LA VIE DE JACQUES
COEUR (1400 - 1456)
Marchand
mais aussi banquier, armateur, industriel, maître de mines
dans le Forez, Jacques Coeur est le contemporain de Charles VII,
Jeanne d'Arc, de Gilles de Rais, et le confident d'Agnès
Sorel.
Il conçoit des routes, installe des comptoirs pour faire
" commerce avec les infidèles ", créé
une flotte de navires, ses galées, et le négoce
avec le Levant devint plus que prospère.
Il est un " manager " d'une grande modernité,
à la fois Receveur des taxes sur le sel, Commissaire aux
Etats du Languedoc, Maître des monnaies et Argentier du
Roi.
Il tisse un réseau commercial de
toute première importance, avec Montpellier, puis Lyon,
Avignon, Limoges, Rouen, Bruges et Paris.
Comme l'écrivent ses biographes, " Il fut créateur,
sans le savoir, des sociétés multinationales et
des entreprises à succursales multiples, et ... il réussit
à stopper la dévaluation de la monnaie ".
Il fut un génial administrateur et un diplomate dans des
situations délicates, fréquentant les rois, les
princes et les papes.
La ville de Bourges en 1400
" Bienvenue dans le Royaume de France
en 1400 ou de ce qu'il en reste, car nous sommes en pleine guerre
de 100 ans. Elle a commencé en 1340, et la France est
en partie occupée, avec en 1415 la lourde défaite
d'Azincourt.
Notre pays est ravagé par des troupes régulières
mais aussi par des brigands et autres écorcheurs, c'est
une guerre franco-anglaise a laquelle se superposent des famines
et à des épidémies comme la peste.
Bourges deviendra capitale de la France vers 1418 lorsque le
Dauphin doit quitter Paris pour se réfugier à Bourges.
Et il deviendra " le petit Roi de Bourges ". Jacques
Coeur fête donc ses 18 ans dans un pays où il ne
fait trop bon vivre.
Le XIV e et
le XV e siècle, c'est l'apogée de Bourges, une
période qui fait de la ville, la capitale du royaume de
France. Les noms qui font alors la renommée de la ville
sont parmi les plus illustres de l'Histoire de France. C'est
Jean de Berry, le duc mécène, ami des artistes,
mais c'est aussi Charles VII, devenu par la force des choses,
" le petit roi des Bourges ", à ses côtés
de fabuleux personnages comme Jeanne d'Arc, mais aussi dans un
autre registre, Jacques Coeur et aussi la dame de Beauté
Agnès Sorel. C'est à Bourges que va naître
le dauphin, le futur roi Louis XI
.
Avec sa cathédrale, puis le Palais du duc Jean de Berry,
et la Sainte Chapelle, avant le Palais de monseigneur l'Argentier
Jacques Cur, c'est une ville somptueuse de 30 000 habitants
Afin de permettre de bien comprendre cette
période, voici quelques dates repères sur les rois
de France de la fin du XIV ième siècle du XV ième
siècle qui est vraiment celui de Jacques Coeur.
Jean II le Bon ( 1319 - 1364) est roi de
France, c'est lui qui est battu à Poitiers en 1356, et
fait prisonnier, il meurt à Londres en 1364.
Charles V le Sage, né à Vincennes
en 1338, il meurt à Nogent en 1380, il est le fils aîné
de Jean le Bon, et donc frère du duc Jean de Berry.
Charles VI le Fol, il est né à
Paris en 1368, devint roi en 1380, et meurt en 1422, il va régner
42 ans
pour un roi fou, ce n'est pas mal.
Charles VII le Victorieux (ou le Bien Servi),
il est né en 1403 à paris il est le fils de Charles
VI le roi fou et d'Isabeau de Bavière. Il est reconnu
roi par certains en 1422, mais se fait sacrer à Reims
en 1429, avec Jeanne d'Arc. Il meurt à Mehun du Yèvre
en 1461, il a régner lui aussi près de 40 ans,
c'est " le petit roi de Bourges ".
