité. Car au m^me instant à Paris se déroulait une autre cérémonie qui proclamait roi de France et d'Angleterre, le fils de Catherine et de Henri V de Lancastre, qui s'appelait lui aussi Henri.
La France avait 2 rois, Charles VII et Henri VI. Il y en avait un de trop semble-t-il. Charles VII était un roi français mais il n'avait autour de lui à Bourges qu'une poignée de fidèles, et il était devenue par dérision " le petit roi de Bourges ", et à paris, dans une ville où sévissait la famine et dans laquelle pénétraient les loups, un roi qui était reconnu par la majorité des " grands " du royaume, mais ce roi était anglais, et cela allait poser quelque problème.
JACQUES COEUR ENTRE DANS LA VIE D'ADULTE Un mariage dans la haute bourgeoisie
1420, Jacques Cur épouse Macée de Léodepart, c'est un beau mariage, car sa belle est fortunée, Jacques Cur accède à un premier rang social.
Or cette maison, vers 1400 appartenait à Lambert de Léodepart, un berruyer d'origine flamande qui était le prévôt de la ville de Bourges. Il avait la puissance et les honneurs, ayant un titre très envié, celui de "valet de chambre du duc de Berry", une sorte de chef de cabinet comme l'on dirait aujourd'hui.
Sa famille, de Léodepart avait commercé dans le drap de laine et comme à cette époque, les foires de Bourges étaient célèbres, il était venu et sans doute il était resté sur place. Il avait en outre épousé la fille du maître des monnaies de la ville.
Et c'est sans aucun doute son beau père qui va mettre le pied à l'étrier des affaires à son gendre.
Cette maison actuelle date du XVI ème siècle, elle a été reconstruite nous dit-on à la suite de l'incendie de 1487. Mais, ce n'est pas si simple puisqu'une étude de l'Université Populaire faite en 1987, montre que l'incendie n'a sans doute pas touché ce secteur. Il reste encore beaucoup d'incertitudes sur la destruction de la bâtisse.
D'où vient la confusion de cette maison et de celle de Jacques Cur ? Sans doute de la présence du petit jacques à partir de 1409 dans . la maison d'en face.
Le père Coeur, pelletier, dans ce lieu, avait acheté ou loué, on n'en sait pas plus, deux maisons, la première pour faire boutique, et la seconde pour habiter avec sa petite famille. L'opération se déroula le 20 juillet 1409, et elle se fit avec Guillaume Bonnet, cordier de son état.
Jacques Cur à son mariage vers 1420 restera dans ce même quartier, on ne sait pas trop où. C'est sans doute dans une maison attenante à celle de son père ou de son beau père.
Et après son mariage, on ne sait pas combien de temps après, il va venir vivre avec son épouse, c'est une maison à l'angle de la rue des armuriers et de la rue de Linière, en face de l'actuelle bibliothèque des 4 Piliers. Mais on ne sait pas depuis quand......
En effet, Jean-Yves Ribault puis Jacques Heers affirment qu'en 1436, Jacques Coeur a 36 ans, il a une femme, Macée de Léodepard et plusieurs enfants.
Il habitait dans une des maisons nouvellement construites ;
Il restera dans ce lieu de nombreuses années, jusqu'à la construction à partir de 1443 de la Grant' maison.De 1395 ou 1400 jusqu'en 1429, il n'existe aucun document évoquant Jacques Coeur, sur une existence de 56 ans environ, cela représente la moitié du temps de sa vie dont nous ignorons totalement ce qu'il a fait.
Cela ouvre la porte aux supputations, légendes et au roman.Les enfants de Jacques Coeur connus:
On connaissait de manière précise 5 enfants du couple Jacques Coeur et Macée. il s'agit de :
Jean = né en (ou vers) 1421, il est le plus connu des enfants de Jacques Coeur, il deviendra archevêque de Bourges, Ce sera, malgré son jeune âge, un très bon archevêque. Il meurt en 1483.
Henri = il est né vers 1429, il deviendra lui aussi un homme d'église. Il sera chanoine puis Doyen du chapitre de l'Eglise de Limoges, chanoine de la Sainte Chapelle de Bourges. Après la mort de l'Argentier, il obtiendra du Pape l'autorisation de ramener le corps de son père en France.
Geoffroy ou Geoffrey = sera un échanson du roi. Il fera carrière dans les offices du roi, un fonctionnaire en quelque sorte. Il épousera en 1463 Isabelle Bureau, qui était la fille du grand maître de l'artillerie; Jean Bureau, seigneur de Monglas. Il meurt en 1488.
Les ancêtres du grand argentier viennent du côté garçon de cette branchede Geoffroy : 10 000 descendants ont été présentés le 18 novembre 2000. On trouve des descendants de Jacques Cur dans les familles de Vogüé, de Peyronnet, de la Rochefoucauld, de Rohan-Chabot, mais aussi de la Panousse, de Robien, de Broglie, Guéné, de Dieuleveut, etc.Ravand (ou t) = on ne sait pas grand chose de ce fils, qui a travaillé semble-t-il avec son père, ce sera le seul. (le prénom, peu courant venait de Ravant le Danois, qui a pu être son parrain). On le retrouve en Italie lorsque Jacques Cur fit commerce avec "la Bogetta della seta" à Florence. C'est Ravant qui "prit possession de draps pour une expédition en Catalogne (JH).
On le retrouve sur le navire "Notre Dame Saint Jacques" en 1445.
Par contre, Ravant lors des difficultés familiales va se désolidariser du reste de la famille. Il viendra crier misère auprès du procureur Dauvet affirmant que ses frères l'avaient chassé. "Ravant Cur qui me dist qu'il n'avoit de quoy vivre ni de quoy avoir des vestements et aultres habillements de sa personne". Dauvet lui octroya 500 livre, et nul n'en entendit parler. Ravant, c'est un mystère.Perrette = la seule fille de la famille, elle fera un beau mariage avec Jacquelin Trousseau en 1447 . Ce Jacquelin Trousseau fils d'Artault, or cet Artault, viconte de Bourges était le propriétaire du château de Bois-Sir-Aimé, lieu de résidence de Charles VII et d'Agnès Sorel. Ce château qui était en très mauvais état fut réparé par l'Argentier sur son argent propre.
Jacques Coeur a-t-il eu d'autres enfants ? Nous ne le savions pas jusqu'en 2009. Il était courant à l'époque d'avoir plus d'enfants, car beaucoup dans ces temps d'épidémies mourraient jeunes. Ce fut sans doute le cas, mais aucun document n'en fait état.
Sauf que M Alain Galan nous a fait parvenir en avril 2008 des documents importants qui montrent qu'une fille de Jacques Coeur, Geoffrette avait été mariée à un membre de la famille de Jean de Cambray.
Geoffrette = qui va épouser Jean de Cambrai (pannetier du roi ?) lequel était le fils d'un personnage célèbre Jean de Cambrai, sculpteur et à qui l'on doit le gisant du duc Jean de Berry et qui épousa Marguerite de Chambellan et ils eurent des denfants dont Jean de Cambrai et son frère Etienne de Cambrai qui fut évêque d'Agde mort en 1462. (comme Nicolas Coeur, il fut très actif à la cour de Rome).
Charles VII, roi berrichon et tourangeau
Jacques Coeur aurait pu devenir un marchand comme son père, et comme beaucoup d'autres, si le dauphin, devenu roi à la mort de Charles VI et ensuite couronné à Reims en 1429, n'avait choisi la cité de ce fils de peletier comme capitale d'un royaume, devenant de manière dérisoire aux yeurx de ses adversaires, "le petit roi de Bourges".
On raconte que le roi Charles VII avait peur de tout, et il avait sans doute un peu raison. Lors d'un voyage, alors qu'il était dans une grande pièce, le plancher s'effondra et il en réchappa par miracle.
Alors, il revint à Bourges et resta dans cette ville protectrice le maximum de son temps. De 1422 à 1437, c'est à dire pendant 15 ans, il fit de Bourges sa capitale pais surtout son point d'attache.
Progressivement, il mit en place une véritable cour, même s'il vivait à crédit et que cette cour était quelque peu piteuse . C'est le chapitre de la cathédrale qui réglait certaines dépenses, la rumeur affirmait que le poisson à Carême venait des chanoines .
Et puis le 3 juillet 1423, c'est la joie au palais de l'archevêque de Bourges en face de la cathédrale Saint Etienne. Le palais royal étant alors en réparation, c'est dans ce palais archiépiscopal que logeait alors le roi et la reine, et cette dernière mit au monde un garçon que l'on prénomma Louis, c'était le premier enfant du couple, et ce sera le futur Louis XI. En regardant les premiers instants de vie de ce nouveau né, Charles VII n'imaginait pas que ce bébé, une fois grand serait son ennemi le plus redoutable !
Louis fut aussitôt baptisé dans la cathédrale de Bourges et son parrain fut le duc d'Alençon.
Le roi ne pouvait jamais partir très longtemps, lorsqu'il quittait Bourges, c'était pour revenir rapidement, car une catastrophe s'était produite.
Ainsi, avec un entourage turbulent, ne sachant pas choisir ses " vrais amis ", le roi n'était pas au mieux de sa forme, l'épisode d'un de ses favoris, le sire de Giac qui fut jeté dans l'Auron, dans un sac cousu, et en mourut est symptomatique du climat de l'époque.
Lorsqu'il était à Poitiers, c'était en 1428, le connétable de Richemont qui avait un temps aidé Charles VII, sentait que ce dernier était en difficulté, il prit Bourges et la Grosse Tour, et lorsque Charles VII revint du Poitou, la ville n'était plus à lui. Il s'arrêta dans les faubourgs du Château, aujourd'hui, vers la route de Dun, et négocia pour qu'on lui rendit sa ville . Ce qui fut fait. ( à confirmer)A partir de ces années 1427/29/32 ... l'historien commence a avoir quelques données plus précises et plus fiables, par rapport au quart de siècle précédent.
1427 (vers 1425 ?) Jacques Coeur entre dans la vie active
Vers 1425, la date n'est pas connue, qu'il se retrouve à gérer avec des associés l'atelier monétaire de Bourges.
Il travaille alors avec Ravand le Danois dans un change situé du côté de la place Gordaine de Bourges.
Nous ne savons pas comment il a obtenu cette charge importante dans une cité où séjournent les grands du royaume, sans doute un coup de pouce de son beau-père, Lambert de Léodeppart, qui était prévôst ou encore par son père qui était un commerçant de premier plan. Mais il ne s'agit que de supputations.On ne sait pas grand chose de cette période jusqu'en 1429, où il est arrêté et condamné pour malversation dans la frappe de la monnaie, il devait mettre moins de métal précieux dans les pièces qu'il frappait....
Et pourtant, intervention familiale ou une bonne défense, toujours est-il que le 6 décembre 1429, le roi Charles VII lui accordait des lettres de rémission, et il va continuer à s'occuper pendant plusieurs années de la Monnaie de Bourges comme l'écrit Georges Minois.
D'ailleurs, ses associés devaient avoir les mêmes faveur puisque Ravant le Danois deviendra général maître des monnaies de 1435 à 1461.
Il apparaît même que le lien entre cet associé et Jacques Coeur aura beaucoup d'importance dans le reste de sa carrière.
1429 - 1431 : Et voici Jeanne d'Arc
Alors que le jeune Jacques Cur, il a moins de 30 ans frappe monnaie avec deux associés, du côté de la Place Gordaine, il va avoir quelques problèmes en fabriquant de la monnaie à un titre un peu trop bas par rapport à la loi.
Il aura de la chance puisque le roi qui aurait pu l'envoyer aux galères va finalement le laisser libre. Mais il traverse sans doute une période difficile.
Les anglais sont très présents dans cette guerre dite de " 100 ans ", et ils se maintiennent au nord de la Loire, mais ne rêvent que de conquérir Bourges et le Berry. Le roi Charles cherche une solution, et pour cela à l'automne 1427, il réunit les Etats généraux à Chinon afin de délivrer des villes comme Orléans, Beaugency, Jargeau, Meung sur Loire toutes ces villes sont plus ou moins assiégées par les anglais.L'épopée de Jeanne d'Arc
Et puis c'est 6 mars 1429 ce jour connu par tous les enfants de France, voit l'arrivée d'une très jeune fille, ayant pour nom Jeanne d'Arc dite, la " pucelle ". Elle rencontre Charles VII à Chinon et après une entrevue bien mystérieuse, entre le roi et Jeanne, elle réussit à le " regonfler " et elle obtient qu'il s'engage à bouter " l'anglois " hors de France. C'est ce qui sera fait quelques mois plus tard.
Que peut dire l'Histoire sur cette conversation ? Il semble que la jeune fille mue par Dieu ou une psychologie de haut niveau ait réussit à redonner confiance à ce roi faible et malingre. Qu'à pu lui dire Jeanne ? Sans doute a-elle affirmé que les voix de Dieu qu'elle avait entendu à Domrémy lui avaient dit que le roi était bien légitime et le fils de son père le roi et non le bâtard que sa mère évoquait ..
Et puis c'est une des pages les plus connues de l'Histoire, avec l'épopée de Jeanne d'Arc en Val de Loire, et à Bourges. Car ce qui est moins connu, c'est la présence très longue de Jeanne d'Arc à Bourges, elle y vint à plusieurs reprises.
Le 8 mai 1429 la ville d'Orléans est délivrée par Jeanne et ses compagnons : Etienne de Vignolles dit La Hire, le Bâtard d'Orléans (comte Dunois), Gilles de Rais, Poton de Xaintrailles ou Saintrailles, le duc d'Alençon et bien d'autres .
Et sur la lancée d'Orléans, juste avant l'été, en juin 1429 ce sont les villes de Jargeau, Meung sur Loire et Beaugency qui sont aussi délivrées. Jeanne d'Arc est en train de gagner son pari, et elle entraîne Charles dans la victoire.
Jeanne poursuit ses combats et elle gagne, c'est ainsi que se déroule un 18 juin 1429 la bataille de Patay, c'est une victoire décisive en rase campagne du camp de Charles VII et des Armagnac. L'effet Jeanne la Pucelle se poursuit et dynamise les armées qui lui reconnaissent un pouvoir divin.17 juillet 1429 Jeanne conduit Charles à Reims pour le faire sacrer roi de France. Son armée a franchi la Loire sans être inquiétée par les Anglo - Bourguignons. Pour être reconnu roi de France, Charles doit recevoir l'onction avec l'huile de la sainte ampoule en la cathédrale de Reims, c'est la coutume pour tous les rois de France.
23 mai 1430 Jeanne est faite prisonnière à Compiègne par les hommes de Jean du Luxembourg, allié du duc de Bourgogne. Il la vend aux anglais qui la conduisent à Rouen, où elle sera jugée pour hérésie et sorcellerie par l'évêque Pierre Cauchon.
30 mai 1431 Jeanne est brûlée vive sur la place du Marché de Rouen. Charles n'a rien fait pour la secourir, mais le pouvait-il ? Seuls Gilles de Rais et peut-être la Hire ont essayé de la libérer, sans succès.Jeanne d'Arc et Jacques Cur à Bourges
Comme le rapporte Jean Yves Ribault dans un article fort documenté, la question centrale, c'est de savoir si ces deux personnages qui vivaient en même temps autour du roi, et donc à Bourges se sont rencontrés.
Jeanne d'Arc dont la vie "publique" est extrêmement courte, deux ans pas plus, a passé de longs moments à Bourges. En particulier au cours de l'automne et de l'hiver 1429 - 1430.
Nous sommes devant la maison de Marguerite la Touroulde, qui est l'épouse d'un fonctionnaire des finances royales, cette dame s'occupa avec beaucoup d'attention à Jeanne d'Arc, et c'est ici que loge la pucelle.
Jacques Cur a une trentaine d'années, ce n'est pas un "gamin", mais il n'est que le fils d'un marchand aisé, et son beau-père est une personnalité locale importante.
Jeanne d'Arc et La Touroulde qui avait épousé un fonctionnaire des finances royales, c'est ici que logea la pucelle. Elle était très célèbre et chacun de ses déplacements en ville donnaient lieu à des attroupements. C'était une intense curiosité, et les femmes apportaient leurs enfants pour que Jeanne les bénissent.
Des commères l'assiégeaient pour lui faire toucher leurs patenôtres, et la jeune fille repoussait tout ce monde, avec un peu d'agacement, sans doute de colère . Elle répondait assez souvent d'un "Touchez-les vous-même, ça fera le même effet".
Sa vie à Bourges devait lui pesait, elle n'aspirait qu'à poursuivre le combat et l'inaction ne devait pas être dans son tempérament.
Elle poursuit son uvre ou son destin en allant sous les murs de La Charité dès le 24 novembre 1429, mais la ville résiste et Jeanne du reculer à Noël.
Je ne la reverrai jamais.
Le jeune Jacques Coeur depuis plusieurs années, sans doute depuis 1427 est associé-gérant de la Chambre des monnaies de Bourges, une entreprise, semi-publique et semi-privée. Il frappe monnaie pour le compte du roi de France.
Jacques Coeur n'est donc pas très connu en 1429, il est à la veille de devenir un grand négociant, il a de l'ambition, il a trouvé la faille entre l'entreprise privée et l'entreprise publique, il est proche de la réussite sociale.
Dans les rues de Bourges à l'automne 1429, Jeanne d'Arc qui n'a que 17 ans est déjà une figure de légende.
Le 8 mai 1429, Jeanne d'Arc a fait lever le siège d'Orléans, redonné confiance à la France et au Roi, elle a dirigé plusieurs campagnes guerrières sur les bords de la Loire et enfin, elle a conduit tout simplement le Roi à Reims pour qu'il soit couronné le 17 juillet. Un exploit lorsque l'on connaît l'état de non-sécurité des routes du royaume.
Pourtant l'étoile de la jeune pucelle donne des signes de faiblesse, le 8 septembre, devant Paris, elle doit reculer et blessée, elle doit revenir sur l'arrière à Bourges, un peu contrainte par le Roi.
Jeanne d'Arc pendant plusieurs mois à Bourges en 1429 et 1430 a certainement rencontré Jacques Cur, on n'en a aucune trace écrite, mais il faut savoir que sur Jacques Cur en cette période, on ne sait pas grand chose.
Jean Yves Ribault affirme "qu'il serait inconcevable de penser qu'il ne l'a pas croisée, aperçue, connu son aventure, été attentif à ses faits et gestes, à ses combats, à sa mission, en un mot et à sa triste fin dans les mois qui suivirent".
Il apparaît donc fort probable que Jacques Cur, comme d'autres berruyers ait vu les attroupements et se soit approché de la jeune fille, sans pour autant l'importuner.
Mais une rencontre formelle entre Jacques Cur et Jeanne d'Arc parlant de Charles VII, au pied de la cathédrale Saint Etienne a du être un grand moment, s'il s'est produit.
Quant à Marguerite, elle va assister et parler lors du second procès, et elle confirmera que la petite était pucelle, puisqu'elles couchaient souvent dans le même lit.
Charles VII à Bourges
Charles VII est arrivé à Bourges en 1418, il vient de Paris chassé par les "Bourguignons", il est très jeune et un peu instable. C'est ujn jeune homme sur la défensive, il craint à tout moment d'être assassiné, car deux éléments sont intervenus dans sa vie :
- Il est le fils de Charles VI, mais pour beaucoup à la cour, et les rumeurs se propagent vite, il est un bâtard, et la couronne ira à Henri V et non a lui. Il a vu mourir aussi ses deux frères aînés.
- C'est un jeune homme qui ne croit pas en lui, il a le goût de la solitude, c'est un personnage méfiant de tout, très inquiet à table quant il ne connait pas une personne par exemple.Georges Minois affirme qu'il avait des terreurs maladives.
Mais à côté de cela et au fil du temps, ce dauphin va évoluer. Il avait un jugement souvent droit, de l'affabilité, mais aussi le goût des choses de l'esprit. Il peut avoir de l'énergie, et si il participe à des combats, la guerre n'est pas trop son "truc".
Sur le plan physique, ce n'est pas un bel home, pas un Apollon, mais il a la jeunesse avec lui. Et puis il s'habille de manière simple. Les chroniqueurs l'ont décrit avec partialité ou réalisme, on ne sait pas trop. Voici un des portaits : "Toute sa vie, il fut grèle et malingre, il avait les jambes courtes, les genoux cagneux, une démarche disgracieuse.
Il fait vieillot et fatigué. il a le nez long, la bouche épaisse et sensuelle, la mâchoire forte, les yeux petits et troubles...
Il a les plaisirs de ses 20 ans lorsqu'il est à Bourges, où il vit dans le palais de son oncle, le duc Jean de Berry, avec la Sainte Chapelle, mais il vit le plus souvent à Mehun sur Yèvre. Il n'aime pas trop les villes, par exemple, à Tours, il préfère aller dans des manoirs voisins de la grande ville. Comme plus tard, Bois-sir-Amé à quelques lieues de Bourges.
C'est un roi nomade, il reste peu en place, sans doute la crainte, et donc un besoin de sécurité.
Son entourage est qualifié souvent de douteux, mais il doit bien s'appuyer sur des conseillers.C'est encore le temps des rivalités, des parasites et des complots. C'est l'époque.
Pourtant, il va multiplier les conquètes amoureuses, même si être roi, ça aide, il devait tout de même posséder un certain charme.
Et pourtant, Charles VII fera preuve à certains moments de son existence d'une rare énergie, et réussira à faire la paisx avec Bourgogne et à chasser les Anglais devenant le "Victorieux".
Les vrais débuts " professionnels " connus de Jacques Coeur 1430 - 1440
Après l'épisode malheureux de 1429, et de la monnaie de "mauvais alois" qui aurait pu valoir à Jacques Coeur les galères, commence la vraie aventure commerciale et industrielle de cet homme qui a sans doute bénéficié alors de l'aide de son beau père.
Toujours est-il qu'à partir de cette date, on commence a avoir de vraies documents sur le futur Argentier de Charles VII.
1430 : Première compagnie commerciale
Mais de 1429 à 1432, Jacques Coeur se fait sans doute " tout petit " .
C'est en 1430 que Jacques Coeur qui vient de se sortit d'une mauvaise passe, se lance dans la création d'une compagnie, société commerciale, pour prendre un vocabulaire actuel, avec des associés, les frères Godard, Pierre et Barthélemy.
Cette structure avait pour objectif de fournir au roi et à la cour toute sorte de produits que l'entourage du roi se disputaient.
Pour le roi, qui avait aussi quelques besoins, et qui n'avait pas beaucoup d'argent, il " payait " en privilèges, comme des exonérations ou des patentes.
C'est alors que l'on a, de manière indirecte, la preuve d'un grand voyage de Jacques Coeur au Levant, dans un périple qui aurait pu très mal tourner. Et ce premier voyage connu reste un mystère pour les historiens.
1432 : Un premier voyage au Levant
Jacques Cur devient un commerçant à une échelle beaucoup plus ample que ses concurrents français de l'époque. Il rêve sans doute de rivaliser avec les Médicis de Florence ou les marchands de Gênes ou de Venise.
Son premier voyage connu dans les pays du Levant se déroule en 1432
Ce voyage reste aujourd'hui encore un mystère. On ne sait pas ce qu'il a ramené, sinon une stratégie d'approche de ce commerce. Le retour sera délicat, il fera naufrage au large de Calvi, fait prisonnier, et rendu contre une rançon assez faible, ce qui signifie qu'à cette époque il n'était pas considéré comme un personnage important.
L'épisode de la "fausse monnaie" d'ailleurs ne remet pas en cause les fonctions de Jacques Cur puisqu'il garde la maîtrise de son atelier de change jusqu'en 1436 avant un court passage à la monnaie de Paris, qui venait d'être libérée de l'occupation anglaise. C'est le premier aspect.
C'est à ce moment que l'on voit apparaître la mer et les navires pour la première fois dans la vie du futur argentier.
Il vient à peine de se sortir d'un mauvais pas qu'on le retrouve à Damas en cetet année 1432.
C'est un mystère aujourd'hui encore de savoir ce que fait ce berrichon, un terrien Jacques Cur fait si loin de ses bases.Plusieurs hypothèses avec de parler plus en détail de ce voyage :
- Tout d'abord, dans les livres, on peut lire depuis très longtemps qu'il est au Levant pour mettre en place une flotte de navires afin de faire prospérer son commerce qui était jusque là terrestre.
Il vient de commencer la mise en place de sa Compagnie commerciale, et il veut aller plus loin. " Il vise plus haut ", le grand commerce international est totalement pris en main par les différentes cités italiennes comme Gène ou Venise, ....
Aussi, on peut penser que ce premier voyage en Orient va lui permettre d'étudier les possibilités réelles de ce commerce et il s'en va pour nouer des contacts comme l'affirme Georges Minois.
C'est peut être vrai, mais ses premiers navires qui feront ce type de commerce sur cette mer Méditerrannée, les galées dites de monseigneur l'Argentier, ne sont en place qu'en 1444, c'est à dire 12 ans plus tard !
Il semble de moins en moins crédible de penser qu'il est allé voir comment commercer. Sinon, il n'aurait pas attendu 12 ans avant d'en tirer les conséquence et créer une petite flotte de galées.- Sur ce voyage, des spécialistes ont songé à une expédition très personnelle, de dévotion vers les lieux saints, une sorte de pèlerinage. C'est une repentence, lui le croyant après ses turpitudes financières. Il faut retrouver le vrai chemin et rien de tel que d'aller sur les pas ou presque de Jésus.
- Ce qui semble plus probable, ce serait la fonction d'un Jacques Cur diplomate, ce qu'il deviendra 15 ans plus tard. Et il était peut être tout simplement en mission diplomatique, mais cette fois pour le compte du duc de Bourgogne. A cette époque Jacques Cur se cherche et si Charles VII l'a sauvé, peut-être cherche-t-il d'autres appuis. Certains à cette époque, du côté de Bourgogne travaillaient sur une future croisade.
Ce qui est certain toutefois, c'est que lorsqu'il va créer les galées de commerce, il utilisera ses vieux souvenirs de ce voyage, mais pas plus.
Le voyage de 1432
Nous sommes renseignés sur ce voyage par le naufrage du retour de ce navire devant Calvi et d'une manière très inattendue, nous avons un témoignage sur son passage à Damas, dans le récit d'un écuyer du duc de Bourgogne Philippe le Bon qui avait été envoyé par son maître dans cette région, au moment où il y avait déjà des bruits de croisade et cet écuyer s'appellelait Bertrandon de la Broquière.
Jacques Coeur quitte Bourges et il s'embarque à Narbonne en 1432 pour ce voyage au Moyen-Orient en compagnie de marchands languedociens. Il avait prit place dans un navire, la "Sainte Marie et Saint Paul" qui appartient à Jean Vidal, un bourgeois de la ville de Narbonne. Souvent, ce navire était loué par des marchands de Narbonne, mais cette fois en mai 1432 lorsque le navire quitte le royaume, Jacques Cur est avec des négociants de Montpellier, il s'agit de Secondino Bossavini, Louis et Paul Dandréas, Philibert de Nèves, et d'un commerçant d'Agdes.
Cette " galée " de Narbonne, on ne sait pas trop à quel type de navire elle appartient, il s'agit d'une nef, d'une galée, ou d'une galéasse et pourquoi pas une coque ?Habituellement, un navire va de Narbonne à Alexandrie en 25 jours environ, selon le temps. Afin d'éviter les risques de piraterie car il faut naviguer au plus près des côtes et non en pleine mer.
En réalité, les historiens ne sont pas tous d'accord, pour notre part, nous suivrons les écrits de Jacques Heers, pour qui le navire est allé à Beyrouth et là, il a débarqué Jacques Cur, lequel s'en est allé à Damas, pendant que le navire allait à Alexandrie.La présence de Jacques Coeur nous vient plus tard. Le duc de Bourgogne était en train d'assiéger une ville du nord de la Côte d'Or dans l'Aube d'aujourd'hui, un peu avant la signature de la paix d'Arras qui mettra fin au conflit entre le roi de France et le duc de Bourgogne et il reçoit de ce Bertrandon de la Broquière dont le costume oriental est particulièrement frappant, un témoignage dans lequel il déclare :
" Quant nous fûmes venus à Damas, nous y trouvâmes plusieurs marchands français, vénitiens, génois, florentins et catalans, entre lesquels il y avait un français nommé Jacques Cur qui depuis a grande autorité en France et a été Argentier du roi".
Lequel nous dit que la galée de Narbonne sur laquelle Jacques Cur avait navigué, qui était allée en Alexandrie et devait revenir à Beyrouth, aider lesdits marchands français pour aller acheter denrées comme épices et autres choses pour mettre en ladite galée".Ce qui est troublant, c'est que Jacques Cur lorsqu'il rencontre ce Bertrandon de la Broquière, ne parle pas de commerce ou de marchandise. Il dit simplement qu'il retourne de Damas à Beyrouth afin de retrouver 4 compagnons qui ne sont pas des commerçants mais des nobles bourguignons.
Il retrouve ainsi André de Toulongeon, un homme important de Philippe de Bourgogne, venu voir comment préparer une expédition armée, et non pas vendre du gingembre.