Louis XI, le fils détesté
de Charles VII est né à Bourges en 1423, et il
meurt en 1483, après un règne de 22 ans puisqu'il
a été roi à la mort de son père en
1461.
Charles VIII, dit parfois l'affable, a
peu régné une15 ans de 1483 à 1498, il était
né à Amboise en 1470, il eut pour épouse
Anne de Bretagne.
Louis XII, le Père du Peuple, est
né à Blois en 1462, il meurt à Paris en
.
1515 !
JACQUES CUR,
LES JEUNES ANNEES
Quelques questions sur ce personnage, qui
deviendra emblématique à Bourges plus de 6 siècles
après sa naissance.
Première question, Jacques Coeur
est-il né à Bourges ?
Seconde question : est-il né en 1400 ?
Troisième question : est-il né en haut de la rue
d'Auron à Bourges comme le stipule une plque commémorative
?
Jacques Cur est bien né
à Bourges
Jusqu'à ces dernières années,
beaucoup d'inconnues subsistaient sur la date et le lieu de naissance
de Jacques Cur. Il était né à Saint-Pourçain
ou à Bourges, parfois même à Montpellier
! et il y avait toujours un doute chez les Berrichons qui exigent
des preuves avant de prendre parti.
Il faut savoir qu'il n'existe aucun document de cette époque,
dans les archives locales ou nationales qui prouvent cette naissance
en Berry, car à cette époque, hormis pour les "
grands " et les nobles du pays, il n'existait pas de registre
des naissances.
C'est donc d'une manière indirecte
que cette naissance est attestée à Bourges, à
partir de l'histoire de ses parents.
Pierre Cur, son père, originaire
de Saint Pourçain s'installe à Bourges, comme marchand
pelletier. Bourges est alors une ville importante dans laquelle
le commerce est florissant. Ce devait être avant 1400,
probablement vers 1392/98.
Il va épouser la veuve d'un boucher,
Jean Bacquelier, mort récemment, sans doute entre 1395
et 1400. Cette veuve dont on ignore le prénom avait eu
un enfant, Jean Bacquelier, fils de son père Jean, et
né vers 1395 et mort, là, c'est une certitude en
1475, comme chanoine. Les bouchers formaient une corporation
riche et renommée au Moyen Âge.
Donc, la veuve Bacquelier se marie avec Pierre Cur, et
ils ont deux fils, Jacques, notre Jacques Cur et Nicolas
Cur né vers 1403.
(pendant longtemps, on a pensé qu'il s'agissait de la
fille ou de la sur de Jean Bacquelier, mais aujourd'hui,
cette hypothèse est abandonnée).
La maison de naissance de Jacques
Coeur
A
Bourges la maison de naissance de Jacques Coeur a longtemps fait
l'objet d'une belle plaque commémorative indiquant que
le futur Argentier était bien né dans cette maison
située à l'angle de la rue d'Auron et des Armuriers.
Et pourtant la réalité historique
est toute autre.
On retrouve dans les archives mise à jour par Jean Yves
Ribault, un Pierre Cur possédant une maison, en
1408, rue de la Parerie, et "sise près des étuves
de Montmarault", au bord de l'Yévrette.
L'Yévrette est une rivière artificielle qui partait
de la rue Charlet, boulevard Chanzy et passait rue Mirebeau,
l'Hôtel Dieu et allait se jeter dans l'Yèvre vers
la place Rabelais actuelle, on trouve cette rivière sur
le plan de Nicolas de Fer.
Aujourd'hui, cette rivière est busée et sa sortie
se fait en face du centre commercial Leclerc.
De plus, on retrouve la trace de cette même maison, dans
un texte de 1409, comme ayant appartenu aux héritiers
de "feu Jean Bacquelier". Et Pierre Cur est bien
un des héritiers de ce Bacquelier.
Il y a aussi à Bourges, une tradition dont nous parle
Raynal et qui évoque effectivement, mais sans apporter
de preuve, que Jacques Cur serait bien né au bord
de l'Yévrette.
Il y a donc une forte probabilité
pour que Jacques Cur soit né au bord de l'Yèvrette
à côté de l'Eglise Notre Dame, qui s'appelait
Saint Pierre le Marché, dans ce qui est aujourd'hui la
rue de la Parerie (plaque " rue Parerie "). Sa maison
natale aurait été détruite lors du grand
incendie de 1487. Il est vrai que l'incendie de la Madeleine
a détruit le quartier.
Aujourd'hui nous n'avons pas beaucoup d'autres solutions que
ce lieu de naissance.
Cette " maison natale " de Jacques
Cur située à l'angle de la rue d'Auron et
de la rue des Armuriers, est toujours largement photographiée
par les touristes?
Il s'agit d'un faux, que des générations de berruyers
ont colporté. Buhot de Kerser réprouve en 1883
l'existence de cette maison natale.
Plus proche de nous,
Edmont Jongleux, à qui nous devons beaucoup de textes,
écrit dans les années 1930 que dans cette belle
maison de la rue d'Auron, naquit Jacques Cur.
Il semble donc que jusqu'à ces dernières années,
cette maison d'angle, magnifique, et qui fut une pâtisserie
renommée avant de laisser la place à un Pub ait
passé pour être la maison natale de notre Grand
Argentier.
Pourquoi la plaque de naissance sur la maison du haut de la rue
d'Auron ? Simplement parce qu'elle fut propriété
des parents de sa future épouse.
En quelle année Jacques Cur
est-il né ?
C'est beaucoup plus difficile, et si l'on
dit par exemple en 1400 puisque Bourges a commémoré
les 600 ans de Jacques Cur en l'an 2000, encore faut-il
connaître le mois puisque le calendrier Julien commençait
l'année en avril.
Jean Yves Ribault affirme que Jacques naît en 1400 et son
frère Nicolas en 1403.
Le calcul fait pour déterminer la date de naissance mérite
que l'on s'y arrête :
La seule date connue avec précision sur cette époque
est 1446.
C'est en effet en 1446 que sur l'insistance de Jacques Cur,
alors puissant, une demande auprès du Pape de nommer son
fils Jean comme archevêque de Bourges. Mais ce dernier
est très jeune, il a 25 ans, et il doit attendre l'âge
canonique (27 ans) pour prendre sa charge.
Il est donc né en 1421.
Comme on admet qu'il est né immédiatement après
son mariage avec Macée de Léodepart, donc en 1420
et qu'il avait alors 20 ans, il est donc né en 1400. Irréfutable
?
Sans doute non, mais c'est une forte hypothèse.
La famille de Jacques Coeur vers
1400 :
Le frère cadet de Jacques Cur
se nomme Nicolas, prêtre et licencié en 1428, il
a donc environ 25 ans, ce qui le fait naître vers 1403,
un peu après son frère aîné.
Signalons que Jean Cur fera son entrée dans Bourges
comme archevêque le 5 novembre 1450.
Pour Philippe Carton, "Jacques Cur s'est marié
avec Macée en 1423, c'est une date bien connue et indéniable
!"
Cela signifie simplement que les dates
des jeunes années sont toujours à + ou - 2 ans.
L'enfance de Jacques Coeur
Que savons-nous de l'enfance de Jacques
Cour qui est développée dans le roman de Jean Christophe
Rufin, " Le grand Coeur " et pour laquelle, c'est un
peu l'inconnu.
On sait qu'il va suivre un enseignement
à l'Ecole de la Sainte Chapelle, son frère Nicolas
poursuivra ses études à Orléans et à
Paris. Il obtiendra une licence de droit.
Lorsqu'il a 14 ans, le petit Jacques est fils de marchand et
selon la tradition familiale veut être marchand lui-même.