Mais aussi Pierre de Vaudrey, officier du duc de Bourgogne, un homme mystérieux qui " alla en 1444 en certains lieux pour matières secrètes touchant les affaires dont monseigneur ne veut autre déclaration ".
Deux autres nobles bourguignons sont aussi de la partie.Alors Jacques Cur était là, comme les 4 autres, pour une mission qui n'avait rien de commerciale, mais diplomatique ou l'idée d'un pèlerinage, et certains pensent à une enquête : s'informer sur les musulmans en Orient était un sujet qui intéressait beaucoup Philippe Le Bon, il voulait savoir les chances de réussite d'une nouvelle croisade. Il était à la tête des grands projets sur une possible intervention au Levant.
La Corse, Calvi et la Tempête
Le retour de Damas fut pour un premier voyage plein de surprise, et il semble que Jacques Cur aurait pu rester ainsi un inconnu de l'Histoire, mais il a eu de la chance.
Que s'est-il passé ?
Et bien avec Jean Vidal comme capitaine, le navire revint de Beyrouth, et arriva vers la Sicile. Mais nous sommes en novembre et les tempêtes en Méditerranées peuvent être redoutables, et c'est ce qui va se passer.
Il s'agissait de longer les côtes de Corse qui était sous la domination de Gênes, pour rejoindre la côte de Nice et poursuivre vers Narbonne.
Et c'est ainsi que le navire fit naufrage au large de Calvi.On a plusieurs versions, dans une, le navire va s'échouer et une chaloupe sera mise à la mer pour aller chercher du secours. Dans une autre version, le navire va couler et les hommes vont se retrouver sur le sable ou les rochers de Calvi.
Au lieu de leur porter secours, le capitaine de la forteresse de Calvi Raynuxto de Marcha, fait arrêter tout ce beau monde de la galée, et enferme les naufragés dans un cachot. Jean Vidal, le capitaine, mais aussi le propriétaire, Augustin Sicard, les marchands dont Jacques Cur et le reste de l'équipage. " Ils se saisirent de leurs personnes, et de tous leurs biens, qu'ils avaient avec eux ". Ensuite, ils allèrent piller le navire.
Jean Vidal resta prisonnier pendant 14 mois. Et il ne fut libéré que contre 800 ducats, alors que le propriétaire, qui ne valait pas très cher, fut relâché contre 100 ducats.
Et Jacques Cur ? il fut libéré contre quelques ducats.
D'ailleurs tous furent dédommagés, par un système d'assurance, très moderne et c'est la cour d'Aragon qui paya, on dirait " sur facture ".Ainsi Jean Vidal reçut 2224 livres tournois, Sicart 350 et notre Jacques Cur 27 livres. Une somme très inférieure à ce que reçurent les autres marchands qui étaient à bord.Cela signifie que Jacques Cur en 1432 ne comptait pas, qu'il n'avait aucune valeur et surtout qu'il n'avait pas fait d'affaire à Damas, en tout cas, il ne rapportait rien.
Pour Jacques Heers, Jacques Cur en 1432 n'est pas allé au Levant pour acheter des épices ou pour s'ouvrir de nouveaux marchés. D'autant qu'il est allé à Beyrouth, puis Damas, alors que le centre du commerce au Levant était alors Alexandrie et Le Caire.
Plus tard, les navires de Jacques Cur auront un seul port, celui d'Alexandrie. Le voyage de 1432, n'est pas un voyage d'affaire au sens commercial.Jacques Coeur en formation
Jacques Coeur dans ces années 1432 / 1435 est "en formation et exploration" afin de mettre en place les conditions du grand commerce qu'il envisage, et cela au moment où se signe la paix d'Arras en 1435 entre la France et la Bourgogne.
On peut s'avancer sur plusieurs points :
D'abord apparaît déjà chez Jacques Cur l'art de profiter des positions déjà acquises par ceux avec lesquels il s'associe, ce fut le cas de la monnaie de Bourges, mais aussi ce voyage au milieu de marchands languedociens.
Ensuite, c'est le soucis d'atteindre le plus directement possible les lieux en approvisionnement en marchandises coûteuses
Et enfin le troisième aspect qui va perdurer c'est le cumul des fonctions publiques ou para publiques et celles du du négoce.
Donc, première information, Jacques Cur est bien allé en méditerranée en 1432, étais-ce la première fois ? Nous n'en savons rien, et nous n'avons aucune trace d'un autre voyage. Il laissera ses navires aux mains de capitaines et de facteurs.Il reste encore une inconnue, c'est le moyen utilisé par Jacques Coeur pour se retrouver "au mieux" avec le roi Charles VII, qui va retrouver la vraie capitale, Paris et nommer Jacques Coeur Maître de l'Hôtel des Monnaies.
JACQUES COEUR VERS LES SOMMETS
1436 : Maître de l'Hôtel des Monnaies
En 1436, après la reprise de Paris, Charles VII le nomme maître de l'Hôtel des Monnaies de cette capitale retrouvée. Il doit remettre de l'ordre dans la circulation monétaire, et à Paris de remplacer la monnaie des Anglais par une nouvelle monnaie dite " de bon aloi ".
Ce n'est pas une fonction qui permet à Jacques Coeur de gagner beaucoup d'argent, mais cela lui permet de se retrouver assez proche du roi et des gens qui comptent dans le royaume.
Jacques Coeur va stabiliser la monnaie puisque la dévaluation était devenue la règle et qu'il fallait arrêter ce mouvement.
Avec 1 marc, on avait réussit à en faire 9 en peu de temps.... Aussi Jacques Coeur va-t-il d'abord retirer les pièces qui ne contenaient pratiquement plus d'or, et il va les remplacer par " un écu neuf, en or, valant 30 sols, à raison de 210 pièces par marc" comme nous le rappelle Georges Minois.
Pour cela on découvre dans Jacques Coeur un organisateur de première valeur. Il diminue le nombre des ateliers, afin de les mieux contrôler, il décrète une réglementation très stricte pour les changeurs, et une tenue très exigeante des comptes avec une ordonnance, plus tard de 1443 qui établira un vrai état des finances de l'Etat.
Il est entré dans l'intimité du roi Charles VII, et ce dernier semble l'apprécier. Il est à la fois un négociant et un financier, aussi, on lui confie des fonctions de " percepteurs " pour les aides du Berry, mais aussi en Languedoc.
Jacques Coeur a partir de ces années prête de l'argent au Roi, et le suit dans ses incessantes tournées dans son royaume, en particulier dans le Midi, avec Pierre de Brézé et les frères Bureau.
Et son efficacité étant reconnue, il va prendre un titre qui ne le quittera jamais, et aujourd'hui encore, Jacques Coeur est l'Argentier ou le Grand Argentier du Roi.
1438 Argentier du Roi
Jacques Cur a alors 40 ans, et il vient d'être nommé à la tête de ce service financier de l'Hôtel du roi que l'on appelle l'Argenterie. On l'appelle donc l'Argentier mais il n'a rien à voir avec un ministre des finances.
C'est le gestionnaire de l'argenterie, une sorte de grand magasin où se servait la cour et pendant quelques années, la belle Agnès Sorel.Cette fonction a plusieurs aspects positifs pour Jacques Coeur, d'abord, il reçoit une rétribution de 1200 livres par an, et puis, surtout, c'est lui qui achète ce dont le roi et la cour ont besoin, et c'est considérable. Ce sont des vêtements, des tissus, des plumes de toute sorte, mais aussi des pièces d'orfèvrerie, des chevaux, des armes et des armures... Un grand hypermarché fréquenté par le roi, ses favorites et les nobles de la cour.
Jacques Coeur se faisait donc directeur d'un grand magasin, et s'approvisionnait de ces denrées les plus diverses... ET c'est là une des clés de sa fortune, car il avait pour fournisseur : lui-même, puisque il est négociant dans des pays où, en France ils ne sont pas très nombreux à aller.
Il achète donc des marchandises pour son propre compte, à un prix qu'il négocie, et il revend à lui-même dans l'argenterie ces produits avant de les vendre à la cour.
- L'Hôtel de l'Argenterie près de St Saturnin à Tours attribué à un canonnier du roi.
En 1438, il entrevoit des opérations commerciales à plus grande échelle, et pour cela il cède sa fonction de maître de l'Hôtel des Monnaies de Paris à Regnault de Thumezy mais il négocie que ce dernier verse au nouvel argentier la moitié des bénéfices ce cet Hôtel des Monnaies.
1439 - 1440 : Les affaires de Jacques Cour s'étoffent
C'est dans ces années que Jacques Coeur commence à tracer sa route et " ses routes commerciales ".
Il met en place un réseau de routes et de comptoirs dans tout le pays, avec des correspondants de confiance dans un certain nombre de villes. Ils achète des marchandises pour le compte de Jacques Coeur et les font acheminer vers Bourges où Tours.
Le nombre de villes est considérable pour l'époque, c'est Avignon, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Paris, Reims, Angers, Le Mans, Saint-Malo, Troyes, Saumur, Carcassonne, Collioure... etc
Et ses entrepôts qu'il met en place se trouvent dans quelques villes comme Lyon, Bruges, Rouen, La Rochelle, Le Puy, Loches mais aussi Bourges bien entendu et Tours où se trouve le siège de l'Argenterie.
Outre les lieux, Jacques Coeur a besoin d'hommes de confiance et il trouve des gens remarquables, ce seront " ses facteurs " comme Jean de Village, et Guillaume de Varye, tous deux berrichons.
On estime le nombre de facteurs à environ 200, mais aussi des hommes de confiance et de très nombreux serviteurs.
C'était une vraie grande entreprise dans laquelle, il y avait " un chef ", Jacques Coeur, mais aussi chacun, dans sa ville, pouvait aussi de manière marginale, faire quelques affaires pour son propre compte.
A partir de Bourges, Jacques Cur va créer assez vite, ses routes.
Parmi les grandes routes Nord Sud, on a celle qui part de Bruges, puis passe par Paris, Orléans, Bourges et descend vers le sud par Le Puy et Montpellier.
Jacques Cur avait mis en place une forte structure commerciale, avec des facteurs, qui étaient des permanents dans un certain nombre de villes, comme Antoine Noir à Montpellier ou Hervé Paris à Bruges. Cet homme avait travaillé sept ou huit ans avec Jacques Cur, il était originaire d'Orléans.On sait que Hervé Paris reçut à Bruges cent charges d'épicerie d'un des patrons d'une galée de l'Argentier dont le patron était Jean Forest. Les convois se croisaient, les uns venaient de méditerranée en passant par Bourges et Paris, ils comprenaient parfois des épices. En sens inverse, ce sont des harengs qui allaient vers Bourges ou Tours.
Bruges au XVe siècle est selon Jacques Heers, le carrefour marchand du Nord.C'est l'époque des Hanses, qui sont des associations de marchands d'origine germanique.
La fortune de Bruges, comme de nombreuses villes de Flandres vient de l'industrie du drap. La cité est florissante, la puissance des marchands drapiers est considérable.
C'est à Bruges que sont traitées les relations d'affaires, que sont rédigés les contrats de prêts, d'assurance maritime.
Après le drap, ce sont les industries de luxe qui assurent la prospérité, avec les tapisseries.
Bruges reste aussi un port avec un commerce de transit.Les charrois au service des marchands italiens, comme Dantini, circulaient vers 1410 entre Montpellier, Paris et Bruges en moins de 3 semaines.
Les circuits commerciaux de Jacques Cur concernaient essentiellement le midi et le monde de la méditerranée.Entre 1444 et 1449, Jacques Cur va essayer de nouer des liens commerciaux avec l'Angleterre, pendant la trêve de Tours. Guillaume de Mazoran va en Angleterre pour le compte du Grand Argentier et Guillaume de Varye s'était fait livrer des draps de Londres en février 1449, en vue de faire du commerce.
Il veut commercer vers l'ouest à Rouen, et bien entendu Bruges, qui était incontournable à cette époque pour faire du commerce et des échanges avec l'Europe du nord. Guillaume de Varye, pour le compte de Jacques Cur achète du cuir, des draps et de la laine en Ecosse, une partie va à La Rochelle, une autre passe par Bruges.
Lorsqu'on regarde une carte de France, on remarque les implantations de Jacques Cur à Bourges puis Tours, et le midi, Montpellier, Agde, Aigues Mortes etcOn dispose de peu d'informations sur le commerce de Jacques Cur à Bruges, sinon quelques ordres pour livrer du poivre et du gingembre, on signale les difficultés de vendre tout un convoi à Bruges, et un cousin des frères Paris dû vendre à Anvers et dans tout le pays.
Mais les frais de voiturage étaient considérables et les rapports assez faibles. Les facteurs achètent à Bruges des marchandises diverses comme les draps, la garance et encore les harengs.
On remarque qu'un facteur de Jacques Cur va refuser de transporter un chargement de laine et de draps pour Rouen par la route, et le convoi s'en ira par mer. Ce facteur prit la route et arriva une semaine avant le navire, et en profita pour trouver des débouchés avec le facteur de Jacques Cur qui était le permanent à Rouen.
Compte tenu de l'insécurité des routes, la mer est préférable à la terre. En 1450, le hareng reçu de Flandre par la mer via Dieppe ou Rouen par la Seine se vend à Paris 30 à 38 écus le lest, et un lest correspond à 10 000 harengs. Par la terre, en venant de Flandres ou de Zélande, ce même hareng coûte 41 à 47 écus le lest. Donc beaucoup plus cher.C'est ainsi que Jacques Cur va commercer dans cette Europe du Nord vers 1450, mais son arrestation stoppe ce commerce et c'est le procureur Dauvet qui va se charger de déterminer les biens et les profits du Grand Argentier à Bruges.
Sans que l'on sache si ce commerce a été important, c'est pour Jacques Cur le début d'un axe Bruges Montpellier par Paris et Bourges.
Quelques dates sur Charles VII de 1430 à 1440
6 décembre 1431 Charles signe une trêve de 6 ans avec le duc de Bourgogne.
21 septembre 1435 Charles signe un traité de paix séparé avec le duc de Bourgogne.
Fin 1435-1437C'est le début de la reconquête car les Anglais sont seuls et l'entretien de leurs troupes coûte cher. Charles reprend diverses villes (Dieppe, Pontoise, Meulan, Paris .)
12 novembre 1437 Charles VII rentre dans Paris. Sa présence au sud de la Loire (Chinon, Bourges, Mehun sur Yèvre .) n'aura duré que 19 ans.
1437-1440 Les princes français se rebellent ainsi que le Dauphin Louis (futur Louis XI), c'est l'épisode de la Praguerie. Louis trouve refuge dans son Dauphiné et ne revoit pas son père jusqu'à sa mort en 1461. Louis trouve que le règne de son père est trop long, il a hâte de prendre sa place, il s'appuie notamment sur l'aide des ennemis d'hier, les Bourguignons. Louis devra encore attendre plus de 20 ans.
1440 - 1445 : Les activités de Jacques Coeur se diversifient
C'est à l'angle de la rue des armuriers et de la rue de Linière que Jacques Coeur habitait, dans une des maisons nouvellement construites, mais nul ne sait quand ils ont déménagé ici. Il restera dans ce lieu, avec femme et enfants, il y en aura au moins 6, qui jouaient dans le quartier pendant de nombreuses années, jusqu'à la construction à partir de 1443 de la Grant' maison... mais pas pour très longtemps.
1439 - 1440 : Déjà la production d'armes
Cette vaste maison, de la rue de Linière avait été occupée par un armurier Jean de Galles et les greniers et maisons attenantes, situées sur l'ancienne abbaye Saint Hyppolite pouvaient servir à la fois de celliers de forges et d'entrepôts pour fabriquer des armes.
Cette rue des Armuriers fut en effet le lieu de fabrication d'armements... une spécialité de Bourges dès le XV ième siècle.Jacques Coeur fera venir des armuriers de Milan, les frères Balsarin et Gasparin de Trèz, ou Trèves qui étaient allemands et en association avec ces professionnels, il fabriquera et commercialisera des armes blanches, des harnais et surtout des brigandines, qui étaient des gilets en velours comportant des lames d'acier pour protéger le corps. Les écossais de Charles VII étaient friands de ce type d'équipements.
Les " ateliers, forges houtils et moulin à harnois " pour l'aiguisage des épées et le polissage des cuirasses étaient installés en bordure de la rivière Yévrette qui traversait la ville.Dans ce domaine des armes, très lucratif, Jacques Coeur va aussi utilser ses relations à Gènes pour passer des commandes particulièrement importantes. Pour préparer la campagne de Normandie, il y eut des achats à faire et le Doge s'inquiéta car la commande portait sur 3000 armures et aucune autre ville en Europe n'était capable de fournir une telle quantité en si peu de temps.
Les grandes dates de 1440 à 1456
28 mai 1444 Une trêve est signée avec les Anglais qui se sentent en mauvaise posture.
fin 1444 Agnès Sorel " damoiselle de beauté " entre au service de la reine Marie, Charles la remarque, elle devient très rapidement sa favorite et sera mère plusieurs fois des uvres du Roi.
A partir de 1445 La reconquête est spectaculaire : 28/2 Metz, 10/11 Rouen. Jacques Cur qui a été anobli, entre dans Rouen à cheval au coté du roi Charles.
Début de la guerre des deux roses en Angleterre, York (rose rouge) contre Lancastre (rose blanche) tenant la couronne anglaise. Les anglais ont assez à faire avec leur guerre civile et négligent leurs troupes sur le sol Français, ce qui fera l'affaire du roi Charles.
9 février 1450 Mort d'Agnès Sorel d'un " flux de ventre " ou de couches difficiles.
15 avril 1450 Bataille de Formigny (Calvados) : les Anglais sont battus, la victoire française est nette et réelle. Les troupes anglaises quittent définitivement la Normandie.
31 juillet 1450 Jacques Cur est arrêté sur ordre du roi, il est soupçonné d'empoisonnement sur Agnès Sorel et de pratiquer l'alchimie. Charles le fait emprisonner à Poitiers et soumettre à la question, puis juger par le procureur de roi Jean Dauvet. Ce dernier fera un inventaire minutieux de ses biens, qui seront confisqués au profit du trésor royal, cet inventaire existe toujours.
23 mai 1453 Jacques Cur est condamné à mort.
17 juillet 1453 Bataille de Castillon (Gironde), les Anglais sont très nettement battus, leurs troupes quittent la Guyenne où ils était présents depuis 300ans (se souvenir du mariage d'Aliénor, duchesse d'aquitaine, avec le roi Henri II " Plantagenêt " d'Angleterre au XII ème siècle). Ils ne possèdent plus que Calais en France.C'est la fin de la Guerre dite de " cent ans "
Fin octobre 1454 Jacques Cur s'évade, rejoint la Provence à Beaucaire puis Rome, tout cela grâce à des complicités et notamment celle de Jean de Villages son neveu.
25 novembre 1456 Mort de Jacques Cur dans l'île de Chio
1456-1457 Annexion du Dauphiné, Louis se réfugie en Bourgogne pour échapper à son père qui occupe le Dauphiné.
Décembre 1457 Charles VII est malade, il a une tumeur à la jambe.
1461 Une dent lui est arrachée, l'infection s'installe.
22 juillet 1461 Charles VII meurt à Mehun sur Yèvre, il a régné pendant près de 40 ans. Son fils Louis lui succède sous le nom de Louis le 11ème.
7 août 1461 Charles VII est inhumé dans la basilique Saint Denis
1441 : Jacques Cur est anobli
Au mois d'avril 1441, Charles VII, alors que Jacques Coeur n'a qu'un peu plus de 40 ans, est très satisfait de cet homme d'actions et il est " enchanté des services que lui rend le précieux argentier " l'anoblit, avec femme et enfants.
Le motif est simple, c'est pour " services rendus ", avec ces mots " tant en sa charge d'argentier qu'autrement ", et pour le natif de Bourges, entrer dans ce clan de la noblesse lorsque l'on vient d'une bourgeoisie , c'est la vraie et grande réussite.
Et Jacques Coeur semble avoir conscience de ce qui lui arrive, il en est très fier et veut en faire profiter ses affaires, aussi, il commence avec le décorum, et il fait élaborer ses armes avec 3 coeurs et 3 coquilles Saint Jacques, c'est finalement son nom qui est mis sous forme héraldique.
Et il poursuit avec une devise qui correspond sans aucun doute à son tempérament, c'est la célèbre " A cuer vaillans, riens impossible ". Il aura d'autres devises plus ésotériques.
Pour clore ce chapitre Jacques Coeur s'habille comme le veut la mode de l'aristocratie de l'époque, et Georges Minois de décrit ainsi :
couleurs vives, chaussures à poulaine, pourpoint plissés et rembourrés, large collier d'or, bonnet de velours noir sur une coupe de cheveux en couronne ".On remarquera qu'il devait avoir deux ou trois types d'habits, celui nouveau que nous venons de décrire et qui apparaît dans des sculptures d'une tour de son Palais de Bourges. Un second ce devait être pour parcourir les routes du royaume à cheval, ce devait être simple et fonctionnel, et enfin, pour les grandes occasions comme son entrée dans Rouen après la prise de la ville sur les anglais.
1441 : L'implantation en Languedoc
Avec son anoblissement, il poursuit son ascension, et est nommé commissaire royal auprès des états du Languedoc à Toulouse, et il devient l'intermédiaire directe entre le roi et les villes et autres communautés, ce qui va d'une part l'enrichir, mais inversement le mettre en face d'opposants qui vont vouloir l'éliminer.
C'est ainsi qu'il reçoit beaucoup d'argent pour les sujest les plus divers, comme ces 5000 livres des capitouls de Toulouse qui demandent au roi, par l'intermédiaire de Jacques Coeur plusieurs franchises, et ce sont 4000 livres qu'il reçoit afin d'ajouter à un acte, quelques clauses favorables aux demandeurs....Il devient le percepteur pour le royaume des impôts de nombreuses sénéchaussées, souvent importantes comme Toulouse, Carcassonne et beaucaire. C'est lui qui fixe ainsi le montant de l'impôt.
L'année suivante, en 1442, après le Languedoc, il reçoit la même fonction pour l'Auvergne. et devient un intime du roi qui l'emmène en Languedoc où l'argentier en profite pour faire nommer son frère Nicolas évêque de Luçon....
Mais un fait important passé inaperçu, au cours de cette année, c'est un pas vers la diplomatie, en traitant comme médiateur un conflit entre le sultan d'Egypte et la ville de Venise.
Et c'est à cette époque qu'il fait feu de tout flamme, puisqu'il devient membre de la commission royale de la draperie, mettant en place une réglementation très stricte en insistant sur la notion qualitative des fourniture. Il avait aussi quelques arrières pensées, puisqu'il possédait une manufacture de draps dans sa ville natale de Bourges !
JACQUES COEUR DEVIENT UN "GRAND"
1443 : Jacques Coeur constructeur pour lui-même
En 1443, Jacques Coeur acquiert un terrain, pour y construire une " grant'maison ", ce que nous appelons le Palais.
Ce palais que nous reverrons en fin de visite, imaginez qu'il n'y avait que des tours et des remparts gallo-romains.
Jacques Coeur en 1443 achète une parcelle sur le rempart gallo romain, appelé " le fief de la Chaussée " d'une superficie de 5000 mètres carrés.
Le propriétaire étant alors Jean Belin, qui était l'héritier du premier trésorier de la Sainte Chapelle, et le prix est de 1200 écus d'or.
Le nom de La Chaussée était celui de propriétaires antérieurs, et hormis les tours, on ne sait pas ce qu'il y avait sur cette parcelle.
Colin le Picart aurait du devenir célèbre, car c'est un des hommes à Bourges, qui a construit cette Grand Maison, avec aussi son ami Jean de Blois.
Pour cette construction Jacques Cur qui avait beaucoup d'écus, en or et en argent avait mis en place une organisation importante, car visiblement, il n'était pas très présent à Bourges. Macée son épouse me l'avait dit et elle s'en plaignait.
Par contre il savait choisir ses collaborateurs, sur ses bateaux comme dans ses comptoirs, et pour la construction de la Grand'maison, il fit de même.La maîtrise d'ouvrage est assurée par mon homme Et deux " hommes du Grand Jacques " participent aux finances de la construction, c'est Pierre Jobert et Jacquelin Collet, aidé à partir de 1447 de Guillot Trépan.
L'Argentier du roi va recruter des équipes formée de gens d'expérience qui avaient travaillé à la construction du palais du duc Jean de Berry.
Le bois viendra de la forêt de Blois, mais aussi des terres d'Aubigny, alors que les pierres, proviennent de Vallenay, Saint Florent et bien entendu de Charly pour les pierres sculptées.
Jacques Coeur fait donc construire une bâtisse avec une partie pour l'habitation mais il y a une dénivellation de près de 6 mètres entre le haut et le bas de son terrain.
Il fait donc une partie de type forteresse moyenâgeuse en réutilisant des tous, trois tours qui existent encore et une grande partie des pierres du rempart sont, comme souvent à Bourges, démontées et remise sur d'autres murs de ce qui sera la Grand'Maison de monseigneur l'Argentier.
On ne sait pas qui a construit la cathédrale de Bourges, et les grandes cathédrales de France en général, c'est beau l'anonymat du Moyen Âge ! A Bourges, on sait qui a construit son Palais. Pour cet édifice Jacques Cur avait mis en place une organisation importante, car visiblement, il n'était pas très présent à Bourges.
Par contre il savait choisir ses collaborateurs, sur ses bateaux comme dans ses comptoirs, et pour la construction de la Grand'maison, il fit de même.
La maîtrise d'ouvrage est assurée par deux "hommes à lui", Pierre Jobert et Jacquelin Collet, aidé à partir de 1447 de Guillot Trépan.
La maîtrise d'uvre est effectuée par des équipes formée de gens d'expérience qui avaient travaillé à la construction du palais du duc Jean de Berry.
Le bois viendra de la forêt de Blois, mais aussi des terres d'Aubigny, alors que les pierres, de manière classique à Bourges proviennent de Vallenay, Saint Florent et bien entendu de Charly pour les pierres sculptées.
1443 : Et vint Agnès Sorel
Agnès Sorel est née en Touraine à Fromenteau vers 1422 (entre 1422 et 1426). Son père, Jean Sorel était de petite noblesse. Sa mère se nommait Catherine de Maignelais. Elle reçut une éducation très soignée.
Le roi rencontre Agnès Sorel en 1443, elle est alors dame d'honneur d'Isabelle de Lorraine, épouse de René d'Anjou.
Elle a conquis les faveurs du roi Charles VII qui n'était pas ce que l'on pourrait appeller un Don Juan. Il avait alors 40 ans.
Le roi, dans un portrait de Fouquet a les traits peu flatteurs, il a le regard dissimulateur, et il n'est pas doté d'une belle carrure, qu'il a fallu rembourrer sur les épaules.
Le tableau date de 1453, il est intitulé "Le très victorieux roi de France".
Charles VII en plus est chétif, mélancolique, assez renfermé sur lui-même. Cet homme peu engageant va se transformer au contact d'Agnès Sorel.
Elle va le détendre, lui donner 3 filles, sans doute en 1443, 1444 et 1445 ( et un autre enfant mort-né) et devenir, pour la première fois dans l'histoire de France, la maîtresse officielle et attitrée de la cour.
Agnès Sorel, à partir de cette date, représentera une certaine puissance et comme Jacques Cur elle est d'origine modeste.
Une amitié va les lier, elle protège Jacques Cur, et cela lui permettra de monter dans l'honorabilité et favorisera son commerce.
Il sera un de ses trois exécuteurs testamentaires avec Etienne Chevalier et le médecin d'Agnès, cela donne une idée des liens entre elle et Jacques Cur.
Certains auteurs ou romanciers feront d'une liaison entre Jacques Cur et Agnès Sorel la clé des malheurs du grand Argentier. C'est pour l'instant une fable digne d'un excellent téléfilm....
Alors qu'elle est enceinte pour la quatrième fois, Agnès Sorel veut rejoindre le roi et voyage en février sur les routes défoncées du pays elle tombe malade.
Et Agnès Sorel meurt en couche à Jumièges en Normandie en 1450, (11 e jour du mois de février)
Son coeur et ses viscères restent à Jumièges, son corps est transporté à Loches.
Jacques Cur perd sa protectrice et Charles VII son inspiratrice.
1444 : La grande année de monseigneur l'Argentier
C'est l'année phare dans la vie ascensionnelle de Jacques Coeur, avec plusieurs éléments :
- il augmente ses routes commerciales terrestres à la suite des trêves de Tours, ce qui conforte l'économie, puisqu'il n'y a plus de combats.
- il fait construire ses propres navires sur des chantiers du royaume de France.
- il commence à se rendre propriétaire ou gérant de plusieurs mines d'argent dans le Lyonnais et le Beaujolais.
- Il s'engage avec de fortes sommes d'argent dans le travail de la soie ... en Italie.La fortune de Jacques Coeur
Il restera toujours un mystère sur l'étendue et la façon dont Jacques Coeur a accumulé une fortune immense. Pour les uns, c'est le commerce avec les infidèles. Pour d'autres, c'est plutôt l'exploitation de mines de plomb argentifère et de cuivre qui lui donneront cette fortune, en particulier dans les mines du Lyonnais.
Il semble toutefois qu'il devait s'intéresser à ces mines, mais plus comme minéralogiste que comme alchimiste et surtout que ces mines n'ont pas été gérée de manière optimale et ne rapportaient peut-être pas grand chose. Mais il le laissait croire.Pour d'autres auteurs, c'est plus simple, la monnaie d'or en Occident était rare, et on utilisait principalement l'argent. Au contraire l'Orient croulait sous ce métal si demandé, par des mines et l'accumulation de trésors. Jacques Heers le confirme :
" Les deux métaux précieux, or et argent appartenaient à deux registres d'estime. L'argent n'était pas vraiment rare, on l'exploitait en Cornouaille et en Espagne du Sud. ... L'Occident chrétien souffrait d'un approvisionnement en or très difficile, une véritable " famine d'or ",Il y avait donc un décalage entre les deux et Henri de Man, ministre Belge des finances affirme qu'il y avait un tel décalage qu'avec une certaine valeur d'or, on obtenait le double de valeur de l'argent, on avait en effet un faible commerce entre occident et orient ce qui empêchait les cours de se régulariser.
Une transaction et Jacques Coeur obtenait un bénéfice de 100%. C'est mieux que l'alchimie et le Grand Oeuvre.
Pour beaucoup, la fortune du grand Argentier ne serait pas due à la vente de quelques hanaps ou fourrures aux nobles de la cour, ni dans la fabrication de l'or à partir de métaux vils comme cela se murmurait dans les milieux alchimistes. C'était sans doute plus simple et plus rentable. Jacques Coeur profitait des différences de change qui existaient au Moyen Age. L'Occident possédait beaucoup d'argent et le Moyen Orient beaucoup d'or, par le jeu des échanges, le grand argentier transformait le plus légalement du monde son argent en or.... Encore fallait-il aller à l'aventure sur une mer Méditerranée hostile.Mais ce système, Jacques Coeur n'avait-il pas intérêt à le cacher? et en conséquence à faire croire qu'il l'avait obtenu par l'alchimie ?
Donc Jacques Coeur faisait fortune en Orient et ceci réussissait car ils n'étaient pas nombreux et si cela devait s'accroître, ce serait fini, alors, il donnait " le change " avec deux moyens :
- l'or obtenu par le Grand Oeuvre
- l'or obtenu dans les mines du lyonnais
et il était tranquille et pouvait continuer son commerce et faire fortune sans danger.Faut-il chercher ailleurs les indices des adeptes ?
On va étudier un bas relief situé dans la cour d'honneur, on peut penser qu'il s'agit d'une carte postale de l'époque rappelant les voyages du maître en Orient. Ou bien, il s'agit d'un véritable message n'ayant rien à voir avec l'emblématique traditionnelle.
Une transaction avec le Levant, et Jacques Coeur obtenait un bénéfice de 100%. C'est mieux que l'alchimie et le Grand Oeuvre.
En fait, la fortune du grand argentier ne serait pas dans la vente de quelques tissus ou fourrures aux nobles de la cour, ni dans la fabrication de l'or à partir de métaux vils comme cela se murmurait dans les milieux alchimistes. C'était sans doute plus simple et plus rentable. Jacques Coeur profitait des différences de change qui existaient au Moyen Age. L'Occident possédait beaucoup d'argent et le Moyen Orient beaucoup d'or, par le jeu des échanges, le grand argentier transformait le plus légalement du monde son argent en or.... Encore fallait-il aller à l'aventure.En occident, le bi-métallisme était de rigueur, mais il manquait beaucoup d'or, alors que les mines de plomb argentifère étaient prospères. Inversement, le Levant " regorgeait d'Or " et la cote de l'argent était au plus haut. Il devenait alors aisé, pour un financier un peu aventureux de changer des quantités d'argent venues d'Occident contre de l'Or.
Les navires de Jacques Cur :
La méditerranée est la chasse gardée des Génois et Vénitiens.
Parmi les écrits qui se transmettent au fils du temps, ses débuts d'armateur sont intéressants. On dit que Jacques Cur commande en 1443 une galée aux chantiers de Gènes, le délai est très court, il la reçoit, la baptise Notre Dame Saint Denis et s'empresse de la ramener à Aigues Mortes afin que les charpentiers locaux la copient pour en faire de semblables.
C'est peut être vrai, mais le bateau est acheté au titre des galées du roi, et financé par le roi, et surtout, on ne sait pas grand chose des bateaux suivants, ni de leur provenance, ni de leur chantier de construction. Il y a donc un vraie légende tendant à montrer, soit qu'il était bien un escroc, soit qu'il était débrouillard et très fort.En réalité, c'est le roi Charles VII qui commande cette galée Notre Dame Saint Denis et un an plus tard, il nomme Jacques Cur comme gérant du bateau. Il est en outre responsable de l'armement et de l'équipage qu'il doit recruter.
Ce navire quitte Aigues Mortes, et fait escale à Marseille en 1445, on sait que plusieurs marchands vont embarquer, très intéressés, semble-t-il par le commerce des épices.Par exemple, la galée, La Madeleine est achetée au nom du roi par Jacques Cur aux Chevaliers de Rhodes.
L'argentier en prend possession, mais le confit à un capitaine local Michel Teinturier, de Montpellier.Les archives ont montré que les deux premières galées de France en octobre 1446 étaient dans le port de Marseille et partaient pour le Levant avec plusieurs marchand à leur bord, sans doute des notables de la ville.
Il fait construire deux autres navires, ils ont tous un double nom : Notre Dame Saint Jacques, Notre Dame Saint Michel.
On sait qu'ils ont pris la mer en 1447 ou au début de 1448, mais nul ne sait où ils furent construits.Dernier bâtiment des galées connu de Jacques Cur, la Rose, qui a été mise en chantier en 1450.
La flotte est formée de galées, mais les mots différent beaucoup à cette époque. C'est une embarcation de 40 à 50 mètres de longueur, avec 5 à 6 mètres de large. C'est donc un gros bateau. On peut transporter 150 à 200 tonnes de marchandises ou objets précieux. C'est donc un commerce important.
Lorsque la galée revient, il y a "gros à vendre".
Lorsque la galée sombre ou est prise par les pirates, c'est la ruine.
Une galée qui peut être à voile ou à rame comprend 150 à 200 rameurs.Jacques Cur possède 4 galées dans un premier temps ce sont 2 galées, et 4 à partir de 1447. La grande flotte de Jacques Cur est donc assez modeste.
4 bateaux, ce n'est pas grand chose.
Le chiffre ira jusqu'à 7 ou plus sans savoir à qui elles appartiennent.
Combien Jacques Cur possédait-il de navires ?
Nul ne le sait avec exactitude. Ce qui est certain, c'est que lors du séquestre des biens de Jacques Cur, le procureur Dauvet en a comptabilisé 4 navires.
Il semble que le nombre de navires était assez proche du chiffre de 7. C'est en tout cas la conclusion à laquelle arrivent Michel Mollat et Jacques Heers.- la Notre-Dame-Saint-Denis, on connaît bien ce bateau qui était de retour d'Orient au moment de l'arrestation de Jacques Cur. Il était commandé par Gauillardet de la Farge. Ce navire fut vendu par le procureur Dauvet en 1454, il était en mauvais état après 12 ans de navigation.
- la Notre-Dame-Saint-Michel, qui était commandée par Guillaume Gilmart.
- la Notre-Dame-Saint-Jacques, ce navire fut vendu quelques jours après l'arrestation de Jacques Cur par Ursin Botet, afin que le navire échappe au séquestre. C'était une vente fictive. Ce navire sera assez vite placé sous les ordres de Jean de Village.
- la Santa-maria-e-Sant-Jacques dont on ne sait pas grand chose.
- la Rose qui était un navire en train de se terminer.
On évoque aussi un navire appelé la Notre-Dame-Sainte-Madeleine.Ce navire fut largement connu comme "la grosse galée de Mgr l'Argentier", car il était semble-t-il énorme par rapport à d'autres galées.
Ce qui est certain, c'est que 4 navires après l'arrestation seront mis sous séquestres et retrouvés par Jean Dauvet.
- la Notre Dame Saint Denis, arrive au large de Marseille au moment de l'arrestation du grand argentier. Elle partit pour l'Espagne.
- La Notre Dame Saint Jacques, qui est à Marseille et est vendue fictivement pour échapper à la prise du navire.
- La Notre dame Saint MichelMais il y a d'autres navires comme la Santa maria e saint jacques, qui est avec La rose, un navire du Grand Argentier.
Il sera possible d'établir le reste des biens à partir des documents du procureur Dauvet.
Les mines de Jacques Cur
C'est à partir de 1444 que Jacques Cur s'intéresse aux mines. Il est à un sommet de sa gloire, et Charles VII lui accorde par lettres patentes données à Montargis le 24 juillet le droit d'exploiter certaines mines de plomb, d'argent et de cuivre dans les monts du Lyonnais.
(revenu du droit régalien de un dixième des métaux extraits.)Les mines sont à 25 à 30 kilomètres à l'ouest de Lyon, la plus importante est située à Paimpailly à une altitude de 500 mètres, dans un terrain volcanique primaire très minéralisé avec de la galène (sulfure de plomb) argentifère.
Mais ce n'est pas une création, mais une reprise d'exploitation.
La question essentielle c'est de savoir dans ce domaine si Jacques Cur a gagné de l'argent ? Il semble que non. Selon les livres de compte, dont la tenue laisse à désirer, mais aussi par les écrits de Dauvet, "il appert clèrement qu'il y a eu perte en la compagnie".
On estime que la production d'argent pour un an à Paimpailly représentait la consommation de 2 mois d'un petit atelier monétaire, pas de quoi faire fortune, mais est-ce exacte ?
Mollat dit que l'on extrayait 970 quintaux de plomb et 210 kilogrammes d'argent envoyés à la monnaie de Lyon.
N'a-t-on pas minimisé les gains et la quantité d'argent ?On affirme aujourd'hui que Jacques Cur devait investir et moderniser les mines pour être rentable et qu'il n'en a pas eu le temps.
En conclusion sur ce point, il avait bien perçu cette industrie mais il n'avait pas eu le temps et les moyens de rentabiliser cette affaire.
Il possédait les mines suivantes :
- Pampailly :Des mines de plomb argentifère dans le canton de Saint Laurent de Chamousset.
- Chessy : la moitié des mines de Chessy dans le Rhône (Le Bois-d'Oingt) qui furent retenues par le roi en 1455.
- Saint Pierre-la-Palud : les mines de Saint Pierre-la-Palud dans le Rhône c'est dans le canton de l'Arbresle.
- Joux : la moitié des mines de plomb argentifère, c'est dans le canton de Tarare.
En cherchant dans les autres biens de Jacques Coeur, il est important de connaître les navires de " sa flotte ".Jacques Coeur "nage" dans la soie
C'est au milieu des années 1440 que Jacques Coeur qui comprend avant tout autre les besoins de la cour se lance dans l'art de la soie.
En 1444, selon Jacques Heers, Jacques Coeur se fait immatriculer à Florence en Italie comme associé dans une fabrique de tissu, à hauteur de 33%, c'est " l'Arte de Por Santa Maria, arte della seta "
Il s'associe, comme souvent il le fit en France, cette fois avec Niccolo Bonnacorso et les deux frères Marini (Zanubi et Guglielmo).
C'est Guillaume de Varye qui va signer au nom de l'Argentier devant un notaire florentin, les actes d'association. D'ailleurs le facteur de Jacques Coeur resera dans ce milieu jusqu'en 1557..
Il ne s'agissait pas d'une échoppe, mais c'était l'organisation et le contrôle de la production, avec des filatures, du tissage et de la teinture.Cette incursion en Italie va introduire plus tard le travail de la soie en France, en particulier à Lyon sous le règne du roi Louis XI. Et c'est sans doute Guillaume de Varye qui va, jusqu'à sa mort en 1469, être le conseiller du roi et on lui attribue le mérite d'avoir fait venir de Toscane des soyeux dans la ville de Lyon.
1445 : Les liens commerciaux se développent
Entre 1445 et 1449, Jacques Cur va essayer de nouer des liens commerciaux avec l'Angleterre, pendant la trêve de Tours et Guillaume de Varye, pour le compte de Jacques Cur achète du cuir, des draps et de la laine en Ecosse, une partie va à La Rochelle, une autre passe par Bruges.
Guillaume de Varye s'était fait livrer des draps de Londres en février 1449, en vue de faire du commerce.
Guillaume de Varye, fut longtemps l'agent de l'argentier à Genève. Dans ces opérations lyonnaises, il ne semble pas créer d'affaire personnelle: il soutient plutôt des affaires existantes, auxquelles il rend de la vitalité, et participe à leurs bénéfices. Il est plutôt un banquier d'affaires.
En 1450, le Palais est presque terminé. Jacques Cur est arrêté sur l'ordre du roi Charles VII le 31 juillet 1451. Il est emprisonné pour une dizaine de motifs plus ou moins sérieux. Mais à l'époque on ne badine pas avec les aveux. Torturé et soumis à la question il avoue tout ce que veulent ses détracteurs, et il est condamné le 23 mai 1453.
Il va finir sa vie aventureuse comme dans un roman de cape et d'épée. Il s'évade de sa prison, rejoint Rome et le Pape, affrète une flotte au nom de son illustre hôte, et s'en va combattre les infidèles. Il meurt le 25 novembre 1456 dans l'île de Chio, sans doute lors d'un combat naval avec les Turcs.
Le clan ou le réseau Agnès Sorel
Agnès Sorel si belle et si jeune semble avoir eu la capacité très forte de réunir autour d'elle des personnages de haut niveau qui vont former une sorte de premier cercle et à la fois l'aider, la protéger et faire un rempart entre " la dame et le roi " face à tous les comploteurs.
Elle va ainsi favoriser la carrière de nombreuses personnes, dont elle détecte la valeur et l'aide qu'elles pouvaient apporter à son amant de souverain.
C'est de manière progressive qu'Agnès met en place ses pions dirions-nous aujourd'hui. Elle commence dès son arrivée près du roi, mais surtout après le départ du dauphin Louis, c'est à dire à partir du début 1447.
On parle alors des amis d'Agnès Sorel comme d'un clan.
On note la présence de Brézé, sénéchal et comte d'Evreux, un beau parleur nous dit Chastellain.
Mais aussi :Jean de Maupas
Etienne Chevalier
Guillaume Cousinot
Beauveau de Précigny
Guillaume d'Estouteville
Jamet du Tillet
Jean Dauvet
Jacques Cur.Ces grands personnages viennent de tous les milieux, nobles, clergés, et des bourgeois comme Jacques Cur.
1445 : Jacques Coeur entre en politique
C'est au cours de cette année que Jacques Coeur, tout en poursuivant sa conquête dans le monde financier et commercial touche de manière significative à la politique du royaume au plus haut niveau.
Il a sans doute été aidé dans ce nouveau challenge par la belle Agnès Sorel, la favorite du roi Charles VII, entrant dans ce que certains vont appeler " le clan Agnès " et ils vont s'entre aider, par rapport au roi.
Il devient une sorte de diplomate, ou de médiateur dans les conflits qui opposent des grands de ce monde.
Il est aux négociations entre les états de Comminges et le comte de Foix, mais aussi plus délicat, un conflit qui éclate entre le sultan d'Egypte et le Grand Maître des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, lequel craignait une offensive du sultan sur Rhodes.
Jacques Coeur va obtenir un traité entre les belligérants, utilisant ses navires afin de transporter le les plénipotentiaires de Rhodes à Alexandrie.Cette même année, il est dans une difficile négociation entre Gène et Venise, avec des tractations afin de favoriser le rattachement de Gène au royaume de France.
C'est en cette occasion que l'on trouve dans un courrier le 15 février 1446, cette phrase étonnante :
" Je sais bien que la conquête du Saint-Graal, ne peut se faire sans moi ".
Comme l'écrit Georges Minois, " Voilà qui en dit long sur le personnage, il parle en maître, il organise, il décide, il est pressé.... " mais personne ne sait la signification réelle de ces mots.
En ce début d'année 1446, Jacques Coeur ne se prendrait-il pas pour une sorte de souverain, il a la richesse et le puissance, et ... l'amitié de son roi !
1445 : Les jalousies apparaissent
Comme le souligne Georges Minois, l'ascension de Jacques Coeur, lui qui est parti de rien, va susciter de nombreuses jalousies. Et cela va aller plus loin, c'est le domaine des soupçons, des rivalités et de la haine.
Pour beaucoup, cet homme est monté trop vite et une telle position n'a pu être acquise que par des moyens malhonnêtes, et il est exact que les méthodes de jacques Coeur ne furent pas toujours exemplaires.C'est bientôt le temps des rumeurs et des rancoeurs, et un homme comme Otto Castellani va, très tôt tout mettre en oeuvre pour faire tomber l'Argentier.
Dès cette période du milieu des années 1440, l'archevêque de Reims Jean Jouvenel des Ursins " s'en prend violemment à ces financiers et négociants malhonnêtes qui passent des marchés scandaleux au détriment des finances royales, font des profits honteux sur la revente de marchandises , et accumulent ainsi des fortunes colossales ".... Et c'est dans un Discours sur la charge de chancelier qui est ainsi publié, et qui vise bien évidemment Jacques Coeur.
Il est écrit, " ... IL a empoingné toute la marchandisede ce royaume et partout ses facteurs ... qui est enrichir une personne et apovrir mille bons marchans ".
Et ces griefs apparaissent sur un plan général, mais l'attaque va venir des terres du Languedoc en particulier après l'épisode d'Aboleris.
Mais c'est lorsque Jacques Coeur décide de transférer le centre de ses affaires en midi, de Montpellier,et Lattès vers Marseille.... C'est peut être la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Ces jalousies de tous et de ceux qui doivent de l'argent à Jacques Coeur restent en sourdine tant qu'Agnès Sorel est présente... L'Argentier sera en difficultés dès la mort de la Dame de Beauté.
1446 : Jacques Coeur constructeur à Montpellier
Son commerce l'amène à se développer du côté de la Méditerranée, et en particulier à Montpellier. Il va construire, comme à Bourges une somptueuse loge des marchands, et il y place ses propres armes ainsi que celles du roi Charles VII.
Et c'est à Montpellier que Jacques Coeur va installer dans un premier temps ses bureaux du midi. Pour Jacques Heers, il s'agissait de mettre la main pour le compte du roi Charles VII, sur une façade maritime française, entre la Provence du roi René et certains grands fiefs du Languedoc qui ne reconnaissaient pas trop la puissance du roi de France.
Vers 1445, en tant qu'armateur à Montpellier, il entretient les voies maritimes, l'étang de l'Or et la liaison entre le port de Lattes et Aigues-Mortes.
Un problème technique va apparaître avec le port de Montpellier qui était à Lattes, et dont le chenal s'ensablait. Des investissements et des travaux étaient nécessaires.
La ville devient le centre de ses affaires. Il envoie vers le nord à dos de mulets les épices, sucre, coton et soie venus par la mer du Levant et d'Égypte.
Montpellier à cette époque ne dispose pas de marché ni de bâtiments couverts pour la vente, et avec des marchands locaux mais aussi des changeurs, des armateurs et autres négociants en draps et toiles.
C'est Jacques Coeur qui va vouloir créer à Montpellier un véritable comptoir, ce que le roi Charles VII va écrire plus tard (1456) :" .... ou temps que Jacques Coeur gouvernait le fait de nostre Argenterie et estoit homme de grande entreprinze .... entreprit defaire au plus bel lieu de la dicte ville (de Montpellier ), une belle maison, appelée Loge des Marchans."
Tout un quartier marchand et d'entrepôts lui doit sa création, c'est la Grande Loge des Marchands. De nombreuses maisons de Béziers, Vias ou Pézenas lui appartiennent mais aussi des demeures de Montpellier dont l'hôtel des Trésoriers de France qui dit-on, était surmonté d'un tour d'escalier si haute que Jacques Cur pouvait voir arriver ses navires au Port de Lattes !
Jacques Coeur va donc s'implanter à Montpellier mais il mettra aussi ses facteurs en cette ville, près de l'église de Notre-Dame des tables et dans les rues les plus fréquentées de la cité.
Jacques Coeur va contribuer à la réalisation d'un très ancien projet destiné à faire à Montpellier une Loge des Marchands identique à ce qui se faisait à Perpignan, Barcelone ou Valence.
Michel Mollat écrit que Jacques Coeur "acquit un terrain et fit construire sans regarder à la dépense. Onze mois seulement suffirent pour bâtir un édifice rectangulaire au centre de la ville, face à l'Eglise Notre-Dame des Tables, comportant deux étages et surmonté d'une terrasse".
Ainsi chaque étage contenait une grande salle, un peu comme à Bourges, de 18 mètres de longueur et 9 mètres de largeur. L'argentier participa largement au financement de cette demeure, et une exonération de taxe par le roi, fit le reste.
Il manque le programme ornemental, car Jacques Coeur avait à la fin des travaux le regard tourné vers Marseille !Les biens de Jacques Coeur à Montpellier vendus par le procureur Dauvet, selon M Mollat et R. Guillot :
- Grand'Maison, rue Embouque d'Or à Montpellier retenu pour le roi, puis vendu à Jean Forestier.
- Deux emplacements à Montpellier devant Notre Dame des Tarbes, vendu à Jamet Carcassonne, un bourgeois de Montpellier.
- Une Etable à Montpellier vendue à Philibert de Nèves, un marchand de Montpellier.
- Une maison à Montpellier (Dauvet F 177), vendue à Philippe de Crapona de Montpellier.
- Le mas d'Encivade dans le canton de Montpellier, vendu à Mathieu Savary et Michel Teinturier de Montpellier.
Aboleris, le jeune esclave d'Alexandrie :
Dans le procès de Jacques Cur, il y aura 2 arguments traitant de la mer. Le premier c'est d'avoir renvoyé un jeune esclave maure réfugié en France vers l'Egypte, d'où il venait.
Il s'agissait d'un adolescent de 14 ou 15 ans nommé Aboleris. C'était un esclave musulman d'Alexandrie.
Aboleris était " un chrestien de la terre du Prêtre Jean ", qui était alors un pays que nous situerions aujourd'hui en Ethiopie.
En 1446, la caraque " Notre Dame Saint Denis " était dans ce port pour un de ses voyages annuels. Et soudain, Aboleris alla se réfugier dans ce navire. Le capitaine en était Michel Teinturier, c'était un capitaine du Languedoc.
Le jeune garçon criait : " Pater Noster, Ave Maria, je veux être un bon chrétien ".
Et devant cette supplique le capitaine de Jacques Cur le ramena en France.
Le navire arriva sans doute à Lattes, le port que Jacques Cur avait fait aménagé près de Montpellier. Le fugitif fut placé donc placé à Montpellier chez l'archevêque de Toulouse, comme valet d'écurie.
" Ou ledit enfant eust demouré par long temps et par plus de deux mois avecques aucun bourgeois et marchand de ladicte ville, et aussi aveques Pierre du Moulin lors archevesque de Toulouse, en le servant de officie de varlet de chambre ".
Depuis son arrivée, le jeune esclave s'était comporter semble-t-il en bon chrétien et tout aller pour le mieux.
C'était sans compter sur la colère de Jacques Cur qui apprit cette affaire. Il appris cette aventure en arrivant à Montpellier et il convoqua Michel Teinturier et s'expliqua :
" Jacques Cur avoit mandé Michel Teinturier venir parler à luy et luy avoit fait très mauvaise chière et dit plusieurs paroles injurieuses en lui disant qu'il avoit mal fait d'avoir mené ledit esclave chrestien d'Alexandrie et de l'avoir robé à son maistre ".
Jacques Cur ordonna le retour d'Aboleris à Alexandrie dans les meilleurs délais, menaçant de ruiner la famille Teinturier le père Ysart et le fils Michel si cet esclave n'était pas renvoyé à Alexandrie.
Sans doute très en colère à son tour Michel Teinturier fit enfermer le jeune esclave dans une prison du Bailly pour un mois avant de le faire conduire à Aigues Mortes, par son père Isart et de le mettre sur la galère de Guillaume Gimard, un des facteurs les plus fidèles de Jacques Cur et le navire jeta l'ancre et fit route pour Alexandrie.
Une fois arrivé à Alexandrie, le jeune homme " renia la foi et se tint à la loi des Sarrazins ".Les conséquence de cet acte
Après cet épisode, plusieurs esprits furent choqués car ramener un esclave converti était une bonne action et de nombreux chrétiens et membres du clergé ne comprenaient pas, eux qui passaient leur vie à convertir des esclaves à la vraie religion blâmaient cet acte. L'opinion de l'époque fut alerté par les gens de Barcelone et de Marseille, et Jacques Cur devenait une sorte de coupable, vis à vis du monde chrétien.
Inversement beaucoup de gens, très au fait du commerce avec le Levant et qui connaissaient bien les contraintes qui pesaient sur le commerce en Méditerranée trouvaient que Jacques Cur ou ses fidèles représentants ne pouvaient agir d'une autre façon. Il n'était pas possible de violer les engagements pris avec le sultan d'Egypte. Le traité de paix stipulait le respect des biens de chacune des parties.
Pour beaucoup, on fit à Jacques Cur " une mauvaise querelle ".
Jacques Cur fut accusé quelques années plus tard, d'avoir livré un chrétien aux Infidèles, telle fut d'ailleurs la déposition de Michel Teinturier qui était alors très fâché avec Jacques Cur, lors du procès de ce dernier.
Il faut remarquer que la haute hiérarchie chrétienne ne dit rien sur ce retour et qu'ensuite, il n'était pas possible de commercer si l'on ne pratiquait pas les règles admises, et il n'était pas possible de ramener un esclave en France. Avec un tel incident, ce pouvait être une série de représailles, et le grand maître de Rhodes ainsi que des négociants du Languedoc insistèrent auprès de l'Argentier pour activer le retour du jeune esclave.
Un auteur affirme qu'il aurait été dramatique si des Sarrazins avaient enlevé un esclave à Montpellier, affirmant qu'il voulait se convertir à l'Islam ! Car il y avait " de nombreux Magrhibins, des Grenadins, des Noirs, voire des Orientaux d'origine diverse et pas toujours musulmans, sont captifs dans les pays méditerranées chrétiens, surtout à Majorque et en Catalogne ".
1446 : Jacques Coeur " place " sa famille
Jacques Coeur et sa famille sont très proche de l'Eglise et sans que l'on sache trop pourquoi très en lien avec les papes de ces années.
En 1446, le pape est alors Eugène IV, avec lequel, il réussit à obtenir pour son fils Jean l'archevêché de Bourges, particulièrement prestigieux à cette époque.
Mais le jeune homme n'a que 22 ans, et le pape lui accorde une dispense.
Dans la bulle qui va suivre, ce sont les mérites du père qui sont mis en avant, " " .... a cause des mérites et des grandes vertus dont on sait que vous brillez, appuyé aussi par l'aide de vos amis " " avec au cours d'une phrase, la demande de " restaurer cette même église, beaucoup diminuée dans ses revenus à l'occasion des guerres et divisions qui ont trop longtemps lamentablement affligé ces contrées ".Il faut remarque que son frère Henri est lui aussi bien doté, il est doyen de Limoges et chanoine de la Sainte Chapelle de Bourges.
L'année suivante, c'est une autre forme de " placement " qu'il effectue en mariant sa fille Perrette au vicomte de Bourges, Artaud Trousseau de la grande famille berrichonne, les Trousseau, et Perrette acquiert ainsi le domaine de Bois-sir-Amé, à proximité de Bourges, qui verra les amours de Charles VII et d'Agnès Sorel.
Jacques Coeur au sommet de sa gloire et de sa richesse avant la chute 1447 - 1450
Ce sont à la fois les grandes années au cours desquelles il étale sa richesse et montre sa gloire dans le royaume tout entier.
Il est proche du roi, dans le cercle d'Agnès Sorel.Ses affaires sont prospère alors qu'il est de plus en plus attiré par la politique et les ambassades où, et cela est peu connu, il excelle. L'argent devant ajouter souvent le dernier moyen de persuasion, lorsque cela était nécessaire.
Il s'est entouré d'hommes de confiance, et c'est ainsi que Guillaume de Varye est à Tours, à la tête de l'Argenterie, alors que Jean de Village et Antoine noir s'occupent des routes, des comptoirs et de la flotte pour le Levant.
" Riche comme Jacques Coeur "
Sa richesse progressivement éclate d'autant qu'en 1446 ( ?), Jacques Coeur obtient une dispense personnelle pour lui permettre de faire du commerce avec les infidèles.
Il avait une dispense pour ce type de commerce avec le port de Montpellier, et désormais, il a une dispense liée à sa personne et donc à ses navires, quel qu'en soit le port d'attache..Très riche, on dit alors " riche comme Jacques Coeur " au XV ième siècle.
Il fait du commerce à grande échelle, il a des routes, des comptoirs et des navires.
Dans ces années, mais depuis une dizaine d'années, il achète toute sorte de propriétés foncières, ces ont des seigneuries, des manoirs, des maisons, châteaux et hôtels. On retrouvera dans les compte du procureur Dauvet, la liste de ces biens quelques années plus tard. Robert Guillot en dressera une liste qui impressionne.