Thomas Basin, chroniqueur de l'époque décrit Jacques
Cur comme "sine litteris", ce qui ne signifie
pas qu'il était illettré, mais qu'il n'avait pas
fréquenté l'université.
Cette enfance s'effectue dans le quartier
situé entre l'Eglise Notre Dame et le Palais du duc Jean
de Berry, c'est à dire dans un espace relativement étroit.
Cette église fut donc l'Eglise de
Jacques Cur et de sa famille, ils habitaient à 50
mètres de celle-ci, rue de Parerie. On imagine le jeune
Jacques assistant aux messes et vêpres
. Car la famille
était très chrétienne.
Ainsi son frère Nicolas sera chanoine et deux des fils
de Jacques Coeur entreront dans les ordres, nous en reparlerons.
Il fut aussi l'ami de plusieurs papes dont Nicolas V et Calixte
3.
Ils vivaient bien, ils étaient dans la corporation des
bouchers, par dame Bacquelier et ils tenaient le haut du pavé.
La fin de l'adolescence de Jacques
Coeur
A 18 ans, on peut penser qu'il s'agit d'un
solide gaillard, sa musculation venant de la manipulation des
ballots de cuirs et peaux.
LE BOURGES DE JEAN
DE BERRY LE GRAND MECENE
Les fastes du duc Jean de Berry à
Bourges
Tout
commence donc avec l'apanage qui est donné au troisième
fils de Jean le Bon, c'est en 1361 et c'est le duc Jean de Berry
né en 1340 qui prend possession de " ses terres ".
C'est le début d'une période faste avec le duc
qui est un ami des arts, on lui doit les livres d'enluminure
dont " les Très Riches Heures " par les frères
de Limbourg, des constructions comme le palais de Bourges encore
visible et la Sainte Chapelle aujourd'hui détruite, mais
c'est le constructeur du château de Mehun sur Yèvre,
une merveille parmi les merveilles.
Avec le duc de Berry commence la grande période de Bourges,
ce duc est à l'égal d'un roi, et sa cour est tout
simplement fastueuse. Il y entraîne le futur Charles VI
son neveu, fils de Charles V le frère du duc de Berry.
En 1380, Charles V meurt et laisse le trône à son
fils Charles VI.
Charles VI ne va pas laisser une grande image de roi dans la
population, c'est même l'inverse. En effet, c'est ce roi
qui devient malade et " fou " à partir de 1392.
C'est lui aussi qui a failli brûler dans un déguisement
de poix et de plume, lors du bal appelé " bal des
Ardents ".
Pourtant ce roi Charles VI va régner de 1380 à
1418, c'est à dire pendant une petite quarantaine d'années.
Le grand personnage du moment est donc
le duc Jean de Berry. C'est un mécène très
généreux, il commande beaucoup aux artistes, dans
tous les domaines, et c'est une réussite considérable.
Les sculpteurs, verriers, graveurs, enlumineurs et autres constructeurs
sont à Bourges et en Berry, et ils oeuvrent. Rarement,
l'Occident s'est trouvé dans une si courte période
aussi fécond dans le milieu de l'art.
Seule ombre au tableau : le financement. Il ne semble pas que
le duc Jean de Berry, pour construire son palais de Bourges ou
commander son tombeau visible en partie dans la crypte de la
cathédrale de Bourges ait " fait dans la dentelle
". L'argent, il le trouvait
et tous les moyens licites
et illicites étaient utilisés. C'est vrai que c'était
l'époque qui voulait cela, mais il allait sans doute un
peu loin, ce bon duc.
A Bourges et en Berry, le duc va créer des structures
administratives très efficaces, comme ce qui touche à
la justice et aux finances de son duché. En 1379, le duc
Jean constitue une chambre des comptes.
Jean de Berry
La ville de Bourges rayonne, et les spécialistes
affirment que la cité comprend près de 30 000 habitants,
du jamais vu jusqu'alors. Bourges qui sera à partir de
1418, un peu la capitale du royaume en est la troisième
ville juste dépassé en nombre d'habitants par Paris
et Beauvais.
Jean de Berry s'affirme comme un grand constructeur, certains
affirment que ce ne sont pas moins de 17 châteaux, palais
et autres demeures importantes qu'il fait édifier. Il
n'en reste pas grand chose aujourd'hui. On connaît par
exemple Poitiers, Lusignan, Riom ou Gien
et surtout Mehun
sur Yèvre, à une quinzaine de kilomètres
de Bourges, sur la rivière l'Yèvre.
La Sainte Chapelle
Le palais ducal de Bourges dans lequel
se trouve aujourd'hui des services du Conseil général
du Cher fut construit vers 1375, et jouxtant ce très grand
palais dont il ne reste qu'un tiers environ encore visible, il
fait édifier " la merveille des merveilles : la Sainte
Chapelle ". C'est sans doute le plus bel édifice,
avec la cathédrale jamais construit à Bourges.
La Sainte Chapelle date de 1405, le duc est âgé
et il veut en faire le lieu de sa dernière demeure, et
pour cela il demande à ses " artistes ", un
tombeau qui sera en marbre blanc avec le gisant du duc, et 40
pleurants en marbre et en albâtre.
Jean de Berry, est un homme de passions, mais pas de pouvoir.
Il aurait pu, compte tenu de la situation mentale de son neveu,
Charles VI, accaparer le pouvoir royal, ce qu'il ne fit pas.
Il laissa même gouverner dans certains moments délicats,
son frère, Philippe le Hardi, qui était le duc
de Bourgogne.
Homme de passion et de fidélité, après le
traité de Brétigny, en 1360, il fut prisonnier
dans la Tour de Londres, il avait 20 ans et resta 2 ans dans
cette geôle, alors que son épouse Jeanne d'Armagnac
l'attendait en Berry. Et lorsque son père Jean le Bon
retourna en prison dans la Tour de Londres, parce que son petit
frère s'était enfui, Jean de Berry accompagna son
père et demeura encore 3 ans prisonnier.
Les passions de Jean, c'est l'art sous
toutes ses formes, et aussi, la nature et par exemple, il aimait
courir la campagne, faire des chasses, et pour cela il possédait
une meute de près de 1500 chiens
. D'ailleurs, dans
ce domaines, il est presque l'inventeur des zoo et autres parcs
animaliers. A Mehun, il élevait toutes sortes d'animaux
plus ou moins tropicaux, comme des ours, son animal fétiche
avec le cygne, mais aussi des autruches et une girafe !
Parmi les autres passions du duc, il faut signaler les jeunes
femmes, et s'il n'était sans doute pas plus volage que
les nobles de cette époque, ses mariages avec des gamines
à un age avancé a fait beaucoup jaser dans la rue
du Vieux Poirier à Bourges.
Et la guerre fratricide continue
Tout ne va pas pour le mieux car l'assassinat
de Louis d'Orléans a une suite, et en 1419, alors que
les deux camps ennemis semblent se rapprocher, c'est un nouveau
drame.
Jean sans Peur, l'assassin de Louis d'Orléans est à
son tour trucidé par " la bande à Charles
", c'est au pont de Montereau que se produit le crime réalisé
par Tanneguy du Chatel, un des hommes de Charles, et bien entendu,
c'est ce pauvre Charles qui est accusé d'avoir assassiné
son cousin.
Il est aussitôt déshérité par sa maman,
Isabeau de Bavière qui lui en veut beaucoup et qui proclame
à tout vent que ce fils est un bâtard, ce qui va
affecter pendant plusieurs années le jeune Charles de
plus en plus recroquevillé sur lui-même.
Et Isabeau qui reste à Paris, alors que son régent
de fiston est toujours à Bourges ou en Berry, offre la
couronne du royaume de France à Henry V de Lancastre,
le roi d'Angleterre.