On parle parfois d'une soixantaine de titres de propriétés à son nom, et il y en a que l'on redécouvre encore aujourd'hui qui avaient passé à travers les mailles du filet de Jean Dauvet.
Il reste à établir les autres biens de Jacques Coeur, il avait des tapisseries, c'est certain, mais le " trésor " de Jacques Coeur en pièces d'or existe-t-il ? Nul ne sait, mais il fait rêver !
1447 : Jacques Coeur et le Dauphin Louis
Le futur Louis XI, ambitieux et impatient sera en permanence en conflit avec son père le roi, il n'aura de cesse de " vouloir simplement prendre sa place ".
En 1447, suite à une altercation avec Agnès Sorel, le Dauphin est chassé de la cour par son père et il ne le reverra jamais.
Jacques Coeur, un des bras droits du roi restera toujours en contact avec le Dauphin, ce sera peut être une des raisons de sa perte.
Comme avec d'autre, et principalement à la cour, il prêtera de l'argent au Dauphin. Et il choisi un de ses facteurs, Charles Astars qui s'occupait des comptes de ses mines pour assurer la liaison entre le futur Louis XI et l'argentier.
1447 Jacques Coeur devient le "roi" du sel
C'est deux jours avant Noël 1447, le 23 décembre que le roi Charles VII nomme Jacques Coeur visiteur général des Gabelles.
Il est chargé de surveiller les impôts attenant à cette production stratégique à cette époque. Il a déjà des entreprises de production du sel, et il assure le transport du midi vers le Nord et Paris. mais cette fois, il va plus loin, Georges Minois l'accusant à ce moment " de frauder le fisc ", car il délègue le monopole du transport sur la vallée du Rhône à des amis, comme les frères Villard ou Etienne de Cambrai, moyennant une rétribution intéressante.
1447 : Jacques Coeur négociateur lors du schisme Eugène IV / Félix V
Jacques Coeur s'adonne de plus en plus aux affaires politiques et c'est ainsi qu'il obtient du sultan d'Egypte un accord entre le roi Charles VII et ledit sultan. Pour cela il a envoyé à Alexandrie Jean de Village avec de somptueux cadeaux dont des armes et des armures qui ont été fabriquées dans les ateliers .... de Jacques Coeur.
Cela lui apporte aussi la protection du sultan dans son commerce en Méditerranée.Et c'est ainsi qu'il devient indispensable à Charles VII, et il est en première ligne dans le schisme qui va opposer deux papes, à la suite du concile de Bâle et de l'élection de l'antipape Félix V, qui était le duc de Savoie.
Jacques Coeur se retrouve avec Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims et quelques autres à la tête d'une délégation qui doit écarter cet antipape au profit de Eugène IV.... mais ce dernier meurt et Félix V, seul en lisse ne voit pas pourquoi il laisserait désormais la place.
Les cardinaux élisent un nouveau pape après la mort de Eugène IV, afin d elui succéder et ils élisent Nicolas V.....
1447 : Toujours l'argent , le " Gros " de Jacques Coeur
Pour Robert Guillot, lors d'une conférence à Bourges sur le sujet, l'année 1447 marque un véritable tournant, tournant qui est caractérisé par une sorte d'amplification des activités de Jacques Cur.
Tout d'abord, on estime qu'il fut vraisemblablement l'instigateur de l'ordonnance du 27 juillet 1447 décidant, pour la première fois depuis 1370, la frappe de pièces d'argent de bon aloi ce qui créait ce que l'on a appelé le GROS de Jacques Cur que vous allez voir maintenant.La pièce est évidemment un petit peu usé, " j'en ai dans ma poche une autre encore plus usée que je ne vous montre pas " il faut surtout regarder ce qui se passe en dessous et ces pièces qui sont des pièces en argent et ce qui est intéressant, c'est que c'est la première fois depuis 1370 que l'on frappe une pièce de très bon aloi à 92% d'argent fin. C'est une pièce qui vaut deux sous, ou 6 deniers tournois et qui est en quelque sorte le symbole du retour à une monnaie saine.
Il n'y a pas accord entre tous les historiens sur le rôle de Jacques Coeur dans le rétablissement de la confiance dans la monnaie, puisque Jacques Heers fait le compte des dévaluations qui sont encore nombreuses.
Mais l'action de Jacques Coeur, les trêves et aussi la fin de la guerre de cent ans, furent aussi des cause positives pour rétablir un climat propice aux affaires.Quoi qu'il en soit, avec cette pièce du " gros de Jacques Coeur " l'argentier bénéficiait d'un grand prestige, les marchands et petites gens à Bourges comme à Paris, selon Jacques Heers furent conquis par cette monnaie, qui fut, longtemps après très appréciée
Chacun louait alors sa rectitude, son expertise et son désintéressement, ce qui, l'histoire le montre n'était pas tout à fait conforme à la réalité.
1448 : L'entrée en grande pompe de Jacques Coeur et de son ambassade à Rome
Et le schisme n'étant pas résolu, une nouvelle ambassade avec Jacques Coeur se présente à Rome, dans un luxe inouï... Ils sont 300 cavalier dit-on richement harnachés, avec des tenues et armures sortis de l'Argenterie et ... financés par Jacques Coeur.
La population et les hommes de la papauté sont subjugués.
Les négociations commencent, c'est difficile, mais Jacques Coeur emporte la décision et Félix V se retire, laissant un seul Pape, Nicolas V, lequel sera pour toujours reconnaissant à Jacques Coeur.
Et comme il a toujours le sens aigu des affaires, il en profite pour demander au pape, une intervention dans un conflit local entre des communautés du Lyonnais et les sociétés des mines qui lui appartiennent. Il aura gain de cause sur des problèmes de droits et de servitude !Il est devenu l'égal d'un roi, tout en surveillant sa " petite entreprise ".
1450 : juste avant la chute
Il devient progressivement un des personnages clé du royaume de Charles VII. A la fin de cette décennie, le roi a une garde très rapprochée comprenant Agnès Sorel, on ne peut pas faire plus rapproché mais aussi Pierre de Brézé et ... Jacques Coeur.
On trouve dans les chroniques de Thomas Bazin un description relative à jacques Coeur :
" ... Il y avait alors dans les bureaux de la maison du roi, un homme industrieux et avisé, Jacques Coeur, de Bourges, d'origine plébéienne, mais de grande et vive intelligence, et d'une prodigieuse habileté dans les choses du siècle. Il était argentier du roi et les opérations commerciales auxquelles il se livrait sans arrêt l'avaient considérablement enrichi et tiré hors de pair. C'est lui qui, le premier de tous les français de son temps, équipa et arma des galées qui, chargées de lainages et autres produits manufacturés français, parcouraient les rivages d'Afrique et d'Orient jusqu'à Alexandrie d'Egypte et en rapportaient, en remontant le Rhône, des étoffes de soie et toutes espèces d'aromates, toutes marchandises qui, répandues non seulement en France mais en catalogne et dans toutes les contrées voisine, devaient servir à l'usage de ces pays. "
1450 : La mort d'Agnès Sorel, Jacques Coeur orphelin ?
De quoi est morte le 9 février 1450, Agnès Sorel, telle est la question. Trois équipes ont travaillé sur les examens toxicologiques. Les analyses ont porté sur le contenu des poils, des cheveux, de la putréfaction.
Agnès Sorel a été foudroyée en quelques jours par une dose astronomique de Mercure.
Pourquoi tant de mercure ?
Le mercure à cette époque était utilisée comme médicament pour de nombreuses maladies, pour les accouchements longs et difficiles et aussi.... comme poison ! Il venant du cinabre. (sulfure de mercure, HgS)
L'enquête avance :
En premier lieu, Agnès Sorel était plutôt en bonne santé, elle avait une bonne hygiène de vie et une alimentation équilibrée. On a retrouvé 7 dents, une seule avec une carie, ce qui à l'époque, est un bon résultat. (l'âge a aussi été confirmé par les dents).
Seule chose nouvelle et intéressante sur la santé de la belle, c'est une légère malformation des cloisons nasales, ce qui devait sans doute "la faire ronfler" la nuit, lorsqu'elle dormait aux côtés de son amant de roi....
Mais les études parasitologiques ont démontré qu'elle était atteinte d'une maladie parasitaire : l'ascaridiose, c'est à dire des vers intestinaux. Ce sont des vers blanchâtres de 2 à 25 centimètres de long provoquant une infection du tube digestif, comme cela n'était pas exceptionnel au XV e siècle.
C'était donc fréquent à l'époque, avec des douleurs abdominales, des diarrhées, des elles sanglantes et des complications pouvaient survenir. Cette ascaridiose provenait de l'hygiène d'alors et de la préparation des repas.
On a pas trouvé de trace d'arsenic, alors qu'il s'agissait d'un poison parmi les plus utilisés.
Pourquoi le mercure ?
L'utilisation du mercure était monnaie courante pour les traitements contre les vermifuges. Mais les posologies étaient alors bien connues et une erreur de dosage ne semble guère possible. Le médecin d'Agnès Sorel, Robert Poitevin était un des plus grands médecins de l'époque.
Le mercure pouvait-il provenir du sarcophage et du plomb ? Sans doute pas, car le cercuil de plomb ne comprend que des traces de mercure et non des quantités importantes.
Sur l'hypothèse des soins de conservation, il en est de même, on n'a pas trouvé mercure à haute dose dans les fosses nasales.
D'où vient ce mercure mortel ?
Ce taux considérable de mercure trouvé dans les phanères (cheveux, poils et sourcils) semble davantage correspondre à un meurtre au mercure. Ce mercure était très utilisé au moyen Age comme poison, c'était aussi bien en Europe, dans les cours, qu'à Moscou par exemple. Remarquons que Pline l'Ancien évoquait déjà ce poison.....
Agnès Sorel était sans doute soignée avec des fougères mâles et du mercure, comme le demandait le traitement de cette parasitose intestinale, mais de manière volontaire, une dose massive de mercure a été ajoutée dans les médications que devait prendre Agnès Sorel.
Le mercure au Moyen Age a souvent été considéré comme étant "le poison du pauvre".
Qui a tué Agnès Sorel ?
L'enquête continue à partir des études de l'équipe du professeur Charlier. Il faut maintenant redonner la parole aux historiens.
Agnès Sorel aurait pu être tuée par beaucoup de gens. Jacques Coeur fait parti du nombre des suspects, mais aussi Etienne Chevalier, ou encore des obscurs de l'entourage du roi. Et puis, un des rares hommes avec lequel Agnès Sorel était en guerre : le dauphin Louis.
Le futur Louis XI apparaît comme le coupable idéal...... mais les recherches en ce domaine ne font que commencer.
Le commanditaire peut être effectivement Louis XI, mais le dauphin n'était pas présent à la mort de la belle. Il a donc, si l'hypothèse s'avèrre confirmée qu'il a eu, sur place un "exécutant".
Parmi les personnes qui ont été en contact étroit avec Agnès Sorel dans ces moments figure le docteur de Charles VII, Robert Poitevin, un des plus grands médecins de son temps, et il fut en outre un des trois exécuteurs testamentaires de la belle.Pourquoi Robert Poitevin ?
Les relations des uns et des autres étaient conflictuelles, entre la cour et les bourgeois arrivés comme Jacques Coeur, entre les partisans du roi et ceux du dauphin, entre aussi le clan d'Agnès, qui comprenait Jacques Coeur et le clan du Dauphin.
Poitevin s'est-il laissé convaincre que cette "belle" devait périr car elle prenait de plus en plus d'importance dans les décisions du roi ? peut-être, mais c'est sans doute la future arrivée du dauphin à la tête du pays, car Charles n'a jamais été en bonne santé qui est au coeur de l'affaire.
Un médecin assassin ? c'est un peu la théorie nouvelle "développée avec beaucoup de précautions" par Philippe Charlier. Il veut que la parole revienne aujourd'hui aux historiens.
Un argument de plus, c'est la déclaration de Poitevin, après la mort pour affirmer de manière péremptoire que l'amante de Charles VII avait été victime "d'un flux au ventre", et face à la rumeur qui circulait sur un éventuel empoisonnement, il a démentit de manière forte, comme l'on dirait aujourd'hui or un tel empoisonnement ne pouvait passer inaperçu pour un homme de la valeur du docteur du roi.
Les chroniqueurs ont peu parlé de la mort d'Agnès Sorel, s'intéressant comme l'a fait remarquer Georges Minois dans son Charles VII, ils ont davantage évoqué la guerre de cette année 1450.
On trouve pourtant quelques lignes sur Agnès, l'empoisonnement et... Louis XI :
c'est ainsi que Jacques Du Clercq a écrit :
"Et certains dirent aussi que le dauphin avait déjà fait mourir une damoiselle nommée la belle Agnès, laquelle était la plus belle femme du royaume, et totalement en amour avec le roi son père".
Le dauphin avait une réputation exécrable et Jacques Coeur qui a toujours servi son roi Charles, se rapprochera du Dauphin, ce qui causera sa perte.
Agnès Sorel empoisonnée, cela semble aujourd'hui certain.
Agnès Sorel assassinée, la probabilité est de plus en plus forte
Robert Poitevin, a mis le poison dans les médications de la belle, c'est probable
Le dauphin Louis, à l'origine du meutre dont il est le commanditaire, c'est fort possible.
Jacques Coeur innocent, là encore c'est certain.
Quelques éléments nouveaux :
Le docteur Philippe Charlier , qui est aujourd'hui au service de médecine légale et d'anatomie / cytologie pathologique de l'Hôpital Universitaire Raymond Poincarré de Garche (Il donne aussi des cours à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris), au cours de 2 conférences à Bourges le mardi 31 janvier a apporté quelques éléments nouveaux.
Il y a eu 22 collaborateurs et 18 laboratoires qui ont participé à cette étude sur les reste d'Agnès Sorel.
Agnès Sorel est la "maîtresse" officielle du roi Charles VII, et ses enfants peuvent prétendre au trône, ce qui était politiquement très important.
Le transport du corps de la Dame de Beauté (hormis le coeur et les viscères) vers Loches a été fait en une quinzaine ou vingtaine de jours.
Le gisant, magnifique sculpture de Loches, est en albâtre, et il aurait été réalisé "d'après nature". Ce qui est important pour les comparaisons du visage.
Il n'a pas été possible de déterminer la taille d'Agnès Sorel, il aurait été nécessaire d'avoir des os plus longs.
Lors de la réduction du corps en 1777, les restes ont été placés dans un vulgaire saloir à cochon, neuf, de 43 cm par 35 cm. Cette réduction du corps s'est fait d'abord par les pieds, puis le bassin, puis la poitrine et enfin la tête.
Il n'y avait pas de bijoux dans l'urne, mais il a été signalé que des reliques, chaque fois que l'urne a été ouverte elle a fait l'objet de vols de dents ou d'os.
Au cours de ses recherches, le docteur Charlier a été victime d'une maladie pulmonaire due semble-t-il à des champignons microscopiques, un peu comme une malédiction ( on se souvient de la malédiction de Toutankamon).
Mais la dernière découverte des restes, c'est la présence d'un triponem, et la question se pose : Agnès Sorel pouvait elle avoir la syphilis ? Cela reste une question intéressante, car les historiens affirment que cette maladie est arrivée en Europe à partir de 1493.... Et que cette théorie est aujourd'hui contestée. Agnès Sorel et ses restes pourraient donner des répponses, mais le docteur Charlier est très prudent sur ces études qui ne sont pas terminées.
Le paludisme qui était très présent en Berry, n'a pas atteint Agnès Sorel.
Jacques Coeur était-il un adepte, c'est à dire un alchimiste ?
Jacques Coeur avait-il des connaissances du Grand Oeuvre ? , de la Pierre Philosophale ? telle est la question.
La vie de Jacques Cur est pleine d'aventures, et sa mort, si loin de son Berry natal ajoute au mystère.
Il y a une légende ésotérique sur Jacques Cur , sur sa vie et l'origine de sa fortune. Pour beaucoup cet homme était un initié, c'est devenu une évidence .Il n'y a pas de preuve, mais différentes corrélations de faits :- Tout d'abord, il manipulait l'argent avec beaucoup de connaissance et de passion. Si bien qu'il a un peu commencé sa carrière dans la fausse monnaie. Ce n'était pas le seul à l'époque, mais ça fait un peu désordre.
- Il faisait partie de ces Bourgeois, chefs d'entreprise, dans un secteur assez particulier puisqu'il possédait des mines, dans lesquelles il exploiter des minerais d'argent et peut être d'or. C'était un homme qui fréquentait les " métallurgistes ", des hommes qui possédaient un savoir important et souvent mystérieux, l'alchimie était souvent leur passe-temps et leur passion et pour certains leurs métiers.- Ensuite, Jacques Coeur a beaucoup commercé directement en payant de sa personne ou par des intermédiaires, avec les pays arabes et les infidèles. Or l'Alchimie vient de ces pays. Il a donc sans aucun doute pris des contacts avec les savants du Levant et abordé ou rapporté des éléments mystérieux, autres que les orangers et les dattiers.
- Son Palais qu'il fait construire à l'apogée de sa richesse et un peu à la fin de sa vie recèle des symboles et des sculptures qui ne sont pas innocentes sur le plan de l'alchimie. Souvent à plusieurs sens, il est possible de faire un parcours alchimiste du Palais sans trop " en rajouter pour la cause ".
- Enfin, il est devenu riche, et cette richesse, ce n'est pas en vendant quelques morceaux de tissus ou des parfums même venu de l'Orient qu'il a pu l'acquérir. Il est donc devenu riche par un autre moyen qui est forcément la pierre philosophale.
Chez les historiens, ces affirmations les laissent plutôt froids et dubitatifs. Pour quelques uns, cela oscille entre l'extrême réserve et le silence, pour la majorité, c'est l'hostilité la plus âpre par rapport au sujet. Il est vrai que Jacques Coeur n'a pas écrit ses mémoires, et qu'il n'a pas laissé de témoignage " de première main ", et que toute affirmation peut être contredite, mais cela va dans les deux sens.
Déjà de son vivant, Jacques Coeur était devenu une légende, un mythe, c'était l'homme qui donnait de l'argent au Roi et à la cour. Cet or va contribuer à lever des troupes et à bouter les Anglais hors de France.
D'ailleurs, le peuple, lorsqu'il apprit sa mort dans la lointaine ile de Chio, refusa de la croire. Ce sera le cas de Villon qui mettra en doute cette version officielle dans un poème ( Bourges cité première, p 127)
De son vivant ou des quelques années qui suivirent sa disparition, il y a des textes, pas très nombreux d'après les spécialistes, qui parlent de Jacques Coeur et de son Palais, mais aucun n'évoque l'alchimie.
On a retrouvé pourtant un texte de Jacques Coeur qui parle explicitement d'Alchimie, mais dans un sens différent.
Dans une lettre autographe adressée au sieur de barbançois, Jacques Coeur parle longuement qu'un receveur des finances de Saint Benoist " avait des accointances avec des Arquemiens, par le moyen desquels il faisait des écus d'arquemie, qui servaient à payer les gens d'arme".Et le Grand Argentier de Charles VII ajoute, en connaisseur de fausse monnaie :
" ... de telle sorte exchangié cinq lingots qui n'estaient d'or comme sembloyt, mais n'étoit que léton doré par le dit moyen d'arquemie ".
Sur ce thème sulfureux, il n'y a pas, compte tenu des recherches actuelles aucun témoignage des " écrivains " contemporains de son époque.Un des premiers documents sur Jacques Coeur date de l'année de son arrestation par Antoine Artesan qui écrit dans son " Eloge descriptif de la ville de Paris et des principales villes de France " :
" ..... A Bourges, j'ai vu encore une hôtel digne d'un grand prince, que fait bâtir avec un soin extrême, l'argentier de notre puissant roi, cet homme aussi grand par l'esprit que riche par ses trésors, qui l'égalent au célèbre Crassus, d'illustre renommée.... il désire que rien ne manque à la splendeur de cette résidence ".
les arbres mystérieux du tympan : DIRE - FAIRE - TAIRE
D'autres témoignages du XV ième siècle évoquent de la même manière la fortune de Jacques Coeur, " qui estoit si riche qu'on disait qu'il faisoit ferrer ses haquenées et chevaulx de fers d'argent... " avec en filligramme la Grand Maison " une maison plus riche de quoy on povoit parler ".
On sent poindre un zeste de jalousie dans plusieurs écrits, avec les allusions au commerce avec les infidèles ou le pillage des finances du roi. Jacques Coeur est un banni, condamné par le pouvoir, il n'est pas très bon de le défendre ou d'ajouter quoique ce soit aux accusations.
Chastelain évoque aussi le grand Argentier par des mots comme " Le plus grand de la terre, marchand et financier que depuis par fortune, vis mourir en exil,.... "
Mais Christian de Mérindol est allé plus loin, il a trouvé de nombreux témoignages sur les activités alchimistes de JacquesCoeur. Mais il faut remarquer qu'aucun texte ne parle de Jacques Coeur de son vivant. C'est un fait, mais cela ne signifie rien sur de possibles activités alchimiques de l'argentier.
Il faut attendre un siècle après sa mort, ce qui est beaucoup, pour que des auteurs évoquent des activités alchimiques. Il ne s'agit pas de découvertes particulières ou de documents, mais de constats et de réflexions, pour simplement expliquer sa fortune.
Un texte de 1575 parle sous la plume d'André Thevet :
... Jacques Coeur " a esté plus de vingt ans à faire la pierre Philosophale, et y oeuvra si bien, qu'il se fait l'un des Seigneurs de sa ville, luy qui n'estoit rien au commencement ".
Une statue le représente sur un mulet lequel a les fers inversés ??? et à ses cotés celle de sa femme et de quelqu'un d'autre qu'on dit être sa servante.
David de Planis-Campy, médecin de Louis XIII en 1633 évoque le secret que possédait Jacques Coeur en échange duquel il aurait obtenu du roi le pouvoir de forger des monnaies d'argent pur.
Pierre Borel ( 1620 / 1689) a beaucoup oeuvré pour faire accréditer la thèse d'un Jacques Coeur alchimiste et possesseur de la Pierre Philosophale. Il insiste en particulier sur les " figures hiéroglyphtiques " qui sont aux portes de la Grande Loge de Montpellier construite par Jacques Coeur.
En 1579, François Garrault affirme que les sculptures de la "grant-Maison" sont les " emblèmes de sa vie et de ses actions ". Et la fortune de Jacques Coeur est essentiellement fondée sir l'exploitation de ses mines. Et les mots de sa devise Dire Faire Taire n'explique aucune opération chimique.
Christian de Mérindol conclut un récent article, parfaitement documenté en rappelant que Jacques Coeur ne semble pas avoir été un grand lecteur, et que les qualités de l'homme semblent très loin de l'alchimie. C'est une étude sérieuse mais bien de notre temps.
Si je voulais caricaturer, je dirais qu'il n'y a aucun écrit de Jacques Coeur explicitant qu'il est un alchimiste, alors, l'Alchimie n'a-t-elle rien à voir avec le personnage?
Il faut donc chercher autre part les possible traces d'un adepte, puisque la littérature n'aboutit pas à des preuves intéressantes. Fulcanelli, qui a redoré le blason des alchimistes s'est un peu intéressé à Jacques Coeur.L'adepte ?
Il y a encore trop de mystères dans la vie de Jacques Coeur pour que l'on puisse dire aujourd'hui de façon péremptoire, que le Grand Argentier était un Alchimiste, ou " Jacques Coeur n'a rien à voir avec l'alchimie ".
L'école rationnelle, rejette toute allusion, chez Jacques Coeur et l'emblématique de son Palais, à l'alchimie, alors que Fulcanelli et ses disciples "découvre l'alchimie sur le moindre cul de lampe de sa Grand-maison.
Il n'est pas simple d'en faire la synthèse.
Pour les rationalistes, Jacques Coeur est un chef d'entreprise, un homme d'action qui n'a que faire des " messes noires ", et des mystères de l'athanor. Tout ce qu'il fait est très éloigné du monde de l'ésotérisme. Et en plus, toute son emblématique est faite pour honorer le roi et les princes. Il est de son époque.
Cette vue me semble méconnaître deux aspects importants sur Jacques Coeur et son époque.
Le premier, c'est le besoin chez tout homme d'action, tout entrepreneur, d'avoir un " jardin secret ". Une vie publique et intense nécessite des instants d'échappement. De tout temps, les grands destins ont possédé des phases qui semblent anachroniques.
Il y a une nécessité pour ces hommes au destin fabuleux d'avoir une activité, un lobby que l'on ne soupçonne pas. Chez les uns, chef d'entreprise, roi ou président d'une République c'est la religion, d'autres les femmes, les troisièmes les sciences occultes.
Pour Jacques Cur , qui a cotoyé les Astrologues comme tous les grands de son temps, qui est resté fidèle à sa femme pour ce que nous en savons, les métallurgistes de ses mines n'étaient pas éloignés des alchimistes, alors rien ne s'oppose à le voir fréquenter ces gens-là, au contraire. Et cela arrangeait sa position. Alchimiste, il n'avait pas trop de comptes à rendre. Alors, il a pris de l'Alchimie, la philosophie, faite de patience, de maximes, d'un art de vie. Il s'est forgé une éthique et ses maximes Dire, Faire, Taire ou En Bouche close n'entre mouche en sont la preuve.
Quant à se représenter le Grand Argentier devant des fours, dans les caves de sa Grand Maison, il y a un pas que je ne franchirais pas.
Enfin sur l'emblèmatique, des références indubitables à la pierre philosophale existent sans que l'on connaisse la validation par Jacques Coeur des sculptures qui ornent sa Grant'Maison. Nul ne sait quelle part il a pu y prendre.
C'est sans doute un peu de son " testament philosophique " qu'il a voulu traduire, un mélange de son oeuvre, de son action et de sa philosophie. Oui Jacques Cur fut un adepte, un de ces hommes qui ont fait avancer le monde.
Lors d'une récente conférence du professeur Robert Guillot, (octobre 2008) ce grand médiéviste a évoqué le "Jacques Coeur alchimiste", pour affirmer que l'alchimie était à cette époque acceptée, à condition de ne pas faire de magie ou de sorcellerie. Jacques Coeur a sans aucun doute eu des contacts avec l'art de l'alchimie. A cette époque, on considérait que les métaux pouvaient se décomposer et par conséquent se recomposer. On connaissait aussi la technique de la coupellationLa coupellation connue depuis l'antiquité était au XV ième siècle, une méthode de purification de l'or et de l'argent.
Le point de vue de Robert Guillot est intéressant, voici ce qu'il dit lors d'une conférence à Bourges :
Sur l'ésotérisme, " Je dirais que là, c'est une autre paire de manche parce que l'ésotérisme part de documents, effectivement, mais aboutit à des conclusions qui ne sont pas acceptées par tous les historiens. Il faut dire que par son caractère secret, son goût des symboles, Jacques Cur peut très bien se prêter à de telles interprétations. Elles ont été abordées par des propositions d'explication de l'emblématiques des demeures de Jacques Cur par des auteurs comme Christiane Paloux ici même à Bourges et quelques autres.
Alors je donnerais seulement un exemple pour illustrer cet aspect là des choses, c'est un sigle qui est resté à la fois énigmatique et célèbre et qui apparaît dans la pierre à l'Hôtel Jacques Cur, qui apparaît également dans un vitrail de la sacristie de la cathédrale, c'est ce sigle RG.
Il se trouve que nous le connaissons également dans la description de la décoration de la chambre même de Jacques Cur à l'étage, c'est à dire l'ensemble de taffetas brodé et nous connaissons cette description de la chambre et de sa décoration grâce au témoignage de celui qui avait la charge de gérer les affaires de l'Hôtel et qui témoigne devant quelqu'un dont nous allons beaucoup reparler et qui est le procureur du roi qui était chargé de mettre la main sur les biens de Jacques Cur, il s'agit de Jean Dauvet.
Ce sera l'occasion de voir ce qui est un des documents essentiels pour la connaissance de Jacques Cur, c'est à dire le journal du procureur Dauvet.Je vous indique l'emplacement du "RG" et là commence la déposition que je vais vous lire. La déposition de ce dépensier de l'Hôtel Jacques Cur qui s'appelle Guillot Tipault et non pas Trépan comme on a pu le dire. Voilà ce qu'il déclare :
" interrogé sur ce qu'est devenu une chambre de taffetas rouge, brodée à RG, et à angelote, il dit qu'il "a bien vu autrefois en l'hôtel et fut porté à Rome" (ce fut la grande ambassade de 1448 ) et depuis il fut rapporté en son dit hôtel et fut tendu aux noces de maître Jean Thierry dans la chambre des Galées". En dehors de ce RG sur lequel je m'explique dans un instant, il y a aussi un élément très important qui concerne la manière dont s'établissait une confiance extrême entre Jacques Cur et certains de ses commis, Jean Thierry était l'un de ses clercs et la noce a été célébré ici dans l'Hôtel même de son patron.
Alors que dire sur "RG"
On peut dire à peu près ceci, c'est que la plupart du temps on l'interprète comme le sigle de "Réal Guerdon" c'est à dire "protection royale" ou "royale récompense" mais les alchimistes estiment que l'on peut aussi le décrypter comme "Recipe G" c'est à dire "prend G", G étant le symbole de la matière première de l'alchimiste, c'est à dire l'antimoine.
Toujours est-il que de fait, le milieu des alchimistes n'était pas inconnu de Jacques Cur, et on peut se référer ici à une lettre dont l'original est perdu, lettre dans laquelle Jacques Cur relate la fabrication nocturne de lingots d'or à partir de laiton doré à l'hôtellerie de l'Homme Sauvage à Saint Benoît sur Loire.
Il y avait donc des contacts aussi avec le milieu des alchimistes. "
1450 : La bataille de Formigny venge Azincourt
L'événement que l'on pourrait retenir comme véritable symbole de la renaissance et du relèvement du royaume, comme le souligne Robert Guillot, c'est une bataille dans le fond qui passe inaperçue c'est la bataille de Formigny près de Bayeux, dans la reconquête de la Normandie le 15 avril 1450 et qui est une sorte d'Azincourt à rebours puisque les pertes anglaises ayant été estimées à 80% des effectifs engagés, 4000 tués, 1500 prisonniers c'est considérable. Ce succès éclatant qui permet le recouvrement de la Normandie était du à la capacité du roi à maîtriser les atouts dont il pouvait disposerr. Ces atouts étaient de deux ordres face à un camp anglais un peu désorganisé, et où les garnisons étaient un peu émiettées, pas très nombreuses, mal payées, parce que le Parlement de Londres rechignait et mesurait chichement son aide.
Charles VII pouvait compter à la fois sur des ressources et des hommes particulièrement substantiels ce qui lui a permis finalement de l'emporter sur une monarchie qui n'est plus la monarchie d'Henri V Lancastre le vainqueur d'Azincourt mais qui était déjà une monarchie contestée par la maison d'York, avec Richard duc d'York. Nous sommes à la veille de la fameuse guerre des deux roses en Angleterre.
Les ressources, et bien les recettes annuelles de la couronne montent à ce moment là à peut près trois millions de livres tournois. Ceci grâce à trois impôts permanents, les aides, la gabelle, la taille et les subsides votés par les Etats provinciaux, avec pour pourvoyeur principal, notamment les états de Languedoc et je dirais au passage que quelqu'un en a profité, pas seulement Jacques Cur mais avant lui et pour le bien du patrimoine, c'est le duc de Berry évidemment, Jean de Berry, qui était Lieutenant général en Languedoc.
La chute de Jacques Coeur Jacques Coeur continuait à préter de l'argent au roi et à la cour, et même si il y avait des rumeurs contre l'argentier du roi, Jacques Coeur semblait intouchable. Il n'a pas vu sa chute qui fut brutale.
1451- 1453 : 31 juillet funeste , la chute de Jacques Coeur
Jacques Coeur, le 31 juillet 1451 est arrêté au château de Taillebourg ( Charente Maritime, vers Saint Jean d'Angély) et ses biens sont mis sous séquestre, suite à une sorte de conjuration et fut accusé de crime de lèse majesté, alors qu'il n'était pas coupable d'avoir empoisonné Agnès Sorel, pas plus que d'avoir spolié le roi Charles.
1451 - 1453 = procès "itinérant " de Jacques Cur, au grè des déplacements de la cour.
Soumis à la torture, il va tout avouer ou presque, et sera condamné.29 mai 1453 = le jour de la chute de Constantinople, la sentence tombe, c'est le bannissement à perpétuité de Jacques Coeur, il est condamné pour crime de lèse-majesté envers le roi Charles VII, il ne dû la vie sauve qu'à l'intervention du pape Nicolas V. Frappé d'une extraordinaire amende de 550 000 livres tournois, il devait rester emprisonné au château de Poitiers jusqu'au règlement de cette somme grâce à la vente de ses biens au profit du trésor royal.
Ne pouvant envisager son élargissement avant longtemps, il décida de forcer le destin en s'évadant vers la fin du mois d'octobre 1454.
1454 = à la fin du mois d'octobre, évasion du château de Poitiers.
Errance vers Beaucaire, puis enlèvement avec Jean de Village pour la Provence, Pise, Rome.1456 = Il arme des navires pour le compte du pape Nicolas V afin de faire une croisade au Levant. (11 juin, départ de la flotte pontificale)
25 Novembre 1456 = Jacques Cur meurt dans l'Ile de Chio, au large de la Turquie.
Quelques années après la mort de Jacques Cur, ses enfants firent réaliser un tombeau qui fut décoré par la statue d'un gisant de l'épouse Macée, morte en 1453
L'ensemble fut pillé à la Révolution, et ses restes furent dispersés.A partir de ce moment, sur le plan historique, les documents sont très nombreux. On y trouve en particulier les minutes du procès, mais aussi la liste de tous les biens de Jacques Cur dressés par le procureur Dauvet, ce qui sera une mine de renseignements pour les historiens.
Pendant 4 ans, Jean Dauvet va enquêter sur les biens de Jacques Cur, les évaluer, les faire expertiser, un travail considérable.Par contre, les raisons exactes de l'arrestation et du procès font toujours l'objet de recherches.
Le premier élément officiel concerne un certain nombre de chefs d'accusations, dont certains, au tout début ne vont pas être crédibles, il faudra donc en trouver d'autres.
On trouve des accusations très diverses et très variées comme l'accusation d'avoir empoisonné Agnès Sorel ou encore la diffusion de la fausse monnaie à ses débuts avec Ravant le Danois, puis le trafic d'armes avec les Sarrazins.....
Dans la disgrâce de Jacques Cur, on peut émettre des hypothèses, assez vraisemblables.
C'est en premier lieu un contexte de plus en plus défavorable, Jacques Cur qui n'est pas de naissance noble est un parvenu, "il agace" les grands de ce monde, il est arrogant et ses devises le desservent.
A cette haine d'une partie de la cour, se superpose sa fortune bien sûr, mais surtout les prêts qu'il a consenti à certains puissants de cette cour.
Il faut aussi prendre en compte des jalousies de corporations. Les marchands languedociens sont les plus acharnés à la perte de Jacques Cur, ls seront 17 marchands pour le juger.
Mais il faut aller dans la vie et la psychologie de Charles VII pour trouver un début de solution. Le roi aime bien Jacques Cur, il lui rend de grands services, comme le fait de prêter de l'argent pour lever des armées, il le trouve aussi pour des missions diplomatique, vers le pape en particulier. Et puis c'est un leveur d'impôts hors pair. Sur le plan financier et de la monnaie, c'est un homme qui obtient des résultats, les finances du pays ne sont-elles pas en train de s'assainir! Il n'y a donc aucune raison grave dans le comportement visible de Jacques Cur vis à vis du roi qui pourrait lui nuire.
Les "crimes" de Jacques Cur ?
La première phase consiste en une information préalable décidée à la fin du printemps de 1451, elle est conduite en secret, quasi secret, alors que Jacques Cur est auprès du roi, et elle s'avère quasiment décisive, puisqu'elle permet de faire peser sur l'Argentier une double accusation :
- d'abord un meurtre, une débitrice de Jacques Cur, elle lui doit tout de même 500 écus, c'est une affaire vieille de 3 ans, Jeanne de Vendôme l'accuse formellement d'avoir empoisonné Agnès Sorel.
- Ensuite un crime de lèse majesté. On fouille un peu partout et on trouve dans la maison de Jacques Coeur à Montpellier, un sceau semblable au petit sceau secret du roi c'est à dire le sceau en cire rouge avec lequel le roi scellait ses lettres privées, ses lettres closes, vous allez voir le sceau secret de Charles VII. Il a 42 mm de diamètre, c'est un sceau de type armorial : l'écu aux 3 grosses fleurs de lys renvoyant au pouvoir royal.Le deuxième acte est la décision prise par le roi le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg près de Saint Jean d'Angely (Charente Maritime), le Grand Conseil entendu, d'imputer à Jacques Coeur le crime de lèse-majecté, ce qui entraîne immédiatement l'arrestation de l'Argentier, astreint à tenir prison fermée, et la mise sous séquestre de ses biens.
Quatre crimes de lèse majesté, donc vous l'avez vu, il y a la contre façon du sceau du roi et on y ajoute très rapidement, l'imitation de la signature de Charles VII il se trouve que l'on a repéré chez Jean Thierry justement qui était le clerc, et homme de confiance de l'Argentier.
Deuxième crime de lèse majesté, là aussi il y a quelques résonances contemporaines, c'est la fourniture d'armes à l'Orient, fourniture d'armes aux Sarrasins alors fournitures d'armures, d'armes de poings etc à quoi on ajoute la remise d'un jeune esclave chrétien qui avait échappé à sa captivité, s'était réfugié sur un bateau de Jacques Cur en rade d'Alexandrie et que les hommes de Jacques Cur ont rendu, on verra dans quelles conditions.
Donc contrefaçon du sceau du roi, relations avec les Sarrasins on revient à l'ancienne affaire de la fabrication de fausse monnaie de Bourges en 1429 - 1430 : falsification portant sur le titre et la taille d'écus royanx., pour laquelle il y avait eu pourtant des lettres de rémission.Et enfin on ajoute quelque chose de très pittoresque c'est une escroquerie émise au mois de décembre 1446 au moment du mariage de ce Comte de Clermont avec Jeanne de France. Le duc de Bourbon son père avait envoyé une ambassade dans laquelle figurait un personnage portant le nom fameux de Lafayette, les Lafayette étaient déjà là et il se trouve que l'on accuse Jacques Cur de s'être entremis dans cette affaire et d'avoir exigé pour que le mariage soit réalisé, le versement d'une somme de 2000 écus les textes disent " faute de quoi il ne ferait rien de leur besogne" . Le roi voulant avoir cette somme "pour ses plaisirs et pour jouer aux dés aux fêtes de Noël"; donc c'est une atteinte à l'honneur du roi qui est ressentie assez durement
Les ennemis de Jacques Coeur
Quels sont les commissaires qui instruisent tout cela et s'acquitèrent parfaitement de leur mission ? Il y a des familiers du souverain , par exemple un ancien protégé d'Agnès Sorel, le sénéchal de Saintonge et Chambellan du roi, celui-là même qui mettra la mains sur les biens du Roannais Guillaume Gouffier.
Il y a aussi de la même manière pour les biens du Puisaye, Antoine de Chabannes qui, par ailleurs, est le gardien de Jacques Cur dans sa prison. Il y a également des hommes de loi en quête d'une promotion par exemple un lieutenant du sénéchal de Saintonge, un personnage qui s'appelle Elie de Tourrettes, qui est créé cinquième Président au Parlement de Paris le 5 juin 1454 sans jamais avoir été Conseiller, c'est à dire que nous n'avons pas inventé à l'heure actuelle le tour extérieur.
Il y a aussi dans ces commissaires des hommes d'affaires, souvent Languedociens, parfois d'anciens associés de Jacques Coeur par exemple les frères Teinturier mais aussi des figures extrêmement inquiétantes, et parmi ces figures inquiétantes se dégage celle de ce capitoul de Toulouse, Otto Castellani qui est un florentin établi à Toulouse dans les années 1440, trésorier royal, capitoul en 1443. Il sera d'ailleurs le successeur éphémère de Jacques Cur à l'Argenterie mais c'est un personnage extrêmement louche, trouble, qui sera bientôt convaincu lui aussi de crime de lèse-majesté en raison de ses liens avec le milieu particulièrement délétère des jeteurs de sorts et autres magiciens .
Toujours est-il que le 14 juin 1452 au château de Chissay, donc à proximité de Tours, a lieu une réunion générale pour faire le point pour savoir comment on continue. Faut-il continuer l'instruction, faut-il continuer à interroger Jacques Cur,et se pose le problème de la question que recommande l'inquisition pour venir à bout des obstinés. Faut-il lever le secret , et finalement le roi décide de lever le secret pour un période de 2 mois qui a été prolongée en fait jusqu'à la fin de l'hiver 1452/1453 en raison de la reprise de la guerre de Guyenne et dans l'intervalle, Jacques Cur est autorisé à prendre contact avec ses fidèles mais il se trouve que la plupart ont quitté le royaume évidemment de peur d'être arrêtés, c'est le cas de Guillaume de Varie, de Jean de Village, de bien d'autres encore. C'est le moment quant même que se situe l'intervention favorable à Jacques Cur de quelqu'un qui l'a connu et qui l'a apprécié, c'est directement le pape Nicolas V lui-même et les armes de ces papes figurent à la sacristie du chapitre, offerte à la cathédrale de Bourges par Jacques Cur, on sait le rôle dans sa grande ambassade de 1448 et dans l'abdication de l'anti-pape Félix V en 1449.
La sentence
Il se trouve par ailleurs que le propre frère de Jacques Cur, Nicolas Cur avait été représentant du roi auprès de la papauté pendant quelques années. Ce que l'on voulait surtout dans cette sentence que l'on appelle interlocutoire, c'était de savoir si l'accusé pouvait bénéficier, après avoir reçu les ordres ecclésiastiques, d'un privilège de cléricature.
C'était très important parce que l'accusé ne pourrait certainement pas échapper aux hommes du roi puisqu'il y avait lèse-majesté mais s'il y avait la preuve de la cléricature au moment de la reprise des interrogatoires, la question, c'est à dire la torture, serait effectuée sous le contrôle de l'Eglise. Donc il était très important de savoir si Jacques Cur était clerc ou pas. Il y avait deux moyens assez simples, savoir s'il était tonsuré au moment de son arrestation et savoir s'il portait des vêtements de clerc.
Des témoins sont entendus, dont Jean Vidal, marchand de Narbonne, et la conclusion, c'est qu'il n'était absolument pas clerc et finalement son costume devait être comparable à ce que l'on voit ici dans le décors de la tour centrale,Il portait une robe courte à mi-cuisse et on a un témoignage qui est particulièrement intéressant, c'est un témoin qui décrit très précisément le costume porté par Jacques Cur au moment où il est arrêté, costume je dois le dire qui n'a rien à voir avec celui que vous avez vu devant la grande maison avec la statue de Préault.
On peut citer maintenant : "Jacques Cur a été pris en robe noire courte, mi-cuisse, chausses de vert obscur, pourpoint de velours ou satin cramoisi, chapeau gris, chaussures à poulaines" donc finalement Jacques Cur ne tire pas profit de cette suspension exception faite de la production de deux saufs conduits pontificaux (Eugène IV en 1446 et Nicolas V en 1448) qui autorisaient sous certaines conditions le trafic avec les infidèles et on arrive à la dernière phase qui est celle des derniers interrogatoires, en mars 1453 au château de Tours.Ce qui domine tout ça, c'est la mention de la torture ou sa menace, une tentative d'appel et finalement l'effondrement de l'accusé. On peut voir les questions que l'on pose à Jacques Cur, là ce sont des indications chiffrées, ce sont les articles sur lesquels on interroge Jacques Cur et là, ce sont les mentions de tortures. Donc la torture est absolument pratiquée.
Comment Jacques Cur réagit-il ? Eh bien il dit qu'il s'en rapporte aux témoins des accusations, il ne se défend pas vraiment il y a un seul point sur lequel il n'est pas d'accord, c'est l'empoisonnement d'Agnès Sorel, et de fait son accusatrice sera convaincue de faux témoignage. Pour le reste il reconnaît les faits, il déclare que s'il est torturé, il confessera ce que l'on voudra et il essaie seulement de les expliquer, soit par un soucis de bien public, il dit qu'il faisait ces trafics vers l'Orient pour donner bruit, c'est à dire donner de la renommée à la marchandise de France. Pour les esclaves chrétiens, il dit que, je cite " il sait bien que si un français s'était échappé aux anglais, ou si un anglais s'était rendu en ce royaume, pour être français, que celui qui le rendrait serait digne de grande punition". Ou bien alors il explique son attitude par des considérations sur la concurrence disant que s'il n'avait pas pratiqué ainsi, les génois auraient interdits l'embarquement d'épices sur les bateaux français.
Au total, il s'en remet à la bonne grâce du roi, en ajoutant quand même avec une bonne dose d'amertume, il croyait "avoir autre salaire et autre triomphe pour les services qu'il a fait". La condamnation qui intervient le 29 mai 1453 dans une assemblée un peu moins solennel que le lit de Justice
Alors qu'est ce qui pouvait rendre Charles VII aussi ingrat ?
Deux éléments majeurs que l'on oublie parfois. Le premier, c'est la faiblesse nouvelle de Charles VII qui vient de perdre Agnès Sorel. Elle était celle qui lui redonnait le moral, et même si il l'a remplacé dans son lit assez vite, le dame de Beauté était un élément majeur du moral du souverain, une fois disparue, le roi retombait dans son chagrin, mais aussi dans sa mélancolie et sa faiblesse.
L'élément qui ne pouvait que rendre toutes les sentences de Charles VII irrationnelles, c'est son fils, le dauphin Louis.
Jacques Cur respectait le roi, mais ressentait une certaine amitié pour le futur Louis XI. Ils étaient nés dans la même ville, et le caractère entier, dominateur, impatient, de Louis devait lui plaire et sans doute, davantage le fasciner, que Charles VII.
Calculateur ou visionnaire, Jacques Cur devait ménager la chèvre et le chou, Le roi n'était pas en bonne santé, il commençait à être âgé pour l'époque, et quelques bonnes relations avec le fils ne pouvaient qu'être une bonne chose.
Ce fut l'erreur à ne pas commettre. Le roi éprouvait une haine féroce envers son fils, peu imaginable. Il craignait à tout moment d'être assassiné par les sbires du dauphin.
Et toute relation personnelle avec le dauphin passait pour un crime de lèse majesté.
Ce sera la perte de Jacques Cur.
Les bonnes relations prouvées entre le futur Louis XI et Jacques Cur avec peut être quelques interceptions de courriers, seront les prétextes de la furie du roi.
Son grand Argentier lié avec le Dauphin, c'était insupportable et d'une manière assez irrationnelle, tout le passé s'estompait. Jacques Cur devenait un homme à abattre, et Agnès Sorel n'était plus la pour le soutenir, ajoutons les mots perfides de l'entourage du roi, et c'en était fini.
Mollat signale aussi, et c'est important que le mariage du Dauphin avec Charlotte de Savoie contre le bon vouloir du roi, a sans doute été un fait majeur. Ce mariage intervient le 9 mars 1451 c'est à dire 4 mois avant la disgrâce de jacques Cur. Et dans les opérations financières de la dot de sa nouvelle "belle", il semble que l'on eut recours pour les finances à l'entremise de certains correspondants de Jacques Cur, Guillaume Bolomier ou Charles Astars.
La restitution de certains des biens de Jacques Cur à son fils Geoffroy en 1463 par Louis XI le montrent, c'est "pour les bons et humbles services à nous faictz par ledit Jacques Cueur".
Charles VII avait bien laissé Jeanne d'Arc mourir, sans tenter grand chose, et son favori du moment, Giac était mort à Dun, assassiné sans que le roi ne s'offusque.La disgrâce de Jacques Cur ne s'explique que par la tournure prise dans les relations entre le père et le fils. Charles VII et Louis XI.
Le reste, les nombreux actes d'accusation, c'est de l'habillage.Il faut se souvenir que c'est Louis XI une fois sur le trône qui réhabilitera Jacques Cur et qui rendra ses biens à la famille.
La sentence est rendue en mai 1453, non par le parlement, mais "de par le roi", sentence prononcée par Guillaume Jouvenel des Ursins alors chancelier de Charles VII.
Il est condamné à mort, sa peine commuée.
1454 L'évasion de Jacques Coeur
Le 27 octobre 1454, Jacques Cur s'évade de son cachot du château de Poitiers. Des lettres sont envoyées pour que le fuyard soit arrêté.
Il s'enfuit par le couvent de Montmorillon, puis, grâce à d'autres couvents, il gagne le sud, se met d'abord à l'abri chez les Dominicains de Limoges, puis chez les Franciscains de Beaucaire d'où il fut exfiltré par un audacieux coup de main de son neveu, Jean de Village.
photo de Beaucaire
Une lettre est alors envoyée par Jacques Cur à Jean de Village qui se trouve alors à Marseille.
Cette lettre est assez curieuse, car elle parle longuement du danger et appelle à l'aide, "ils ont déjà tâché de l'occir en violence . Ne tardez plus à venir me tirer hors de cette franchise, car dans cinq jours, ils m'en tireront eux-mêmes pour me mettre à mort .hâtez-vous de me venir en aide, où vous ne me trouverez pas vivant faites en toute hâte."
Et c'est signé "Vostre pouvre bon maistre et père, JC"
Cette lettre qui est très importante pour comprendre la psychologie de Jacques Cur est-elle authentique ? Nous n'en savons rien, elle est dans une collection privée inaccessible.
en savoir plus sur cette évasion .
Il pu ainsi passer en Provence avec son fils Ravant et, vers le début de 1455 gagner Rome où l'amitié de Nicolas V lui assurait asile et protection.
Il y fut rejoint par les principaux responsables de ses affaires et prit une part très active dans la préparation d'une expédition navale contre les Turcs, maîtres de Constantinople depuis mai 1453.
LES DERNIERES ANNEES DE JACQUES COEUR
Alors qu'une fois évadé, Jacques Coeur se met en sécurité à Rome où il aurait pu rester au calme sous la protection des papes, mais homme d'aventure, à près de 60 ans, il repart sur la mer au sein d'une armada mise en action par le pape. Et c'est sur mer qu'il trouvera la mort.
1456 : Le dernier voyage de Jacques Coeur
Pour Jean Yves Ribault, ce dernier voyage est la partie de la vie de l'argentier que l'on connaît le moins. Mais , c'est la période la plus romantique du personnage. C'est aussi un destin qui va s'achever sur une île magnifique, celle de Chios.
Jacques Coeur à ce moment est âgé d'environ 56 ans, ce qui est un âge avancé, même si il y avait parfois des centenaires au Moyen Age, il n'empêche que la moyenne de la vie au XV e siècle était de 25 à 30 ans en comptant bien entendu la mort des bébés et petits enfants. Mais 56 ans, c'est un âge de patriarche.
Jacques Coeur comme cela a été dit, après son évasion, va, avec l'aide de sa famille et de ses facteurs se retrouver à Rome où il est accueilli par le pape NicolasV.
Il reste à Rome et se voit confié par le pape suivant, une expédition contre les infidèles.
En effet, depuis le 14 mai 1453, date de la prise de Constantinople , c'est un sentiment d'effroi dans tout le monde chrétien qui prévaut.
La ville reine du monde avec ses remparts avait été livrée au pillage, les hommes massacrés ou envoyés en esclavage. L'Islam triomphait.
Vers une nouvelle croisade
Le conquérant était Mahomet II, il avait des forces considérables, dont plusieurs flottes de galères capables de faire la loi en méditerranée, et en particulier contre les navires marchands.
On disait Mahomet II à la fois cruel, déterminé, et il était terriblement ambitieux, il se voulait l'égal d'Alexandre ou de César, et voulait soumettre Rome.
Les papes, Nicolas V suivit celles de Eugène IV se lancèrent dès 1453 à une forte action diplomatique afin que la France et l'Angleterre cessent leur guerre et avec les princes d'Italie se consacrent avec leur or et leurs hommes à lutter contre les Turcs.
Le 30 septembre 1453, le pape proclame de manière très solennelle la croisade : il fallait préserver l'Occident de l'invasion turque.
Ce fut assez laborieux, les nations maritimes de l'Italie promirent 25 navires de guerre, alors qu'à Francfort, l'Empire promit une armée de fantassins.
Le 24 mars 1455 meurt le pape Nicolas V.
Un mois plus tard, un Borgia fut élu pape sous le nom de Calixte III.
Ce Calixte III, malgré un âge avancé ( 77 ans) déploya beaucoup d'énergie pour organiser une expédition. Il publie une bulle en mai 1455 pour appeler à la croisade qui devra partir le 1 er mars 1456. Il lança une campagne de quête, et récupéra 300 000 écus.Jacques Coeur repart pour le Levant
Et c'est dans ce contexte que Jacques Cur apparaît.
Là, les études et avis divergent.
Pour les enfants et la famille de Jacques Cur, l'ancien Argentier est au sommet des honneurs, et le pape lui confie l'expédition maritime contre les turcs.
Dans l'obituaire de la cathédrale de Bourges, les chanoines notent que Jacques Cur fut nommé " capitaine général " de l'expédition pontificale, Jean Yves Ribault affirme que c'est très exagéré.Pour Robert Guillot, En prenant au début de 1456, à 60 ans, une nouvelle fois après le voyage de 1432, la route du Levant, il entendait relancer ses affaires et peut-être aussi partager l'idéal de ces preux chevaliers qu'il admirait tant. Engagé dans une sorte de nouvelle quête du Graal, il allait trouver son tombeau au cours de cette ultime aventure.
Pour d'autres spécialistes, Jacques Cur fut l'organisateur de la diplomatie et des finances de l'expédition. Il prit comme d'autres la croix et est nommé " Expert pour préparer la croisade ".
Il a donc de réels pouvoirs et de fortes responsabilités.
Ainsi le 17 septembre 1455, comme le dit J. Heers, Jacques Cur accompagne le légat du pape Coëtivy en Provence , et avait mis 2 navires à sa disposition. Les deux hommes devaient prêcher la croisade, récupérer de l'argent (les dîmes), et Jacques Cur devait lui seul recruter l'ensemble des équipages. En particulier les capitaines en second, officiers des navires, galères et autres bâtiments.
L'armada du pape
Il semble que la flotte devait être armée en Provence où à Marseille mais il n'était semble-t-il pas question du commandement des navires pour Jacques Cur.
C'est ainsi que le 23 septembre 1455, ce sont 16 navires qui s'en allèrent en croisade sous la conduite du capitaine Pietro d'Urria, et cette première escadre comprenait 2 galées dites de Jacques Cur. L'ancien argentier ne prit pas la direction de cette armada.
Il semble que ces navires n'allèrent pas plus loin que Syracuse et ne firent aucune action contre les turcs.
La seconde flotte avait été placée sous les ordres d'un cardinal, Aloiso Trevisano d'Aquillée, il fut nommé " gouverneur général et capitaine " avec sous ses ordres Jacques Cur.
Il semble bien que Jacques Coeur était accompagné par un de ses fidèles, un vrai capitaine, du Berry, Gimar. Jacques Coeur pouvait être un capitaine de l'une des "galées" de cette armada.Enfin, troisième flotte, celle des galères construites par le pape à Tibre, et elles partent en mer le 11 juin 1456. Elles s'arrêtèrent à Ostie pour attendre les navires de Pise. Elles retrouvèrent les bateaux du roi d'Aragon à Naples.
L'armada du pape avait semble-t-il une trentaine de navires, de type assez varié.
Tous ces navires s'en allèrent pour la croisade, mais sans grands combats, et firent un long périple.
Les navires vont à Malte, puis c'est la Crète, et ils s'arrêtent à Rhodes où ils restent un certain temps, sans doute pour prendre de l'eau, mais aussi pour se reposer... ou réfléchir.
Puis, c'est une navigation en mer Egée, s'en allant d'île en île. De Lemnos, Thasos, ou Chio.Lorsque les navires arrivent à Chio, Jacques Coeur est débarqué, on n'en connaît pas la raison.
1456 : La mort de Jacques Coeur
Jacques Cur meurt le 25 novembre 1456 au début de cette croisade. Il fut " peut être inhumé dans l'église des franciscains à Chio ". dit Jacques Heers.
Comme l'indique l'obituaire du chapitre de la cathédrale de Bourges, confirmé par une bulle pontificale, Jacques Coeur est mort le 25 novembre 1456, à quelques encablures des côtes turques, dans l'ïle génoise de Chio.
Il y a donc plus de 550 ans.
Comme on peut le voir, la mort Jacques Cur demeurent aujourd'hui encore un mystère.
- On a dit qu'il avait été tué en mer lors d'un combat naval.
- On dit qu'il fut blessé dans un combat et il mourut plus tard à Chio.
- On dit qu'il fut malade et débarqué à Chio où il succomba.
En fait on n'en sait rien.
Toutes les hypothèses depuis 6 siècles ont été mises en avant, mort à Chio a la faveur des historiens, dont J Y Ribault, alors que J Heers est plus mesuré.A côté de cela circulent une foule de légendes, dont :
- Jacques Cur n'est pas mort à Chio, il a fuit et s'est retrouvé dans une île où il a refait sa vie et eu des enfants.
- Jacques Cur est revenu en France et a vécu à Cuers, où il serait enterré.Les recherches et études continuent encore aujourd'hui. C'est toujours un vrai mystère.
Il s'agissait de faire d'île en île des arrêts pour soutenir les populations locales, les aider à reconstruire leurs murailles et aussi à être, même en faible nombre une "force de dissuasion" vis à vis des Turcs.
La date du 25 novembre 1356 n'est d'ailleurs pas une certitude, pas plus que son inhumation dans l'église des franciscains. Robert Guillot apporte des éléments tout comme Jean Yves Ribault (conférence au Moulin de Voiselle le 16 novembre 2007).