Charles dans ces années, file un mauvais coton, comme
l'on dit en Berry. Il est de plus en plus complexé par
cette rumeur sur sa " batardise ", et il se terre dans
le palais ducal de Bourges ou dans le château de Mehun
sur Yèvre.
Un moment de joie semble-t-il dans cette période "
pourrie ", il épouse le 22 avril 1422, sa copine
de jeu, Marie d'Anjou dont Chastelain fera un portrait peu amène,
disant " qu'elle avait un visage à faire peur aux
Anglais même ".
Marie d'Anjou, fille de Yolande d'Anjou, sera une reine effacée,
elle " fera dans la prière, le rouet
et les
enfants ". Charles lui fera 14 enfants en 23 ans.
La guerre continue, et Charles le régent
se sent à l'étroit dans son Berry. Aussi, avec
l'aide des écossais de Jean Stuart, il tente de reprendre
quelques villes comme La Charité ou Cosne.
Et puis tout arrive, puisque le 22 octobre
1422, le roi "fou", Charles VI meurt, et après
avoir convoqué les Etats Généraux des provinces
à Bourges, son fils Charles est proclamé roi de
France, en tout cas par ceux qui étaient venus en Berry
et qui ne représentaient pas la majorité. Car au
m^me instant à Paris se déroulait une autre cérémonie
qui proclamait roi de France
et d'Angleterre, le fils
de Catherine et de Henri V de Lancastre, qui s'appelait lui aussi
Henri.
La France avait 2 rois, Charles VII et Henri VI. Il y en avait
un de trop semble-t-il. Charles VII était un roi français
mais il n'avait autour de lui à Bourges qu'une poignée
de fidèles, et il était devenue par dérision
" le petit roi de Bourges ", et à paris, dans
une ville où sévissait la famine et dans laquelle
pénétraient les loups, un roi qui était
reconnu par la majorité des " grands " du royaume,
mais ce roi était anglais, et cela allait poser quelque
problème.
JACQUES COEUR ENTRE
DANS LA VIE D'ADULTE
Un mariage dans la haute bourgeoisie
1420, Jacques Cur
épouse Macée de Léodepart, c'est un beau
mariage, car sa belle est fortunée, Jacques Cur
accède à un premier rang social.
Or cette maison, vers 1400 appartenait
à Lambert de Léodepart, un berruyer d'origine flamande
qui était le prévôt de la ville de Bourges.
Il avait la puissance et les honneurs, ayant un titre très
envié, celui de "valet de chambre du duc de Berry",
une sorte de chef de cabinet comme l'on dirait aujourd'hui.
Sa famille, de Léodepart avait commercé
dans le drap de laine et comme à cette époque,
les foires de Bourges étaient célèbres,
il était venu
et sans doute il était resté
sur place. Il avait en outre épousé la fille du
maître des monnaies de la ville.
Et c'est sans aucun doute son beau père qui va mettre
le pied à l'étrier des affaires à son gendre.
Cette maison actuelle date du XVI ème siècle, elle
a été reconstruite nous dit-on à la suite
de l'incendie de 1487. Mais, ce n'est pas si simple puisqu'une
étude de l'Université Populaire faite en 1987,
montre que l'incendie n'a sans doute pas touché ce secteur.
Il reste encore beaucoup d'incertitudes sur la destruction de
la bâtisse.
D'où vient la confusion de cette maison et de celle de
Jacques Cur ? Sans doute de la présence du petit
jacques à partir de 1409 dans
. la maison d'en face.
Le père Coeur, pelletier, dans ce lieu, avait acheté
ou loué, on n'en sait pas plus, deux maisons, la première
pour faire boutique, et la seconde pour habiter avec sa petite
famille. L'opération se déroula le 20 juillet 1409,
et elle se fit avec Guillaume Bonnet, cordier de son état.
Jacques Cur à son mariage
vers 1420 restera dans ce même quartier, on ne sait pas
trop où. C'est sans doute dans une maison attenante à
celle de son père ou de son beau père.