Les raisons de sa mort sont totalement inconnues.Il a pourtant été écrit qu'il avait été blessé dans un combat et il serait mort de ses blessures.
D'autres auteurs ont ajouté qu'il était mort de maladie, après avoir reçu une flèche.Pour Jean Yves Ribault, la seule certitude, c'est que Jacques Coeur a été débarqué sur l'île de Chios, et à partir de ce fait, il envisage deux hypothèses :
- la première, c'est une blessure reçue lors d'un combat naval avec les turcs.
- la seconde, c'est la maladie, une personne affirmera ( lors des recherches sur place au XX e siècle) qu'il est mort de la peste à Chios.Bref, on n'a aucune preuve sur les causes de sa mort, sinon qu'il avait près de 60 ans, et que les années d'emprisonnement l'avaient particulièrement affaibli.
Donc blessure ou maladie, il n'en fallait pas beaucoup pour le précipiter dans l'au-delà.Les hypothèses sur la mort de Jacques Coeur par les documents :
Comme l'on ne sait rien de cette mort et de ce qu'est devenu le corps de Jacques Cur, les plus grandes supputations ont été écrites.
Il faut savoir que pendant longtemps, on n'a pas cru à cette mort de l'ancien argentier du roi Charles VII, sauf sa famille et les chanoines de la cathédrale. Son épouse Macée était décédée.
C'est d'ailleurs au XVII e siècle que La Thaumassière dans un écrit évoque le fait que Jacques Coeur aurait refait sa vie à Chypre, et aurait eu deux enfants. Cette hypothèse est bien dans la vision d'historiens qui ne voyaient dans cet homme qu'un illustre chevalier invincible, qui avait sans doute trouvé le Graal ou peu s'en faut, et qui ne pouvait pas être décédé, "bêtement d'une maladie, si loin de ses terres".Il faut noter aussi que dans les années 1930, une riche américaine, passionnée par Jacques Coeur voulait retrouver la tombe de l'argentier, et elle écrira au maire de Bourges Henri Laudier afin que celui-ci intervienne.
Laudier enverra plusieurs courriers à l'ambassadeur de France à Athènes afin de savoir où pourrait être l'emplacement de la tombe de Jacques Coeur sur l'île de Chios.Dans les années 1990 et 2000, une autre hypothèse va trouver corps, c'est celle de Joëlle de Oldenbourg, qui suit les aspects ésotériques du personnage et qui a trouvé dans une petite église du Sud de la France, très exactement à Cuers, des éléments intéressants pouvant sans doute faire penser que Jacques Coeur aurait pu revenir en Provence, il y aurait vécu ses dernières années et aurait été enterré dans cette église.
En 2010, une étude sur Cuers par Hervé Hardouin va préciser les éléments, démontrant que sous cette église aurait été enterré Jean de Gantès, et les armoiries retrouvées sont celles d'une grande famille provençale de Cuers, avec une longue lignée de Henry de Cuers à Jacques de Cuers ou encore Pierre de Cuers.
Ce sont des éléments intéressants, qui ont été rendus publics par M. Hervé Hardouin, lors d'une conférence au palais Jacques Coeur en novembre 2010 et que nous nous sommes permis d'écrire.
Mais aucun document ne permet d'aller plus loin.
Les sources actuelles sur la mort de Jacques Coeur :
Il faut donc revenir à ce qui est certain sur la mort de Jacques Coeur à partir des documents les plus proches de 1456. Ils sont de plusieurs ordres :
1/ On connaît un procès fait au Parlement de Paris dans lequel furent jugés des Génois. Ces derniers étaient en conflit sur le plan juridique avec des commerçants de Paris. Et au cours de ce procès, les génois parlèrent de Jacques Coeur qui avait dirent-ils enterré sur l'île de Chios avec tous les honneurs dus à son rang, ils l'auraient inhumé, comme si cela avait été un des leurs.
2/ Un des rares témoignages sur cette mort et le lieu où Jacques Cur a pu être inhumé, vient d'un récit de Jean d'Authon qui s'est rendu sur les lieux en 1501, c'est à dire 44 ans après la mort de Jacques Cur.
Il dit simplement " auquel lieu est pareillement en sépulture Jacques Cur dedans le milieu du chur de ladite église".
Cette église des Cordeliers sera détruite par les Turcs, on n'en sait pas plus, et l'hypothèse la plus sérieuse, c'est que les restes de Jacques Cur ont sans doute été dispersés ou mis dans une fosse commune. Sur ce dernier élément, nous ne savons rien.
Pour Jean Yves Ribault, la tombe porterait ces mots : Hic jacet Jacobus Cordis ce qui signifie Ici gît Jacques Coeur.3/ Une certitude toutefois, en 1467 nous dit Jacques Heers, on a retrouvé une demande de Henri Coeur, le fils, qui avait envoyé au pape Pie 2, la permission d'aller en pèlerinage à Jérusalem et de revenir par l'île de Chios afin de ramener en France le corps de son père, afin de lui donner sa dernière sépulture à Bourges.
Dans sa réponse le pape fait allusion à des combats contre les turcs ce qui est intéressant. il écrit en effet
inibi actibus bellicis contra eosdem Infideles insistendo.Par contre ce pèlerinage ne va pas avoir lieu, sans que l'on en sache davantage, mais Michel Mollat note que "l'occupation de l'île par les Ottomans ne permettait ni l'exhumation , ni le transfert du corps, s'il avait pu être retrouvé".
Il serait logique de penser que Henri Coeur n'a pas pu aller à Chios tout simplement parce qu'il est mort, avant ou pendant le voyage, mais aucune date n'a été avancée dur cette partie de l'énigme.La seule trace de l'époque date de 1501, c'est à dire 50 ans après les faits, et c'est un visiteur, Jean Auton, qui passe à Chio et note " Auquel lieu est pareillement en sépulture Jacques Cur dedans le milieu du cur de ladite église ".
Autre chose, en 1467, le fils de l'argentier, Jean Cur obtient du pape l'autorisation de ramener le corps de son père et il dit que ce corps est enterré " dans un lieu de Grèce appelé Chio ".
Devant les incertitudes de la mort de Jacques Coeur, que peut on attendre ? C'est assez difficile à savoir.
On peut penser qu'il existe un document, une sorte de rapport des responsables de l'armada du pape. En rentrant, le cardinal a très certainement écrit au pape les grandes étapes de son expédition, et ce document s'il existe est très certainement dans les archives du Vatican.L'autre document qui serait intéressant, c'est le testament de Jacques Coeur. Un personnage comme l'argentier ne pouvait pas partir ainsi sans avoir fait son testament.
Enfin, son plus jeune fils, Ravan, qui était avec lui à Rome, a disparu et nous ne connaissons rien de son existence à partir de ce moment.
La mort de Jacques Coeur par les auteurs médiévistes
Quelques compléments issus de la littérature mais qui ne font pas avancer la recherche sur la mort de l'Argentier.
Pour Edmond Jongleux, il est mort à Chios malade, son corps ayant été transporté à Mytilène.
Pour Poulain, Jacques Cur fut grièvement blessé lors d'un combat naval à l'automne 1456, et il fut débarqué à Chios où il mourut. Son corps fut enterré dans le chur de l'église des Cordeliers.
On peut ainsi continuer longtemps sur ce chapitre, j'ai même lu que le tombeau de Jacques Cur avait disparu au cours d'un tremblement de terre sur l'île de Chios ainsi que son corps.Dans un article de décembre 1956, Anatole de Meibohm s'en va à Chios sur les traces de Jacques Cur. Il évoque la croisade de Calixte III qui est bien seul en occident pour aller combattre les Turcs.
Il dit que la flotte est composée de 25 navires dont 16 galères, avec 5000 soldats, 1000 matelots et 300 canons. Que le financement a été fait par Jacques Cur, et de se demander où il a trouvé l'argent pour une telle expédition?
Jacques Cur est nommé "Capitaine Général de l'Eglise contre les Infidèles". La flotte est sous le double commandement de Jacques Cur et du cardinal Scarampo. Elle part en avril 1456.
Quelques batailles et la flotte occupe les îles Lesbos, Samothrace et Thassos où elle est reçue par les grecs sans beaucoup d'enthousiasme.
On note dit-il une victoire à Lesbos et c'est ensuite Chios.
Jacques Cur meurt. Il est enterré dans l'église des Cordeliers de Chios, au milieu du chur.
Jean Thévenot visita Chios en 1656 puis Joseph de Tournefort en 1701 sans apporter beaucoup d'éléments. "le dôme de la cathédrale est devenu une mosquée, les autres églises ont été abattues".
Un grand tremblement de terre à la fin du siècle dernier a fait disparaître les dernières ruines, aujourd'hui, un parc public est situé sur leur emplacement.
L'église où l'on enterrait les français se trouvait à 500 pas, SW de la porte dite "castro". L'église des Cordeliers devait se trouver au milieu du parc en vis à vis de l'Hôtel de Ville.
Enfin, lorsqu'un personnage comme Jacques Cur, si riche, un peu alchimiste disparaît si loin de son pays, la légende, belle légende prend forme. Et c'est ainsi que pour beaucoup, Jacques Cur n'est pas mort à Chios, il s'est tout simplement retiré dans l'île de Chypre où il avait refait fortune, il s'était à nouveau marié avec une dame Théodora qui lui avait donné deux filles qu'il avait fortement doté . Et ainsi de suite......
Entre Jean Valjean et Edmont Dantès, cette fin et ce renouveau de Jacques Cur plaît beaucoup et permet de terminer le rêve.
Comment retrouver le tombeau de Jacques Coeur ?Deux hypothèses dans la recherche du tombeau de Jacques Coeur. La première c'est la plus classique : il a été enterré sur l'île de Chios, c'est aussi la théorie la plus probable. La seconde c'est l'église de Cuers, théorie qui rassemble de moins en moins d'adeptes.
Pour Chios, deux éléments importants :
- Bien entendu, la visite à Chios d'Anatole de Meibohm, qui est allé sur l'île et dans un article court du journal Le Monde, du milieu du XX ième siècle, il est écrit que "l'Eglise des Cordeliers exista jusqu'au terrible massacre de Chios et au tremblement de terre. Peu à peu ses ruines disparaissent et au début de ce siècle font place à un jardin public."
L'article poursuit :
" C'est en consultant les diverses descriptions de Chios faites par les anciens voyageurs qu'Anatole de Meibohm a pu retrouver l'emplacement exact du tombeau de Jacques Coeur. Tout près de celui-ci : le tombeau d'un grand héros grec, Kanaris."
- Second élément, le professeur Robert Guillot, un des derniers grands spécialistes de Jacques Coeur est allé en 2005 à Chios, et lui aussi il a cherché les traces de ce tombeau, dans les archives et auprès des spécialistes locaux.
La présence du tombeau "était inconnue des milieux intellectuels de l'île, que ce soit dans la bibliothèque ou auprès des historiens. Et le consul de France, madame Isabelle Kergoat n'était pas plus au courrant et le nom d'Anatole de Meibohm ne disait rien à personne".
Un bilan décevant pour reprendre l'expression de Robert Guillot, mais tout n'est peut être pas perdu.
- D'autres recherches se poursuivent ...
Selon certaines sources, cette Eglise des Cordeliers serait devenue une église appelée Saint Nicolas, reconstruite sur les ruines de la précédente.Ce qui est sur la pierre tombale de Jacques Coeur :
Selon nos informations, et d'après les voyageurs qui ont pu la voir au cours du XV ième et XVI ième siècle, il était écrit de manière fort simple :Hic jacet Jacobus Cordis
ce qui signifie
Ici gît Jacques Coeur
La situation en 2014
Les recherches et études continuent encore aujourd'hui. C'est toujours un vrai mystère, sachant que l'hypothèse la plus probable est bien la mort à Chio dans des circonstance que nul aujourd'hui ne connaît.
Dans l'ouvrage " Le Grand Coeur ", Jean Christophe Rufin signale que Jean François Deniau avait eut l'intention de faire des recherches sur le lieu de l'inhumation de l'Argentier :
" ... Un moment, j'ai eu le projet de faire revenir sa dépouille de l'île de Chios où il est mort. J'en avait parlé à Jean François Deniau, qui l'aimait beaucoup et que le projet enthousiasmait comme toutes les missions impossibles : il ne subsistait en Grèce ni dépouille, ni sépulture. "
Enfin, Philippe Charlier, médecin légiste et spécialiste de pathographie a écrit plusieurs ouvrages et c'est lui qui a permis de percer plusieurs mystères sur Agnès Sorel, Jeanne d'Arc ou Henri IV, et dans un ouvrage " Le roman des morts secrètes de l'Histoire ", il écrit un chapitre sur Jacques Coeur :
" En avril 2009, munis des autorisations en bonne et due forme .... nous avons exploré avec le prince Michel de Grèce deux monuments religieux pouvant correspondre à l'ancienne église perdue des Cordeliers sur l'île de Chios. "
Et les deux hommes, accompagnée d'une jeune guide vont voir l'Eglise Saint Nicolas " dont le sacristain indiqua la présence de ruines dans le sous-sol, et notamment de tombeaux, sans pouvoir se souvenir d'un quelconque nom ; malheureusement l'unique trappe permettant de rejoindre ce sous-sol avait été murée et recouverte de carrelage modernes quelques jours seulement avant notre arrivée... "
Le second lieu possible était la chapelle Saint-Eustache reconvertie en centre d'exposition, et là encore, " un carrelage moderne dont les joints sont à peine secs .... Que se trouve-t-il dessous ? Mystère, il faudra revenir et creuser ".Ainsi Jacques Coeur conserve son mystère et comme tout adepte, il conserve ses secrets, celui du Grand Oeuvre comme celui de sa mort.Histoire de Jacques Coeur en 100 pages
Dans lCETTE CONFERENCE DU PROFESSEUR ROBERT GUILLOT EN MAI 2003, AU PALAIS JACQUES COEUR s'intitulait "JACQUES COEUR, LES DOCUMENTS D'ABORD", dans le cadre des Conférences des Amis de Jacques Cur.avec le soucis de reprendre avec précision ce que nous disaient les documents authentiques.Je suis heureux de vous saluer ce soir ; c'est évidemment un honneur pour moi d'être accueilli ici dans la maison de l'Argentier par monsieur Buisson et d'y prendre la parole à l'invitation de madame Narboux.
Je voudrais d'abord m'expliquer sur le choix de cet intitulé : "Jacques Cur, les documents d'abord".
Je partirais de 2 constats : le premier concerne la démarche même de l'historien ; pour dire cette chose le plus simplement possible cette démarche procède d'une confrontation entre une série d'hypothèses forcément subjectives, un modèle lié aux idées du temps et les documents authentiques, les sources de l'historien.Les sources de l'historien,
L'important c'est de ne pas tordre les sources pour conforter l'image que l'on se fait de tel personnage ou de telle situation. Le deuxième constat, c'est l'insuffisance documentaire que nous allons rencontrer d'une manière générale au cours du Moyen Age.
Il y a une formule de Georges Duby qui est très bonne, que je citerais volontiers c'est celle-ci, Georges Duby écrit :
"Les documents dont disposent les médiévistes sont comme les épaves surnageant d'un complet naufrage".
Cette formule est tout à fait exacte en ce qui concerne Jacques Cur, et cette insuffisance documentaire est restée longtemps particulièrement flagrante au point d'avoir découragé d'éminents spécialistes du XV e siècle d'entreprendre une étude scientifique de l'Argentier.
Je prendrais quelques exemple pour illustrer cette déficience, d'abord premier exemple: De la correspondance d'affaire de Jacques Cur nous ne connaissons qu'une dizaine de lettres autographes et dans le document 2.
Vous allez pourvoir apercevoir une partie d'une de ces lettres et ce qui est intéressant d'observer ici, c'est la qualité de la signature de Jacques Cur. On pourra la comparer tout à l'heure à la signature du roi Charles VII.
Ensuite, autre élément, les pièces originales de son procès sont perdues, alors que les pièces du procès de Jeanne d'Arc, sensiblement contemporain, sont connues par les traces qui ont été recueillies au moment du procès de réhabilitation en 1456.Au total jusque dans les années 1950 la moisson que l'on trouvait était particulièrement mince, qu'il s'agisse des écrits de Jacques Cur, de ses propos, de la conduite de ses affaires ou des témoignages directes sur sa personne.
Quelle explication donner ?
Et bien le déficit documentaire se situait d'abord aux sources, c'est à dire que Jacques Cur écrivait peu ; par exemple il n'y avait pas de registre pour la tenue des comptes d'exploitation des mines du Lyonnais, mines de plomb argentifère, mines de cuivre à l'époque de Jacques Cur.
Jacques Cur se déplaçait lui-même et venait vérifier sur place si les choses allaient bien, c'est un premier élément. Un deuxième élément, toujours à l'origine c'est que dès la nouvelle de son arrestation, ses familiers, ses commis ont dissimulé des lots extrêmement importants de papiers d'affaires soit à Montpellier même, soit et c'est plus grave pour nous, à l'extérieur , c'est à dire que des quantités énormes de documents ont été expédiés à Barcelone ou à Marseille qui n'était pas dans le royaume ou à Naples, par des gens extrêmement dévoués, des facteurs dont nous retrouverons tout à l'heure les noms, je voudrais citer déjà deux d'entre eux, Jean de Village qui est bien connu chez vous ici, et par exemple aussi Antoine Noir.Donc tout ça concerne l'époque de Jacques Cur, mais beaucoup plus importantes aussi les difficultés qui sont apparues à cause des malheurs des temps et dans ce domaine des catastrophes se sont abattues, sur ce qui pouvait rester des archives de Jacques Cur. La première, vous la connaissez bien, c'est l'incendie à Bourges de 1487 qui a détruit toute une partie de la ville et qui a entraîné la perte d'archives municipales qui auraient été très précieuses. Autre élément dont il faut tenir compte, plus près de nous cette fois-ci, c'est en 1871 ici même à Bourges la destruction d'archives de l'archevêché, et surtout à Paris l'incendie du bâtiment de la Cour des Comptes au moment de la Commune en 1871, or, il se trouve que c'est vers cette juridiction, qu'avait été dirigés des lots extrêmement importants de documents venant de l'Argenterie de Tours.
Et le malheur a continué, car ce qui pouvait subsister et qui restait de la Cour des Comptes avait été déposé dans les caves du pavillon de Marsan or, l'inondation de la Seine en 1910 est passée par là .Et donc a achevé de détruire ce qui était conservé.
Eut égard à ces conditions finalement très difficiles, la question qui se pose est donc la suivante: comment approcher l'Argentier dont nous avons les armes parlantes, cur et coquille saint Jacques dès l'abord de la maison et on va le voir dans le documents 4.
Vous verrez en sortant, les curs qui sont disposés tout au tour du marteau ainsi que les coquilles. D'ailleurs le marteau n'est plus celui que nous connaissons maintenant il a disparu. En schématisant, on pourrait identifier finalement dans l'historiographie de Jacques Cur, deux grands courants que je vais aborder.
Le premier courant est représenté par les récits, les romans historiques, l'évocation finalement d'un destin romanesque qui fait appel à l'imaginaire et au merveilleux ; je rangerais dans cette première série ce que nous savons des légendes, ensuite les romans historiques, la création théâtrale qui est importante, enfin je dirais un mot de l'ésotérisme.
En ce qui concerne la légende, de multiples légendes ont couru à propos de Jacques Cur, ici même je crois que Honoré de Balzac a recueilli une légende mettant en évidence des souterrains conduisant de l'Hôtel Jacques Cur où nous sommes jusqu'à une tour située à l'extérieur, mais je voudrais , plutôt puisqu'elle me semble plus intéressante, vous relater une légende recueillie en Roannais où Jacques Cur avait des biens importants et vous verrez que cette légende est tout à fait teintée d'actualisation en quelque sorte. La voici :
."Jacques Joli Cur", on l'appelle ainsi, fils d'un marchand de laine de Bourges ayant entrepris de faire son tour de France, s'arrête un jour dans la Côte roannaise dans une petite bourgade qui s'appelle Saint Haôn le Châtel ; là il apprend que près d'un grand étang, le grand étang de Boisy, vivait un serpent dont la tête s'ornait d'une bague magique, qu'il quittait chaque soir. Dissimulé dans un tonneau, nous sommes dans un pays viticole, Jacques s'empare de cet anneau qui changeait en or tout ce qu'il trouvait ; il devint très riche. Il fit construire le château de Boisy, faisait naviguer des bateaux sur la Loire et creuser des mines pour trouver encore plus d'or jusqu'au "moment catastrophe" ou le roi devient jaloux de sa fortune, promet de grandes récompenses, et vous allez voir la petite touche d'anticléricalisme, promet de grandes récompenses aux moines d'un bourg voisin celui d'Ambierle si on lui livrait Jacques Cur ce que les moines firent après s'être emparés de Jacques Cur par trahison évidemment.
Voilà une légende qui illustre ce premier élément.Pour l'essentiel, ce premier courant est représenté par de multiples récits ou romans historiques, on m'a dit qu'il y en avait des dizaines, répétés, recopiés à travers les temps. Ils s'alimentent à une sorte de vulgate qui a pris naissance au XVIII e siècle à partir de chroniques du XV e siècle et de fonds de jurisprudence. Ce courant charrie évidemment beaucoup d'approximations je vous en donne quelques unes, la première qu'il faut dénoncer avec une certaine vigueur, c'est celle de Grand Argentier. Surintendant des finances, grand banquier, prince des marchands, fils d'un orfèvre de Bourges, un grand bourgeois victime de l'absolutisme, d'un procès inique...
Grand Argentier ou Ministre des finances ?
Grand Argentier ou Ministre des Finances, Surintendant des Finances, nous verrons plus tard ce qu'il en est. Autre déviation, qui a eu cours pendant très longtemps, c'est l'idée que Jacques Cur était un personnage sans aucune éducation, à partir d'une formule d'un chroniqueur du XV e siècle, Thomas Basin.
Autre déviation qu'il faut dénoncer, concernant la fin de Jacques Cur, c'est à dire ses séjours dorés après la croisade, à Chypre épousant une princesse grecque etc.Au total, vous voyez des polygraphes qui n'apportent pas grand chose à la connaissance véritable de Jacques Cur. Alors cela produit des ouvrages agréables à lire, tout à fait d'accord. Mais éloignés des sources authentiques et dans lesquels la subjectivité l'emporte très souvent avec les dérives inévitables que je viens de citer.
Beaucoup plus intéressant à mon avis, pour moi, c'est la création théâtrale,
La création théâtrale
Et il se trouve que Jacques Cur, par son destin dramatique, ses épisodes extraordinaires a suscité l'intérêt d'auteurs dramatiques et vous êtes biens placés ici à Bourges pour le savoir, puisque la pièce d'Audiberti, "Cur à Cuir" a été créé ici même à la comédie de Bourges avec Gabriel Monnet que vous allez voir dans le document 6.
C'était en 1967, Gabriel Monnet en Jacques Cur montrant à son épouse Macée de Léodepart les plans du Palais.
Puis il y a eu une autre création théâtrale en 1990 ; un auteur méridional cette fois-ci, Guy Vassal, du Théâtre Populaire des Cévennes a monté ici à Bourges une pièce intitulée tout simplement "le procès de Jacques Cur". Avec un certain succès.J'arrive maintenant au quatrième point de cette première grande série d'approches de Jacques Cur, c'est l'ésotérisme.
Je dirais que là, c'est une autre paire de manche parce que l'ésotérisme part de documents, effectivement, mais aboutit à des conclusions qui ne sont pas acceptées par tous les historiens. Il faut dire que par son caractère secret, son goût des symboles, Jacques Cur peut très bien se prêter à de telles interprétations. Elles ont été abordées par des propositions d'explication de l'emblématiques des demeures de Jacques Cur par des auteurs comme Christiane Paloux ici même à Bourges et quelques autres.
Alors je donnerais seulement un exemple pour illustrer cet aspect là des choses, c'est un sigle qui est resté à la fois énigmatique et célèbre et qui apparaît dans la pierre à l'Hôtel Jacques Cur, qui apparaît également dans un vitrail de la sacristie de la cathédrale, c'est ce sigle RG.
Il se trouve que nous le connaissons également dans la description de la décoration de la chambre même de Jacques Cur à l'étage, c'est à dire l'ensemble de taffetas brodé et nous connaissons cette description de la chambre et de sa décoration grâce au témoignage de celui qui avait la charge de gérer les affaires de l'Hôtel et qui témoigne devant quelqu'un dont nous allons beaucoup reparler et qui est le procureur du roi qui était chargé de mettre la main sur les biens de Jacques Cur, il s'agit de Jean Dauvet.Ce sera l'occasion de voir ce qui est un des documents essentiels pour la connaissance de Jacques Cur, c'est à dire le journal du procureur Dauvet. Donc c'est le document N° 5.
Je vous indique l'emplacement du "RG" et là commence la déposition que je vais vous lire. La déposition de ce dépensier de l'Hôtel Jacques Cur qui s'appelle Guillot Tipault et non pas Trépan comme on a pu le dire. Voilà ce qu'il déclare :
" interrogé sur ce qu'est devenu une chambre de taffetas rouge, brodée à RG, et à angelote, il dit qu'il "a bien vu autrefois en l'hôtel et fut porté à Rome" (ce fut la grande ambassade de 1448 ) et depuis il fut rapporté en son dit hôtel et fut tendu aux noces de maître Jean Thierry dans la chambre des Galées". En dehors de ce RG sur lequel je m'explique dans un instant, il y a aussi un élément très important qui concerne la manière dont s'établissait une confiance extrême entre Jacques Cur et certains de ses commis, Jean Thierry était l'un de ses clercs et la noce a été célébré ici dans l'Hôtel même de son patron.Alors que dire sur "RG"
On peut dire à peu près ceci, c'est que la plupart du temps on l'interprète comme le sigle de "Réal Guerdon" c'est à dire "protection royale" ou "royale récompense" mais les alchimistes estiment que l'on peut aussi le décrypter comme "Recipe G" c'est à dire "prend G", G étant le symbole de la matière première de l'alchimiste, c'est à dire l'antimoine.
Toujours est-il que de fait, le milieu des alchimistes n'était pas inconnu de Jacques Cur, et on peut se référer ici à une lettre dont l'original est perdu, lettre dans laquelle Jacques Cur relate la fabrication nocturne de lingots d'or à partir de laiton doré à l'hôtellerie de l'Homme Sauvage à Saint Benoît sur Loire.
Il y avait donc des contacts aussi avec le milieu des alchimistes.J'en ai terminé avec ce premier courant dans lequel je ne me situe pas vraiment, vous l'avez compris.
L'autre courant, bien affirmé à partir du milieu du XIX e siècle a été alimenté par des informations fournies par la recherche de documents de première main. Laquelle constitue la première étape de la méthode historique. Et il faut voir dans cette recherche l'influence de l'Ecole des Chartes (1821) qui a produit un certain nombre d'ouvrages dont la base archivistique est certes incomplète, mais qui était parfaitement solide, je citerais seulement un nom, qui est celui du marquis Du Fresne de Beaucourt, c'est à dire un des grands historiens de Charles VII.
Dans le cas de Jacques Cur l'exploration des archives s'est poursuivi dans ce milieu du XIXe siècle mais elle a été rendue très difficile pour 2 raisons : d'abord la dispersion des biens de l'Argentier depuis Bruges jusqu'à Montpellier, depuis la vallée de la Loire jusqu'à Genève et d'autre part surtout la multiplication de ses intérêts dans l'ensemble du bassin méditerranéen, depuis Damas jusqu'à Barcelone en passant par Alexandrie, RhodesDonc il y a eu un très long processus d'exploration et dans ce processus un véritable tournant a été réalisé avec la publication du journal du procureur Dauvet par M. Mollat qui était alors professeur à la Sorbonne.
Ce journal tenu par le procureur du roi au Parlement de Paris qui a procédé pendant 4 ans çà la saisie et à la vente des biens de Jacques Cur a cela représente un millier de pages qui alimentent pratiquement toutes les recherches que nous pouvons faire maintenant sur Jacques Cur et qui alimente la synthèse que M. Mollat a publiée et vous allez voir que le délai est immense, 1952 la publication de Jean Dauvet, il a fallut plus de 30 ans à M. Mollat pour arriver à cette synthèse qui date de 1988 et qui est ce livre, connu et apprécié: "Jacques Cur où l'esprit d'entreprise au XV e siècle".Je voudrais citer un exemple qui est particulièrement significatif et intéressant c'est la découverte de l'inscription de Jacques Cur de son principal facteur, de son alter ego, Guillaume de Varye et de l'un des fils de Jacques Cur, Ravant, à l'art de la soie, vous savez que nous disons la corporation à partir du XVIII e siècle, l'art de la soie de Florence qui est l'un des 6 arts majeurs de la ville, c'est à dire qui avait une importance politique dans cette ville de Florence.
Au plan local d'autres avancées ont été réalisées, et je voudrais rendre hommage ici à Monsieur Jean Yves Ribault à la fois pour les avancées qu'il a fait réaliser dans la connaissance du milieu familial de l'Argentier, pour le repérage de ses biens à Bourges, ainsi que pour la mise en évidence de ses relations avec les Chapitres de la Cathédrale et de la Sainte Chapelle enfin la description de l'ambiance culturelle qu'il a connu.De cette ambiance, nous avons le reflet avec le décor même de cette grande maison qui constitue une autre source documentaire importante, à rapprocher de l'uvre de deux miniaturistes, enlumineurs, d'abord, issus de votre Ville, Jean Colomb, et le tourangeau Jean Fouquet.
C'est précisément dans les actes de ce procès et dans la condamnation que se trouve le gisement documentaire, donnant l'éclairage le plus précis sur le personnage et ses affaires.
Pour ma part, j'ai été suffisamment heureux pour retrouver aux Archives du Duché de Roannais, donc à Roanne, une copie des derniers interrogatoires de Jacques Cur à Tours au début de 1453.
Et pour pouvoir exploiter aussi pour la première fois les registres d'audience et les procès verbaux d'adjudication dans la juridiction chargée du domaine du roi, la Cour du Trésor.Nous avons maintenant la possibilité de tester un peu plus sûrement un certain nombre d'hypothèses, de cerner des réalités. De cette confrontation devraient ressortir les réponses à 3 grandes séries de questions :
D'abord, quels sont les fondements d'une telle réussite ? A-t-on à faire à un entrepreneur de grande envergure ? A un grand commis du pouvoir royal ?
Quelles sont les raisons de la catastrophe de 1451, de sa brutalité,Et enfin comment caractériser les formes prises par son procès ?
Et bien la réussite de Jacques Cur qui fait de lui l'homme d'affaire le plus important du Moyen Age français paraît s'inscrire assez précisément dans le cadre du relèvement du Royaume vers la fin de la guerre de 100 ans, c'est à dire que nous avons à introduire ici une périodisation.
Alors périodisation, ça veut dire que je suis amené à citer un certain nombre de dates, enfin, elles se tiennent entre deux événements que vous connaissez tous depuis l'école primaire, le premier, c'est la délivrance d'Orléans, par Jeanne d'Arc en 1429, (8 mai) et le deuxième, c'est la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, et un hasard de l'Histoire veut que ce soit également le 29 mai, la date de condamnation de Jacques Cur.Jacques Cur de 1429 à 1453
Cette périodisation permet d'introduire une première phase avec pour terme les années 1440.
Jacques Cur a alors 40 ans, et il vient d'être nommé à la tête de ce service financier de l'Hôtel du roi que l'on appelle l'Argenterie. On l'appelle donc l'Argentier mais il n'a rien à voir avec un ministre des finances.Que peut-on retenir de ses activités jusque là ? Pour l'essentiel, nous le voyons tenter sa chance dans la fabrication des monnaies, et des premières tentatives intéressantes dans la marchandise.
Il se trouve que son nom apparaît pour la première fois dans les documents en 1429, qui est donc l'année du sacre de Charles VII. Il s'agit d'une grâce royale qui a été accordée pour une fraude dont Jacques Cur et trois associés se sont rendus coupables lors de la frappe de monnaies royales à l'atelier monétaire de Bourges dont ils étaient les fermiers. Ils étaient les fermiers de cet hôtel des monnaies qui appartenait à l'évêque de Clermont..
Cet épisode d'ailleurs ne remet pas en cause les fonctions de Jacques Cur puisqu'il garde la maîtrise de cet atelier jusqu'en 1436 avant un court passage à la monnaie de Paris, qui venait d'être libérée de l'occupation anglaise. C'est le premier aspect.
Le deuxième aspect, c'est que nous le retrouvons comme partenaire de marchands de Bourges, ce sont les frères Godart dans une société commerciale pour la fourniture de la cour du roi qui était installée en cette ville : il s'agissait de marchandises de luxe et de produits importés du Levant. Lui-même avait fait en 1432 le voyage du Moyen-Orient en compagnie de marchands languedociens. Nous sommes renseignés sur le naufrage du retour devant Calvi et d'une manière très inattendue, nous avons un témoignage sur son passage à Damas, dans le récit d'un écuyer du duc de Bourgogne Philippe le Bon qui avait été envoyé par son maître dans cette région, au moment où il y avait déjà des bruits de croisade et cet écuyer s'appelle Bertrandon de la Broquière document 9Le duc de Bourgogne qui est en train d'assiéger une ville du nord de la Côte d'Or (Aube), un peu avant la signature de la paix d'Arras qui met fin au conflit entre le roi et le duc de Bourgogne et il reçoit de ce Bertrandon de la Broquière dont le costume oriental est particulièrement frappant, vraisemblablement le récit qu'il a fait de son voyage et sans doute le volume du Coran (miniature de Jean Le Tavernier de 1456) et voici ce qu'il déclare :
" Quant nous fûmes venus à Damas, nous y trouvâmes plusieurs marchands français, vénitiens, génois, florentins et catalans, entre lesquels il y avait un français nommé Jacques Cur qui depuis a grande autorité en France et a été Argentier du roi".
Lequel nous dit que la galée de Narbonne sur laquelle Jacques Cur avait navigué, qui était allée en Alexandrie et devait revenir à Beyrouth, aidait lesdits marchands français pour aller acheter denrées comme épices et autres choses pour mettre en ladite galée".De cette période de formation et d'exploration des conditions du grand commerce qui se clos au moment où la paix d'Arras en 1435 entre la France et la Bourgogne, commence à faire sentir ses effets nous pouvons retenir un certain nombre de caractéristiques, 2 ou 3 qui sont les suivantes :
D'abord apparaît déjà chez Jacques Cur l'art de profiter des positions déjà acquises par ceux avec lesquels il s'associe, c'est le cas de la monnaie de Bourges, c'est le cas de ces marchands languedociens.
Ensuite, c'est le soucis d'atteindre le plus directement possible les lieux en approvisionnement en marchandises coûteuses
Et enfin le troisième aspect qui va perdurer c'est le cumul des fonctions publiques ou para publiques et du négoce.
Jacques Cur de 1440 à 1450
Si l'on vient maintenant à la deuxième partie, c'est à dire 1440 - 1450 ce qui frappe d'abord, c'est en un temps très court, l'ascension fulgurante de celui que l'on appelle dorénavant Monseigneur l'Argentier. Il est annobli en 1441, puis entrant au Conseil du souverain et il se présente de plus en plus comme l'homme du roi.
L'homme du roi, je pense qu'il ne serait pas mauvais dans cette année anniversaire de 1403, de s'arrêter un instant sur l'étonnant destin aussi de Charles VII.Charles VII était l'avant dernier fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière vous vous souvenez qu'il était compromis dans l'assassinat du duc de Bourgogne Jean Sans Peur en 1419, qu'il avait été déshérité et banni par le traité de Troyes conclu avec les anglais, entre Philippe le Bon et le roi d'Angleterre Henri V en 1420 . Il ne conservait plus guère que le tiers du royaume à l'issue de l'aventure de Jeanne d'Arc. Cependant en une dizaine d'années, ce prince, velléitaire et sceptique va faire place à un souverain particulièrement actif, ordonné et méthodique, on a dit souvent un autre Charles V.
Alors, au contraire de Jacques Cur, ses traits nous sont parfaitement connus et je vais vous les monter dans quelques documents. Le premier, dans un document n° 10 représente à une date précise et bien connue, c'est le 8 juin 1442, c'est au début d'une première tentative de reconquête de la Guyenne, l'entrée solennelle du roi à Toulouse où sont réunis les Etats du Languedoc, on aura l'occasion de dire que la monarchie tire une partie extrêmement importante de ses revenus du Languedoc, donc le roi très souvent se déplace et là, il fait cette entrée solennelle
Deux remarques à faire, la première c'est que nous avons un véritable portrait et vous voyez la longueur du nez de Charles VII que nous reverrons tout à l'heure, et la deuxième caractéristique, c'est cette entrée à grand spectacle qui prend la dimension d'une cérémonie liturgique. Le roi a été sacré à Reims le 17 juillet 1429 où il a reçu l'onction qui le rend légitime ; il s'avance sous un dais rouge qui rappelle tout à fait celui qui protège le Saint Sacrement lors de la procession de la Fête-Dieu et il est entouré ici par le les "capitouls" de Toulouse donc des gens de l'administration municipale , manteau traditionnel, mais ce qui est intéressant ici, c'est que parmi ces "capitouls", figure vraisemblablement un personnage dont nous allons reparler : c'est un des ennemis jurés de Jacques Cur, un florentin établi à Toulouse, il y est "capitoul" et s'appelle Otto Castellani .
La bataille de Formigny
L'événement que l'on pourrait retenir comme véritable symbole de la renaissance et du relèvement du royaume, c'est une bataille dans le fond qui passe inaperçue c'est la bataille de Formigny près de Bayeux, dans la reconquête de la Normandie le 15 avril 1450 et qui est une sorte d'Azincourt à rebours puisque les pertes anglaises ayant été estimées à 80% des effectifs engagés, 4000 tués, 1500 prisonniers c'est considérable. Ce succès éclatant qui permet le recouvrement de la Normandie était du à la capacité du roi à maîtriser les atouts dont il pouvait disposerr. Ces atouts étaient de deux ordres face à un camp anglais un peu désorganisé, et où les garnisons étaient un peu émiettées, pas très nombreuses, mal payées, parce que le Parlement de Londres rechignait et mesurait chichement son aide.
Charles VII pouvait compter à la fois sur des ressources et des hommes particulièrement substantiels ce qui lui a permis finalement de l'emporter sur une monarchie qui n'est plus la monarchie d'Henri V Lancastre le vainqueur d'Azincourt mais qui était déjà une monarchie contestée par la maison d'York, avec Richard duc d'York. Nous sommes à la veille de la fameuse guerre des deux roses en Angleterre.
Les ressources, et bien les recettes annuelles de la couronne montent à ce moment là à peut près trois millions de livres tournois. Ceci grâce à trois impôts permanents, les aides, la gabelle, la taille et les subsides votés par les Etats provinciaux, avec pour pourvoyeur principal, notamment les états de Languedoc et je dirais au passage que quelqu'un en a profité, pas seulement Jacques Cur mais avant lui et pour le bien du patrimoine, c'est le duc de Berry évidemment, Jean de Berry, qui était Lieutenant général en Languedoc.
Donc des ressources, des hommes, il y a d'abord, profitant des Trêves avec l'anglais qui se situe entre 1445 et 1449, la mise en place d'un début d'armée permanente avec une cavalerie bien organisée, ce sont au total 15 Compagnies d'ordonnance, ( 100 "lances"de 6 cavaliers, plus des hommes à pied). Ce sont les grands archets et il faudrait ajouter les contingents des vassaux, c'est par ailleurs Charles VII passé à la postérité sous le nom de "Bien Servi" et parmi les gens qui l'on bien servi, figurent deux personnages que nous allons voir, document 11.
Ce document montre la bataille de Formigny, avec les anglais et de l'autre côté, des bretons avec leurs hermines, et des contingents qui sont conduits par le fils du duc de Bourbon qui va être bientôt le gendre du roi de France, le comte de Clermont que nous allons retrouver dans le procès et vous voyez ici l'écu de France qui est paré par un bâton "rouge", bâton de gueule.Celui qui conduisait le contingent breton est le connétable de France, le connétable de Richemont qui sera d'ailleurs duc de Bretagne en 1457, celui qui était surnommé "le sanglier" qui était un dur, prisonnier à Azincourt, éloigné un instant du roi par une cabale conduite par un autre favori qui s'appelle La Trémoille en 1427, puis qui reprend le dessus en 1433, qui a négocié la paix d'Arras en 1435 avec les Bourguignon, c'est lui qui a libéré Paris en 1436 conduisant les contingents bretons à Formigny et c'est lui qui, un peu plus tôt, avait mis fin à cette révolte de nobles que l'on appelle "la Praguerie", donc quelqu'un qui a été présent et très fidèle au roi de France.
Et c'est donc le Très Victorieux Charles VII que Jean Fouquet a représenté dans deux tableaux célèbres. Dans le manuscrit du Livre d'Heures d'Etienne Chevalier, Trésorier de France (au musée Condé à Chantilly), une Adoration des Mages avec le roi et derrière lui ses deux fils c'est à dire le futur Louis de France puis l'autre fils, plus jeune Charles qui sera duc de Berry à partir de 1462. Ce qui est intéressant dans ce travail de Fouquet , c'est d'abord le réalisme du visage du souverain que vous reconnaissez bien, le rôle des couleurs royales, rose, blanc, vert, que l'on retrouvera à maintes reprises, la richesse de l'équipement de certains soldats dans lesquels nous reconnaissons les écossais de la garde royale. Ces écossais portent dessus leur cuirasse cette tunique que l'on appelle un "roqueton" et qui est brodée de perles. Les écossais dont nous connaissons le rôle dans l'organisation de la Septaine de Bourges et pendant les dernières campagnes de Guyenne avec Robin Petit-Loup. Sur cette tunique, figure enfin un des emblèmes de Charles VII qui est l'iris, on voit un peu partout cette fleur dans l'emblématique de Charles VII.
Le deuxième grand portrait que vous connaissez bien, c'est celui du document 13 qui a été à Bourges pendant longtemps, jusqu'à la démolition de la Sainte Chapelle de Bourges en 1757, c'est ce portrait qui est le premier portrait indépendant à mi-corps que l'on connaisse dans l'histoire de la peinture occidentale. Il revêt un double aspect: à la fois portrait officiel, c'est l'effigie majestueuse du souverain et également représentation tout à fait réaliste à la manière des peintres flamands..
Les publicistes contemporains se sont finalement bien accommodés du réalisme de ce portrait, c'est la mauvaise mine, la mauvaise santé du roi. C'est ce portrait d'un vêtement à la mode, Ses épaules rembourrées et les analyses précises qui ont été effectuées par un laboratoire montrent que le peintre a finalement agrandit ce vêtement à la mode pour donner plus d'importance au personnage et pour être à la mode de ce milieu du XV e siècle, c'est le maheutreL'effigie majestueuse du souverain dont le buste en triangle renversé s'inscrit dans le losange des rideaux symétriquement écartés, symbole de majesté, tout comme l'azur rehaussé d'or du chapeau. On note aussi un visage aux traits maussades, à l'immense nez plongeant d'où se dégage une impression de lassitude, correspondant à un personnage qui finira par se croire envoûté par ses ennemis..
C'est précisément dans l'entourage proche de ce souverain que nous retrouvons Jacques Cur au moment de l'entrée du roi dans Rouen libéré le 10 novembre 1449, il est dans le grand cortège. Jacques Cur a cette date avait réunit la plus grande fortune privée française de tout le XV e siècle.
Et on peut se demander quelles sont les bases de cette fortune.La fortune de Jacques Cur
Les plus rémunératrices de ses activités se situaient à Montpellier et dans sa région, nous avons ici un témoignage qui est la réception fastueuse dans son Hôtel de Montpellier par Jacques Cur d'un autre écuyer du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Il aimait beaucoup ce genre de compagnie c'est un personnage qui est un petit peu isolé dans ce XVe siècle, il aurait été beaucoup plus à sa place à l'époque des grands tournois de chevalerie du XIII e siècle celui qui s'appelle Jacques de Lalaing " le bon Chevalier".
Je vais vous montrer la maison de Jacques Cur à Montpellier cela va vous donner une idée de cette demeure(document 15), gravure sur bois de Sébastien Munster, on retient surtout de quelque chose qui est approximatif évidemment, c'est cette grande tour, haute de 25 mètres, cette demeure se situait dans une rue que l'on connaît très bien qui s'appelait à l'époque la rue Embouque d'Or c'est actuellement la rue des Trésoriers de France.
Dans ce Montpellier, Jacques Cur avait fait construire également une loge des marchands, détruite actuellement, et qui est sans doute comparable à la loge que l'on voit à Perpignan, plus une grande fontaine ; c'est dans ce Languedoc que Jacques Cur avait donc trouvé les moyens les plus considérables pour échapper à une difficulté qui frappait pratiquement tous les gens de négoce à l'époque et les gens de l'administration c'est à dire les défaut de liquidité pécuniaire.Selon une formule extrêmement heureuse de M Mollat que l'on peut retenir, on peut dire que pour Jacques Cur, tout se passait comme si il avait un compte courant ouvert en permanence sur les finances du Languedoc, cela veut dire ceci : il prélevait sur les recettes fiscales de la province comme commissaire du roi auprès des Etats et c'était lui qui était chargé d'aller rechercher pour le roi ce que les Etats votaient tous les ans ou tous les deux ans et il prélevait au passage soit directement soit par l'intermédiaire de ses collaborateurs car l'administration financière du Languedoc était véritablement truffée par des gens qui étaient à sa solde, ils étaient extrêmement nombreux.
Pour prendre un seul exemple, Guillaume de Varie était le contrôleur général de ces finances. Il y avait ensuite, toujours tiré du Languedoc, des ressources de la ferme des droits perçus à l'occasion des foires de Pézenas ; il y avait les gains réalisés dans le trafic du sel le long du Rhône venant des salines royales de la petite Camargue et là tout allait bien puisque Jacques Cur était visiteur général des gabellesIl y avait surtout enfin les bénéfices tirés des voyages de ses galées provenant de l'Orient, du Magreb ou des rivages chrétiens de la Méditerrannée occidentale et touchant d'abord à Aigues Mortes et ensuite à Marseille.
L'évocation de l'Orient est aussi très caractéristique de la décoration de cette maison ; c'est le document 16 que vous connaissez, et puis il y a également avec des documents 17 et 18, la représentation des navires de Jacques Cur ; il y en a deux, d'abord ce petit bâtiment qui semble surtout un bâtiment armé pour la guerre et pas tellement un bâtiment de commerce et un vitrail, une grosse nef qui porte les armes de Jacques Cur je m'arrêterais là ; pour le détail technique de ces bateaux qui étaient au nombre de 4 principaux, il se trouve que M. Mollat par son environnement familial est sans doute le plus grand connaisseur français des bateaux au Moyen Age, donc je vous y renvoie. Ce qu'il faut surtout noter, c'est que ces bateaux bénéficiaient du monopole royal d'importation des produits venant d'Orient.; les épices en particulier,
On peut ajouter quand même ceci, c'est que ces bateaux étaient certainement des bateaux d'assez faible tonnage, 100, 200 tonnes de port, autrement dit, rien de commun avec les grands bateaux génois qui atteignaient 1000 tonnes et davantage.Donc au total, on voit déjà apparaître ici les réserves de certains historiens à propos du rôle d'armateur ou de grand commerçant et grand marchand de Jacques Cur. Rien de commun avec les grandes firmes vénitiennes ou génoises d'autant qu'il ne semble pas que ces bateaux aient fait un nombre considérable de voyages vers l'Orient et la conclusion, c'est que l'on peut tout à fait bien prendre en considération la thèse d'un autre très grand historien du Moyen Age, grand spécialiste de Gênes, Jacques Heers, qui estime que Jacques Cur n'est peut-être pas cet homme d'affaires que l'on a dit, qui courrait les chances et les risques d'une entreprise privée, mais plutôt un commis du roi et de l'Etat, agissant dans le cadre d'un service public. Si vous voulez une sorte d'énarque avant la lettre.
En tout cas ce trafic maritime, nous pouvons le représenter et le cartographier, c'est la carte numéro 19, Vous voyez comment se présentent les choses, à partir de ce point de départ, Aigues Mortes, Marseille, mais également des ports catalans, Collioure appartient à ce moment là à la Catalogne. Un courant va se diriger vers Alexandrie en passant par une base qui est extrêmement importante qui est une sorte d'entrepôts, une base où s'arrêtent les bateaux, c'est Rhodes, Jacques Cur avait de bons rapports avec les Hospitaliers installés à Rhodes. Et ce courant emmène en direction de l'Orient deux grandes catégories de marchandises, d'abord, des draps, Jacques Cur profite ici d'une sorte de changement vestimentaire qui a lieu à ce moment là, on s'habille avec des draps, ce qui n'était pas le cas auparavant. Et il emporte en même temps des quantités importantes d'argent car l'argent fait prime en Orient, l'Orient et le Moyen Orient manquent d'argent et donc il y a tout intérêt à transporter de l'argent dans cette direction.
Le commerce de marchandises de Jacques Cur
Il emporte également des fourrures, fourrures vairs, pare exemple , "Vair" du corail de Provence, de Sardaigne, en sens inverse, les bateaux revenant vers l'Occident transportent évidemment des épices, transportent de l'or, cette fois-ci, l'or était arrivé à Alexandrie en provenance du Soudan, du coton, des soieries et indirectement de l'alun, et il faut préciser quelque chose qui est intéressant, c'est que toutes cette zone ci, où se trouve Chio, où mourra Jacques Cur était interdite pratiquement aux bateaux, notamment aux bateaux français, les génois se réservant le monopole de l'alun donc Jacques Cur devait s'alimenter là, pour une fois indirectement en alun auprès des génois.
Une tentative malheureuse de laine et de cuir d'Ecosse qui arrive en très mauvais état à La Rochelle. Donc Jacques Cur n'insiste pas. Son idée était de créer à Bruges une base qui, avec la paix retrouvée du côté de l'Angleterre aurait permis le développement de ses affaires dans cette direction.
Tout cela arrivait dans les ports de Méditerranée en ce qui concerne maintenant au trafic intérieur, nous allons passer à un autre document N°21, ce document est un peu complexe, je le détaillerais.
Venant des ports méditerranées, des épices dont je vous parlais avec un centre qui apparaît ici, Le Puy, par exemple où o,n peut passer également par Lyon, donc en direction de Bourges et en direction surtout l'affaire essentielle, car c'est à Tours que se trouvaient les magasins de l'Argenterie qui recevaient tous ces produits précieux, dont les familiers du roi étaient friands. Ces marchandises pouvaient aller ensuite en direction de Bruges, mais aussi vers Rouen et d'autres points du royaume.
On voit aussi en sens inverse, la descente des draps de Flandres en direction de la Méditerranée, l'alimentation en draps également du Berry bien entendu, le Languedoc, et le long des trois fleuves, la circulation du sel, le sel qui remontait de Camargue, le sel qui venait de la baie de Bourgneuf, ici et qui remontait la Loire en direction par exemple d'Orléans et de Paris et le même trafic sur le Seine.
L'essentiel de ce trafic était destiné à l'approvisionnement des magasins de l'Argenterie qui étaient à Tours puisque le roi Charles VII s'est plutôt bien fixé dans un petit château à côté de Tours, le château de Plessis-les -Tours, à partir de 1444. Et Jacques Cur était à la fois, ce qui fait un des éléments essentiels de sa fortune, le fournisseur d'articles de luxe et celui qui les vendait ensuite aux gens de la Cour, avec des profits qui étaient sans doute substantiels. Au passage, on peut noter qu'il s'accommodait de paiements assez originaux. On sait qu'au moment de la construction de cette maison que le seigneur d'Aubigny, bien connu, Jean Stuart, qui avait pris des marchandises à l'Argenterie de Tours a payé directement sans passer par l'Argenterie. Il a payé Jacques Cur en fournissant du bois pour la construction de la maison où nous sommes.
Inversement, bien sûr, ces opérations dans lesquelles il réalisait des profits et l'on disait qu'il faisait des profits considérables étaient obérés par le capital investi mis dans les stocks. Au moment du séquestre, par exemple, on a retrouvé à Tours, à l'Argenterie, un millier de pièces de tissu, 6500 pièces de fourrures, vairs essentiellement, était obérés également par l'importance des découverts qu'il consentait à ses clients. Toujours au moment du séquestre, on a relevé le nom de 200 débiteurs pour une charge globale supérieure à 100 000 livres tournois.Pour clore cet aperçu concernant les affaires de Jacques Cur, plusieurs traits méritent d'être soulignés; je crois que ce qui fait l'essentiel du succès de Jacques Cur, c'est l'extraordinaire activité qu'il déploie. Une énergie tout à fait considérable, c'est un personnage sans cesse en mouvement, pour maîtriser la dispersion de ses affaires, pour s'assurer l'obtention d'offices, d'honneurs ; aux mentions des charges déjà indiquées auprès des Etats du Languedoc, visiteur général des gabelles, il faut ajouter toute une série de missions diplomatiques à Gênes, auprès du roi d'Aragon qui était fort important puisqu'il maîtrisait toute une large partie de la Méditerranée occidentale, auprès du pape évidemment, avec de très grandes ambassades, en particulier en 1447, 1448, et voyez c'est le moment où le statut d'homme du roi commence à s'imposer véritablement, donc une activité extraordinaire qui apparaît d'ailleurs en creux avec la médiocrité semble-t-il de son fils, du seul de ses fils qui ne soit pas clerc, Ravant Cur un personnage autant qu'on puisse le saisir, particulièrement fallot.
Deuxième caractéristique, concernant les aspects techniques de ses affaires, l'accord est absolument unanime auprès des historiens, pour dire que nous ne trouverons absolument pas chez lui la sophistication que l'on connaît dans les entreprises italiennes.
Certes, Jacques Cur connaît la lettre de change, on a quelques témoignages mais par exemple, lorsqu'il s'agit de transférer des sommes importantes pour régler des achats, il n'hésite pas à confier des sacs remplis de pièces de monnaies tout simplement à des voituriers qui les acheminent dans telle ou telle direction, ce qui est archaïque comme système et absolument impensable dans l'Italie des banquiers .
On note aussi l'association : fabrication, commerce ou diffusion des produits et ce dont on peu discuter c'est l'utilisation de formules un peu contemporaines, ( certains et non des moindres n'ont pas hésité à parler de concentration verticale à propos de la draperie du Berry), il avait la production, à propos de la soierie de Florence et à propos également de la fourniture armes puisqu'il était ici à Bourges en association avec des gens ,les frères de Tresse (?) et ils écoulaient ensuite les armes, d'autant plus facilement d'ailleurs que c'était la période de la fin de la guerre de 100 ans et qu'il y avait ces grandes opérations soit en Normandie soit dans les deux campagnes de Guyenne par lesquelles se termine la guerre de Cent ans.
Les hommes de Jacques Coeur
Le dernier trait qui mérite d'être signalé, c'est une gestion des hommes qui l'entourent, basée sur une confiance qui soude véritablement les gens autour de lui. On a pu parler à propos de ses commis, de ses facteurs, d'une véritable équipe il y a des relations personnelles. Il y a aussi le fait que beaucoup étaient les berrichons, très nombreux étaient les gens de Bourges et même les gens qui habitaient dans la même rue que Jacques Cur. Ce réseau de solidarité se reflète dans l'ornement de la Chapelle de la Grant maison : armes de Guillaume de Varie, Pierre Jobert. Cette solidarité ne s'est pas démentie au moment de la catastrophe, c'est à dire au moment du déclenchement du procès. Cette solidarité lui a permis très souvent d'opérer en sous main par l'intermédiaire de gens dont il avait la confiance. En sous-main car on disait que Jacques Cur avait la main trop forte et les gens craignaient d'avoir à faire directement à Jacques Cur. On a un autre témoignage à propos des Etats de Languedoc je voudrais le citer
Jacques Cur procède en termes durs et exquis, c'est à dire et qu'il use de comminatoire, dans des négociations délicates comme l'achat de certains biens, c'étaient des prêtes-noms qu'il utilisait. De ces prêtes noms, il y a des exemples qui sont particulièrement nombreux, il y en a d'abord à l'Hôtel des monnaies de Bourges, il y en a à la monnaie de Montpellier, il y en a, je vous le disais tout à l'heure, dans l'administration financière du Languedoc, il y en a à l'occasion du trafic du sel le long du Rhône et au moment du procès, Jacques Cur dit qu'il a fait ça car il n'aurait pas été convenable que son nom apparaisse directement dans les comptes.
Jacques Cur sur tous les fronts
Dans toute cette affaire, l'année 1447 marque un véritable tournant, tournant qui est caractérisé par une sorte d'amplification des activités de Jacques Cur. Tout d'abord, on estime qu'il fut vraisemblablement l'instigateur de l'ordonnance du 27 juillet 1447 décidant, pour la première fois depuis 1370, la frappe de pièces d'argent de bon aloi ce qui créait ce que l'on a appelé le GROS de Jacques Cur que vous allez voir maintenant.
La pièce est évidemment un petit peu usé, j'en ai dans ma poche une autre encore plus usée que je ne vous montre pas il faut surtout regarder ce qui se passe en dessous et ces pièces qui sont des pièces en argent et ce qui est intéressant, c'est que c'est la première fois depuis 1370 que l'on frappe une pièce de très bon aloi à 92% d'argent fin. C'est une pièce qui vaut deux sous, ou 6 deniers tournois et qui est en quelque sorte le symbole du retour à une monnaie saine.
Je dirais tout de suite que cette émission est sans grand rapport à mon avis avec le fait que Jacques Cur possède des mines de plomb argentifère dans la région de Lyon à Paimpailly. Ce serait très tentant de dire, voilà il exploite ses mines et fait frapper les Gros du roi, non certainement pas.