Et après son mariage, on ne sait
pas combien de temps après, il va venir vivre avec son
épouse, c'est une maison à l'angle de la rue des
armuriers et de la rue de Linière, en face de l'actuelle
bibliothèque des 4 Piliers. Mais on ne sait pas depuis
quand......
En effet, Jean-Yves Ribault puis Jacques
Heers affirment qu'en 1436, Jacques Coeur a 36 ans, il a une
femme, Macée de Léodepard et plusieurs enfants.
Il habitait dans une des maisons nouvellement construites ;
Il restera dans ce lieu de nombreuses années, jusqu'à
la construction à partir de 1443 de la Grant' maison.
De 1395 ou 1400 jusqu'en 1429, il n'existe
aucun document évoquant Jacques Coeur, sur une existence
de 56 ans environ, cela représente la moitié du
temps de sa vie dont nous ignorons totalement ce qu'il a fait.
Cela ouvre la porte aux supputations, légendes et au roman.
Les enfants de Jacques Coeur connus:
On connaissait de manière précise
5 enfants du couple Jacques Coeur et Macée. il s'agit
de :
Jean = né en (ou vers) 1421, il
est le plus connu des enfants de Jacques Coeur, il deviendra
archevêque de Bourges, Ce sera, malgré son jeune
âge, un très bon archevêque. Il meurt en 1483.
Henri = il est né vers 1429, il
deviendra lui aussi un homme d'église. Il sera chanoine
puis Doyen du chapitre de l'Eglise de Limoges, chanoine de la
Sainte Chapelle de Bourges. Après la mort de l'Argentier,
il obtiendra du Pape l'autorisation de ramener le corps de son
père en France.
Geoffroy ou Geoffrey = sera un échanson
du roi. Il fera carrière dans les offices du roi, un fonctionnaire
en quelque sorte. Il épousera en 1463 Isabelle Bureau,
qui était la fille du grand maître de l'artillerie;
Jean Bureau, seigneur de Monglas. Il meurt en 1488.
Les ancêtres du grand argentier viennent du côté
garçon de cette branchede Geoffroy : 10 000 descendants
ont été présentés le 18 novembre
2000. On trouve des descendants de Jacques Cur dans les
familles de Vogüé, de Peyronnet, de la Rochefoucauld,
de Rohan-Chabot, mais aussi de la Panousse, de Robien, de Broglie,
Guéné, de Dieuleveut,
etc.
Ravand (ou t) = on ne sait pas grand chose
de ce fils, qui a travaillé semble-t-il avec son père,
ce sera le seul. (le prénom, peu courant venait de Ravant
le Danois, qui a pu être son parrain). On le retrouve en
Italie lorsque Jacques Cur fit commerce avec "la Bogetta
della seta" à Florence. C'est Ravant qui "prit
possession de draps pour une expédition en Catalogne (JH).
On le retrouve sur le navire "Notre Dame Saint Jacques"
en 1445.
Par contre, Ravant lors des difficultés familiales va
se désolidariser du reste de la famille. Il viendra crier
misère auprès du procureur Dauvet affirmant que
ses frères l'avaient chassé. "Ravant Cur
qui me dist qu'il n'avoit de quoy vivre ni de quoy avoir des
vestements et aultres habillements de sa personne". Dauvet
lui octroya 500 livre, et nul n'en entendit parler. Ravant, c'est
un mystère.
Perrette = la seule fille de la famille,
elle fera un beau mariage avec Jacquelin Trousseau en 1447 .
Ce Jacquelin Trousseau fils d'Artault, or cet Artault, viconte
de Bourges était le propriétaire du château
de Bois-Sir-Aimé, lieu de résidence de Charles
VII et d'Agnès Sorel. Ce château qui était
en très mauvais état fut réparé par
l'Argentier sur son argent propre.