Par contre, puisque je suis à ce chapitre des mines, ce que l'on sait sur document c'est que la mine voisine qui était une mine de cuivre a Chessy dans le Beaujolais, 30 kilomètres à l'ouest de Lyon a été vraiment exploitée au moment des dernières opérations militaires en Guyenne. On connaît par exemple le transport de quantités de cuivre depuis Lyon jusqu'à Toulouse pour la fabrication d'armes à feu c'est à dire de couleuvrines utilisées pour la guerre de Guyenne.
Donc il y a dans ce tournant 1447/1448, d'abord la frappe de cette pièce. Et c'est surtout le moment et on va revenir au document 21 où Jacques Cur est pris d'une sorte de frénésie d'acquisition de biens fonciers.
Je les ai représenté avec des hachures et vous voyez qu'ils forment une sorte d'arc depuis La Puisaye, la seigneurie essentielle étant cette de Saint Fargeau en passant par le Berry et par Bourges même. Pour le Berry, je détaille rapidement, la principale, c'est Mennetou Salon, qui valait quand même 8000 écus, ce qui n'est pas rien, ensuite Ainay le Vieil, Marmagne Maubranche, Barlieu, Lizy et enfin quelque chose de moindre importance à Asnières, qui valait seulement 120 écus. (grange) .Donc nous disons, Le Puisaye, le Berry, nous reviendrons sur le cas de Bourges. Ensuite le Bourbonnais, il se trouve que Jacques Cur était vraisemblablement originaire d'une famille de Saint-Pourçain sur Sioule, donc acquisitions dans cette région et enfin, à l'extrémité de l'arc, l'acquisition de ces seigneuries proches de Roanne, Boisy et la région de Saint Haon le Chatel. Il faudra ajouter à tout cela en dehors de Bourges même, les biens sur lesquels nous allons dire un mot, des hôtels à Saint-Pourçain sur Sioule, à Moulins, à Tours, à Lyon. A Lyon dans une rue bien connue qui est la rue Mercière, à Montpellier rue Embouque d'Or, à Marseille etc
Ces opérations étaient souvent menées à bon compte, Jacques Cur s'attaquait à des maillons faibles en quelque sorte, il opérait auprès de gens qui s'étaient endettés au cours de la guerre de 100 ans. Vous allez voir dans le document 23, un personnage du Bourbonnais, prisonnier aux Anglais par trois fois pour le service du roi, cela lui a coûté plus de 9000 écus.
C'est quant même assez considérable, c'est proche de ce que Jeanne d'Arc a coûté lorsqu'elle a été vendue aux anglais, 10 000 écus. Il est donc ruiné, Jacques Cur s'approche, met la main sur ses biens; il opère également de manière très intéressante lorsqu'il s'agit de biens dotaux, c'est à dire lorsque un seigneur ruiné a les biens de sa femme. C'est sur les biens de son épouse que Jacques Cur fait porter son effort ce qui a été le cas à Roanne.
En Roannais, ça s'est d'ailleurs assez mal passé, on a le témoignage de la dame qui ne voulait pas vendre, c'est le cas également de Marmagne Maubranche.Jacques Cur à Marseille
Autre élément très important, dans ce tournant c'est le transfert de sa base d'Aigues-Mortes à Marseille. A Marseille, cela veut dire en dehors du royaume, chez le roi René, là où les opérations portuaires étaient plus aisées, un port profond, protégé du Mistral par des collines, des magasins au bord de l'eau et surtout des avantages fiscaux. Alors vous allez voir le document 22, c'est une scène qui représente une Marie Madeleine, ici, il se trouve qu'un des bateaux de Jacques Cur s'appelle La Madeleine, ce qui est intéressant ici, c'est le port de Marseille, et la maison de Jacques Cur était sur le quai même, avec de très vastes entrepôts qui lui permettaient une décharge très facile des produits, et d'une manière très symbolique, se trouve ici, le château des Hospitaliers, qui est en quelque sorte la tête de la ligne qui conduisait à d'autres bâtiments que les Hospitaliers avaient à Rhodes.
Donc il s'en va à Marseille, cela va d'ailleurs lui causer pas mal d'ennuis au moment du déclenchement du procès.
C'est là qu'il installe le plus entreprenant de ses facteurs, son neveu, Jean de Village, bien connu à Bourges. Le dernier grand changement, c'est l'achèvement des travaux de cette "Grande Maison", entrepris en 1443.
Là aussi il ne faut pas se faire beaucoup d'illusions, Jacques Cur n'a pas vraiment résidé là où nous sommes ce soir, un de ses facteur Pierre Jobert dit qu'il ne " faisait aucune résidence à Bourges ni en aucun lieu particulier", il circulait sans arrêt, et c'est l'occasion pour nous, c'est le document 24 de voir quels étaient les biens de Jacques Cur à Bourges.Les biens de Jacques Cur à Bourges
Il y a tout d'abord, le lieu de sa naissance qui est rue de la Parerie, près de l'Yèvrette dans le quartier des tanneurs et pelletiers, le père de Jacques Cur était vraisemblablement l'un d'entre eux, et dans cette même zone se trouvait des gens qui lui seront très proches, les Villages, qui étaient des drapiers, il y a surtout évidemment le voisinage du Palais Ducal et de la Sainte Chapelle.
En haute de la rue d'Auron, se trouvaient 4 maisons se faisant face à face, deux venant de l'héritage du père de Jacques Cur, deux venant de l'héritage du beau-père de Jacques Cur, Léodepart. Jacques Cur lui-même n'était pas là, il habitait cette maison qui est dans l'actuelle rue de Linière et il y a été très longtemps, dans cette maison qui appartenait à un armurier et qui après la chute de Jacques Cur a appartenu à nouveau à un des frères de Trèze (?), armurier.
Et puis il y a la " Grant Maison" où nous sommes, ici, vous voyez que Jacques Cur avait aussi des maisons de moindre importance, ou des emplacements de maisons, comme au niveau de la place Gordaine.
Et également dans cet extérieur, noté par un point rouge, l'essentiel se situe quant même dans le haut de la rue d'Auron, la maison qu'il a habité pendant près de 20 ans, et place Gordaine où l'un de ses facteurs, Pierre Jobert avait aussi sa maison. Et Jacques Cur avait là une table de change.
Nous sommes renseignés évidemment sur ces maisons et notamment sur cette Grant Maison par les enluminures, et en particulier par cette enluminure de Bourges en provenance de l'atelier de Jean Colombe. C'est la façade de cette Grande Maison où nous sommes, c'est le une double symbolique se dégage de l'édifice. D'abord une magnifique demeure aristocratique, avec des éléments qui sont empruntés au château de Mehun sur Yèvre, et c'est surtout l'insistance de la représentation de l'emblématique royale, les fleurs de lys, jusqu'à la révolution vraisemblablement. On voit une statue de Charles VII, c'est débattu, certains y verraient plutôt une Charité Saint Martin, Saint Martin découpant son manteau. Il faut voir, mais je crois que c'est plutôt Charles VII en roi-chevalier.On trouve l'association insistante de l'emblématique royale jointe aux armes et devises de l'Argentier, ce qui témoigne de sa volonté d'étaler l'étroitesse de ses liens avec le roi.
les décors ont été exécutés de 1448 à 1451.
Il suffit que vous vous retourniez, il y a cette célèbre porte dite "porte royale" document 25, qui est derrière vous, avec la représentation de cette biche et de ce cerf ailés couchés sur un champ d'iris dont nous verrons d'autres reproductions qui figuraient sur des tapisseries il y avait dans cet Hôtel une tapisserie vermeil dit le texte à "cerfs volants" et vous verrais à nouveau ces cerfs volants caractéristiques de l'emblématique du roi dans les tentures d'un lit de justice dont je reparlerais, c'est le lit de justice de Vendôme, si l'on regarde un détail de cette reproduction, le document 27, vous voyez qu'il s'agit d'un cortège qui sort de l'Hôtel mais d'un portement de croix se dirigeant vers le Golgotha, et le fait que cette uvre soit postérieures à la condamnation autorise d'y voir une allusion à titre un peu commémoratif des malheurs et de la chute de l'Argentier par quoi nous allons maintenant terminer.
La chute de l'Argentier
Le procès de 1451 à 1453, l'approche de ce procès est rendue malaisée parce que l'on a à faire à une procédure qui ne sera qualifiée que plus tard.
Trois points doivent être soulignés :
Il faut attendre le premier quart du XVI e siècle pour que soit précisé par exemple, la notion de lèse-majesté
Ne sera précisée que dans le premier quart du seizième siècle la procédure "extraordinaire", c'est à dire inquisitoire, pour les affaires criminelles. Ce ne sera véritablement organisée que par les ordonnances de Blois en 1499, donc c'est un peu tard pour nous en ce qui concerne le fait que ce procès a été conduit selon les règles de la justice retenue. Je veux dire par là, que le roi n'a pas délégué sa justice, il a opéré lui-même directement. Cette justice retenue est le fait d'un organisme que l'on appelle le Grand Conseil malheureusement, il se trouve que nous ne possédons pas les registres du Grand Conseil avant 1483, ce qui est évidemment trop tard pour nous.Il n'est pas question de refaire l'ensemble de l'histoire de ce procès, mais d'essayer d'en préciser les grandes phases, et les caractéristiques juridiques. La plupart des historiens utilisent des transcriptions faites au XVIII e et XIX e siècle, ainsi Jacques Heers avec les Actes Judiciaires publiés par Buchon en 1838.
S'il y avait une seule chose à retenir, ce serait celle-ci : ce procès est un procès je dirais à la Nicolas Fouquet, sous Louis XIV, c'est à dire que tout est combiné pour qu'il se conclût par la perte des biens de l'Argentier.
Alors pour ce faire, c'était finalement assez simple, il fallait prouver la lèse-majesté et instruire selon la procédure inquisitoire, et cela dans le cadre de la justice retenue. Le document 28 va vous monter un roi de France, dans la bourse du roi apparaît une main de justice. Le roi tient une baguette qui symbolise que le roi détient au nom de Dieu la justice sur les hommes,.Comment les choses se sont-elles engagées ? l'ascension de Jacques Cur s'était accompagnée évidemment d'un certain nombre de rancurs qui s'exprimaient à la Cour et en Languedoc, en particulier dès les années 1445 l'archevêque de Reims, Jean Jouvenel des Ursin, il faut faire attention aux prénoms, car il y a trois frères qui vont jouer un certain rôle. Là c'est Jean qui déclare qu'il faisait des profits absolument scandaleux et il est certains que ceux qui risquaient leur vie ou leur fortune dans les combats de Normandie ou de Guyenne voyaient évidemment d'un assez mauvais il cette ascension et ces investissements subits en biens fonciers depuis 1447. En Languedoc la grogne était générée par deux choses, d'abord le fait qu'il y avait ce monopole des galées de France. Les marchands languedociens soupiraient après, disaient-ils le fait que le commerce devait être libéral, on était dans une réflexion quasi contemporaine et également ce qui les a beaucoup choqué c'est le départ pour Marseille .
Par ailleurs il y avait d'autres éléments plus troublants, on pourrait se demander et si la fidélité de Jacques Cur envers le roi n'était pas troublée, par les liens entretenus par Jacques Cur avec le Dauphin c'est à dire le futur Louis XI, qui commençait à s'agiter beaucoup et par des liens avec ce personnage tout puissant dont je parlais tout à l'heure, c'est à dire le roi d'Aragon Alphonse V .
Leurs deux noms n'étaient-ils pas évoqués, lors de l'affaire de la mort d'Agnès Sorel en 1450. En fait il était tentant pour le roi de mettre la main sur la fortune d'un personnage qui était en partie son créancier on estime que Jacques Cur avait investi 200 000 écus dans la campagne de Normandie, cela fait tout de même 275 000 livres tournoi en fin de compte, et à nouveau 80 000 livres tournoi pour la première campagne de Guyenne, toujours est-il qu'on arrive à la première phase du procès, il y a quatre phases, que je vais maintenant aborder pour terminer.Les "crimes" de Jacques Cur ?
La première phase consiste en une information préalable décidée à la fin du printemps de 1451, elle est conduite en secret, quasi secret, alors que Jacques Cur est auprès du roi, et elle s'avère quasiment décisive, puisqu'elle permet de faire peser sur l'Argentier une double accusation :
- d'abord un meurtre, une débitrice de Jacques Cur, elle lui doit tout de même 500 écus, c'est une affaire vieille de 3 ans, Jeanne de Vendôme l'accuse formellement d'avoir empoisonné Agnès Sorel.
Agnès Sorel, vous connaissez tous ce volet du diptyque qui se trouve à Anvers, toujours par Jean Fouquet et commandé par Etienne Chevalier, l'un des exécuteurs testamentaires d'Agnès Sorel, on va le montrer au passage, sans que l'on soit absolument sûr qu'il s'agisse bien d'Agnès Sorel, enfin la beauté s'impose c'est le document 29. Dans la manière de Fouquet, la géométrisation du visage, la pâleur du visage, on a souvent dit une sorte d'érotisme glacé.
Ensuite un crime de lèse majesté. On fouille un peu partout et on trouve dans la maison de Jacques Coeur à Montpellier, un sceau semblable au petit sceau secret du roi c'est à dire le sceau en cire rouge avec lequel le roi scellait ses lettres privées, ses lettres closes, vous allez voir le sceau secret de Charles VII. Il a 42 mm de diamètre, c'est un sceau de type armorial : l'écu aux 3 grosses fleurs de lys renvoyant au pouvoir royal.Le deuxième acte est la décision prise par le roi le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg près de Saint Jean d'Angely (Charente Maritime), le Grand Conseil entendu, d'imputer à Jacques Coeur le crime de lèse-majecté, ce qui entraîne immédiatement l'arrestation de l'Argentier, astreint à tenir prison fermée, et la mise sous séquestre de ses biens.
Quatre crimes de lèse majesté, donc vous l'avez vu, il y a la contre façon du sceau du roi et on y ajoute très rapidement, c'est le document 31, l'imitation de la signature de Charles VII il se trouve que l'on a repéré chez Jean Thierry justement qui était le clerc, et homme de confiance de l'Argentier.
Deuxième crime de lèse majesté, là aussi il y a quelques résonances contemporaines, c'est la fourniture d'armes à l'Orient, fourniture d'armes aux Sarrasins alors fournitures d'armures, d'armes de poings etc à quoi on ajoute la remise d'un jeune esclave chrétien qui avait échappé à sa captivité, s'était réfugié sur un bateau de Jacques Cur en rade d'Alexandrie et que les hommes de Jacques Cur ont rendu, on verra dans quelles conditions.Donc contrefaçon du sceau du roi, relations avec les Sarrasins on revient à l'ancienne affaire de la fabrication de fausse monnaie de Bourges en 1429 - 1430 : falsification portant sur le titre et la taille d'écus royanx., pour laquelle il y avait eu pourtant des lettres de rémission.
Et enfin on ajoute quelque chose de très pittoresque c'est une escroquerie émise au mois de décembre 1446 au moment du mariage de ce Comte de Clermont avec Jeanne de France. Le duc de Bourbon son père avait envoyé une ambassade dans laquelle figurait un personnage portant le nom fameux de Lafayette, les Lafayette étaient déjà là et il se trouve que l'on accuse Jacques Cur de s'être entremis dans cette affaire et d'avoir exigé pour que le mariage soit réalisé, le versement d'une somme de 2000 écus les textes disent " faute de quoi il ne ferait rien de leur besogne" . Le roi voulant avoir cette somme "pour ses plaisirs et pour jouer aux dés aux fêtes de Noël"; donc c'est une atteinte à l'honneur du roi qui est ressentie assez durement
Quels sont les commissaires qui instruisent tout cela et s'acquitèrent parfaitement de leur mission ? Il y a des familiers du souverain , par exemple un ancien protégé d'Agnès Sorel, le sénéchal de Saintonge et Chambellan du roi, celui-là même qui mettra la mains sur les biens du Roannais Guillaume Gouffier.
Il y a aussi de la même manière pour les biens du Puisaye, Antoine de Chabannes qui, par ailleurs, est le gardien de Jacques Cur dans sa prison. Il y a également des hommes de loi en quête d'une promotion par exemple un lieutenant du sénéchal de Saintonge, un personnage qui s'appelle Elie de Tourrettes, qui est créé cinquième Président au Parlement de Paris le 5 juin 1454 sans jamais avoir été Conseiller, c'est à dire que nous n'avons pas inventé à l'heure actuelle le tour extérieur.
Il y a aussi dans ces commissaires des hommes d'affaires, souvent Languedociens, parfois d'anciens associés de Jacques Coeur par exemple les frères Teinturier mais aussi des figures extrêmement inquiétantes, et parmi ces figures inquiétantes se dégage celle de ce capitoul de Toulouse, Otto Castellani qui est un florentin établi à Toulouse dans les années 1440, trésorier royal, capitoul en 1443. Il sera d'ailleurs le successeur éphémère de Jacques Cur à l'Argenterie mais c'est un personnage extrêmement louche, trouble, qui sera bientôt convaincu lui aussi de crime de lèse-majesté en raison de ses liens avec le milieu particulièrement délétère des jeteurs de sorts et autres magiciens .
Toujours est-il que le 14 juin 1452 au château de Chissay, donc à proximité de Tours, a lieu une réunion générale pour faire le point pour savoir comment on continue. Faut-il continuer l'instruction, faut-il continuer à interroger Jacques Cur,et se pose le problème de la question que recommande l'inquisition pour venir à bout des obstinés. Faut-il lever le secret , et finalement le roi décide de lever le secret pour un période de 2 mois qui a été prolongée en fait jusqu'à la fin de l'hiver 1452/1453 en raison de la reprise de la guerre de Guyenne et dans l'intervalle, Jacques Cur est autorisé à prendre contact avec ses fidèles mais il se trouve que la plupart ont quitté le royaume évidemment de peur d'être arrêtés, c'est le cas de Guillaume de Varie, de Jean de Village, de bien d'autres encore. C'est le moment quant même que se situe l'intervention favorable à Jacques Cur de quelqu'un qui l'a connu et qui l'a apprécié, c'est directement le pape Nicolas V lui-même et je fais produire ce document 32 avec les armes de ces papes à la sacristie du chapitre, offerte à la cathédrale de Bourges par Jacques Cur, on sait le rôle dans sa grande ambassade de 1448 et dans l'abdication de l'anti-pape Félix V en 1449..
La sentence
Il se trouve par ailleurs que le propre frère de Jacques Cur, Nicolas Cur avait été représentant du roi auprès de la papauté pendant quelques années. Ce que l'on voulait surtout dans cette sentence que l'on appelle interlocutoire, c'était de savoir si l'accusé pouvait bénéficier, après avoir reçu les ordres ecclésiastiques, d'un privilège de cléricature.
C'était très important parce que l'accusé ne pourrait certainement pas échapper aux hommes du roi puisqu'il y avait lèse-majesté mais s'il y avait la preuve de la cléricature au moment de la reprise des interrogatoires, la question, c'est à dire la torture, serait effectuée sous le contrôle de l'Eglise. Donc il était très important de savoir si Jacques Cur était clerc ou pas. Il y avait deux moyens assez simples, savoir s'il était tonsuré au moment de son arrestation et savoir s'il portait des vêtements de clerc.
Des témoins sont entendus, dont Jean Vidal, marchand de Narbonne, et la conclusion, c'est qu'il n'était absolument pas clerc et finalement son costume devait être comparable à ce que l'on voit ici dans le décors de la tour centrale, c'est le document 33.
Il portait une robe courte à mi-cuisse et on a un témoignage qui est particulièrement intéressant, c'est un témoin qui décrit très précisément le costume porté par Jacques Cur au moment où il est arrêté, costume je dois le dire qui n'a rien à voir avec celui que vous avez vu devant la grande maison avec la statue de Préault.
Je cite maintenant : "Jacques Cur a été pris en robe noire courte, mi-cuisse, chausses de vert obscur, pourpoint de velours ou satin cramoisi, chapeau gris, chaussures à poulaines" donc finalement Jacques Cur ne tire pas profit de cette suspension exception faite de la production de deux saufs conduits pontificaux (Eugènne IV en 1446 et Nicolas V en 1448) qui autorisaient sous certaines conditions le trafic avec les infidèles et on arrive à la dernière phase qui est celle des derniers interrogatoires, en mars 1453 au château de Tours.
Ce qui domine tout ça, c'est la mention de la torture ou sa menace, une tentative d'appel et finalement l'effondrement de l'accusé. Vous allez voir dans le document 34, ce sont les questions que l'on pose à Jacques Cur, là ce sont des indications chiffrées, ce sont les articles sur lesquels on interroge Jacques Cur et là, ce sont les mentions de tortures, par exemple, ici c'est assis sur le billot avant que fut achevé de lier et en délassant son pourpoint, on verra dans le document 35, en plus gros, livré aux questions et dépouillés et en délassant son pourpoint . Donc la torture est absolument pratiquée.Comment Jacques Cur réagit-il ? Eh bien il dit qu'il s'en rapporte aux témoins des accusations, il ne se défend pas vraiment il y a un seul point sur lequel il n'est pas d'accord, c'est l'empoisonnement d'Agnès Sorel, et de fait son accusatrice sera convaincue de faux témoignage. Pour le reste il reconnaît les faits, il déclare que s'il est torturé, il confessera ce que l'on voudra et il essaie seulement de les expliquer, soit par un soucis de bien public, il dit qu'il faisait ces trafics vers l'Orient pour donner bruit, c'est à dire donner de la renommée à la marchandise de France. Pour les esclaves chrétiens, il dit que, je cite " il sait bien que si un français s'était échappé aux anglais, ou si un anglais s'était rendu en ce royaume, pour être français, que celui qui le rendrait serait digne de grande punition". Ou bien alors il explique son attitude par des considérations sur la concurrence disant que s'il n'avait pas pratiqué ainsi, les génois auraient interdits l'embarquement d'épices sur les bateaux français.
Au total, il s'en remet à la bonne grâce du roi, en ajoutant quand même avec une bonne dose d'amertume, il croyait "avoir autre salaire et autre triomphe pour les services qu'il a fait". La condamnation qui intervient le 29 mai 1453 dans une assemblée un peu moins solennel que le lit de Justice (celui de Vendôme ayant été merveilleusement décrit par Fouquet, c'est le document 37).Vous voyez ici le roi en majesté, à ses pieds le grand Chancelier de France qui est le frère de celui qui accusait Jacques Cur, d'avoir fait des profits énormes, cette fois-ci c'est Guillaume Jouvenel des Ursin et vous le voyez avec sa robe rouge, à côté un des compagnons de Jeanne d'Arc, Dunois qui est des seuls à avoir déposé dans le procès de Jacques Cur à décharge, les membres du Parlement etc vers l'avant les gardes écossais avec ce décors de perle et surtout siégeant au parquet comme il se doit le procureur général du roi au Parlement de Paris, celui qui met les biens de Jacques Cur sous séquestre, c'est à dire Jean Dauvet. C'est celui qui a parcouru la France dans tous les sens pour mettre les biens de Jacques Cur sous séquestre pour les vendre etc.
Les ultimes épisodes du procès ont eu lieu dans la grande salle du palais ducal de Poitiers, et on retourne ici à proximité de Jean de Berry, c'est le document 36. donc une salle merveilleuse e qui sert actuellement de salle des pas perdus au Palais de Justice, et c'est là que le Chancelier de France, Guillaume Jouvenel des Ursin prononce la sentence.
La sentence est la suivante : on prononce contre Jacques Cur une peine de confiscation de corps et de biens c'est à dire qu'on devrait le mettre à mort, mais la peine de mort lui est remise en raison des services qu'il a rendu et en raison de l'intervention du pape pour l'essentiel, de plus deux amendes lui sont infligées,
D'abord une pénalité de 300 000 écus plus une restitution de 100 000 écus ce qui fait un total de 550 000 livres tournoi. Je disais tout à l'heure que les revenus du roi pour une année, c'est 3 millions de livres tournoi,En attendant le versement de ces sommes il doit rester en prison et il reste en prison dans la chambre du roi au château ducal de Poitiers.
La deuxième amende qui lui est infligée n'est pas du tout une formalité, c'est une amende honorable pour reconnaître ses défauts et demander pardon à Dieu au roi et à la justice, vous allez le voir dans le document 39. On voit Jacques Cur tenant dans ses mains une torche de 10 livres de cire qui brûle, sans chaperon ni ceinture, qui reconnaît ses fautes, et si vous voulez, il ne s'agit absolument pas d'une formalité c'est très important. Il s'agit de rentrer en grâce auprès du roi, de réparer symboliquement l'honneur du roi qui a été blessé, c'est une sorte de substitut de la peine de mort. Auparavant, il y avait eu des tentatives pour le troisième frère Jouvenel des Ursin , maintenant c'est Jacques Jouvenel l'évêque de Poitiers qui fait une nouvelle tentative pour relancer l'affaire de la cléricature de Jacques Cur, cela n'aboutit pas, c'était d'ailleurs absolument impossible puisque l'Official de Poitiers, n'était autre que le frère du dépensier de la maison où nous sommes, de ce Guillot Tripault, son frère était l'official de Poitiers, Jean Tripault.Avant de refermer définitivement le dossier du procès, il faut souligner qu'il y a eu une tentative de révision sous Louis XI, à l'époque où les hommes de Jacques Cur étaient absolument rentrés en grâce, on faisait du Jacques Cur sans Jacques Cur, ça tourne court au bout de deux audiences sans résultat en 1462 devant le Parlement de Paris.
Epilogue : Quel a été le sort de Jacques Cur et de ses biens.
Le sort de ses biens d'abord. Sous la pression du roi, qui écrivait à Jean Dauvet qu'il fallait se presser, et ramasser tout l'argent qu'il pouvait et bien au bout de 4 ans d'opération, en 1457, Jean Dauvet avait réussit à réunir 290 000 livres tournois sur les 550 000 que théoriquement, il aurait du obtenir.
Je vous montre, les documents qu'il aurait du obtenir, produits au moment de l'attribution de la vente des biens du Roannais, ce sont des documents 41 et 42 avec Guillaume Gouffier qui s'empare de ses biens pour la somme de 10000 écus, c'est une bonne somme, c'est la somme que le roi retient pour la maison où nous sommes, à Bourges.
Deuxième étape, il faut passer à la Cour du Trésor pour que cela devienne officialisé, et l'ensemble de la procédure pour Roanne se trouve dans un grand rouleau, c'est le Document 43 qui est très important puisqu'il mesure 15 mètres 48 sur une largeur de 0,60 mètres, et pour chacun des biens que j'ai détaillé tout à l'heure existaient de tels rouleaux , on en a conservé 5 ou 6 .
Jacques Cur lui-même, pendant que tout cela se produisait était auprès du pape, en effet, il s'était échappé du château de Poitiers, où il était à la garde d'Antoine de Chabannes dans la chambre du roi c'était fin octobre 1454 et à la fin de 1454, il avait mis le cap vers le sud, d'abord, chez les Dominicains de Limoges, puis au confins du royaume chez les Franciscains de Beaucaire. Par un audacieux coup de main, et là on a le document, Jean de Village réussit à le faire passer en Provence en compagnie de son fils Ravant, qui n'était pas dans le royaume, on le sait par des lettres de rémission qui ont été accordées à Jean de Village et le 16 mars 1455 le pape pouvait prononcer son éloge devant le consistoire.
Et là, passent deux ans qui sont marqués, par l'arrivée, les uns après les autres des principaux responsables de ses affaires , Varie, Village . EtcC'est pendant ces deux ans que se prépare cette croisade contre les Turcs, puisque vous vous en souvenez, le jour de la condamnation de jacques Cur, les Turcs s'étaient emparés de Constantinople et la croisade avait d'abord pour premier objectif le contrôle de l'île génoise de Chio.
Jacques Cur se mêle à cette affaire sans doute dans une double intention qui apparaissait à ce moment là comme une espèce de place tournante pour les affaires. M. Mollat a eu une formule, qu'on peut reprendre. Il disait que Chio était une "sorte de Hong-Kong du XV e siècle" donc il pensait peut être pouvoir relancer ses affaires.Mais aussi, c'est cet aspect assez complexe du personnage, il voulait aussi participer certainement à l'affrontement de la chrétienté du monde Ottoman comme un de ces chevaliers qu'il admirait beaucoup, et tout cela se termine par ce que nous apprend l'obituaire du Chapitre de la Cathédrale de Bourges, confirmé par une bulle pontificale de 1467, c'est à dire le jour de la Sainte Catherine, le 26 novembre 1456, la mort de Jacques Cur.
Alors se pose pendant quelques années, le problème du tombeau de Jacques Cur, est-il mort à Chio, est-il mort ailleurs ? Dans les années 1960, on a pu voir dans les gazettes une dépêche reproduite dans "Le Monde" qui annonçait que l'on avait retrouvé l'emplacement de son tombeau dans un jardin public qui a été aménagé à la suite de la disparition l'église des Cordeliers dernière demeure de l'Argentier. Pour ma part, je préférerais conclure en paraphrasant une épitaphe fameuse, "c'est dans la mémoire des vivants que se trouve le tombeau des défunts illustres."
En tout cas par votre présence ce soir, vous venez de témoigner de l'intérêt que l'image de l'Argentier continue de susciter.Je vous remercie.
Robert Guillot
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