Jacques Coeur a-t-il eu d'autres enfants
? Nous ne le savions pas jusqu'en 2009. Il était courant
à l'époque d'avoir plus d'enfants, car beaucoup
dans ces temps d'épidémies mourraient jeunes. Ce
fut sans doute le cas, mais aucun document n'en fait état.
Sauf que M Alain Galan nous a fait parvenir
en avril 2008 des documents importants qui montrent qu'une fille
de Jacques Coeur, Geoffrette avait été mariée
à un membre de la famille de Jean de Cambray.
Geoffrette = qui va épouser Jean
de Cambrai (pannetier du roi ?) lequel était le fils d'un
personnage célèbre Jean de Cambrai, sculpteur et
à qui l'on doit le gisant du duc Jean de Berry et qui
épousa Marguerite de Chambellan et ils eurent des denfants
dont Jean de Cambrai et son frère Etienne de Cambrai qui
fut évêque d'Agde mort en 1462. (comme Nicolas Coeur,
il fut très actif à la cour de Rome).
Charles VII, roi berrichon et tourangeau
Jacques Coeur aurait
pu devenir un marchand comme son père, et comme beaucoup
d'autres, si le dauphin, devenu roi à la mort de Charles
VI et ensuite couronné à Reims en 1429, n'avait
choisi la cité de ce fils de peletier comme capitale d'un
royaume, devenant de manière dérisoire aux yeurx
de ses adversaires, "le petit roi de Bourges".
On raconte que le roi Charles VII avait
peur de tout, et il avait sans doute un peu raison. Lors d'un
voyage, alors qu'il était dans une grande pièce,
le plancher s'effondra et il en réchappa par miracle.
Alors, il revint à Bourges et resta dans cette ville protectrice
le maximum de son temps. De 1422 à 1437, c'est à
dire pendant 15 ans, il fit de Bourges sa capitale pais surtout
son point d'attache.
Progressivement, il mit en place une véritable cour, même
s'il vivait à crédit et que cette cour était
quelque peu piteuse
. C'est le chapitre de la cathédrale
qui réglait certaines dépenses, la rumeur affirmait
que le poisson à Carême venait des chanoines
.
Et puis le 3 juillet 1423, c'est la joie au palais de l'archevêque
de Bourges en face de la cathédrale Saint Etienne. Le
palais royal étant alors en réparation, c'est dans
ce palais archiépiscopal que logeait alors le roi et la
reine, et cette dernière mit au monde un garçon
que l'on prénomma Louis, c'était le premier enfant
du couple, et ce sera le futur Louis XI. En regardant les premiers
instants de vie de ce nouveau né, Charles VII n'imaginait
pas que ce bébé, une fois grand serait son ennemi
le plus redoutable !
Louis fut aussitôt baptisé dans la cathédrale
de Bourges et son parrain fut le duc d'Alençon.
Le roi ne pouvait jamais partir très longtemps, lorsqu'il
quittait Bourges, c'était pour revenir rapidement, car
une catastrophe s'était produite.
Ainsi, avec un entourage turbulent, ne sachant pas choisir ses
" vrais amis ", le roi n'était pas au mieux
de sa forme, l'épisode d'un de ses favoris, le sire de
Giac qui fut jeté dans l'Auron, dans un sac cousu, et
en mourut est symptomatique du climat de l'époque.
Lorsqu'il était à Poitiers, c'était en 1428,
le connétable de Richemont qui avait un temps aidé
Charles VII, sentait que ce dernier était en difficulté,
il prit Bourges et la Grosse Tour, et lorsque Charles VII revint
du Poitou, la ville n'était plus à lui. Il s'arrêta
dans les faubourgs du Château, aujourd'hui, vers la route
de Dun, et négocia pour qu'on lui rendit sa ville
.
Ce qui fut fait. ( à confirmer)
A partir de ces années 1427/29/32
... l'historien commence a avoir quelques données plus
précises et plus fiables, par rapport au quart de siècle
précédent.
1427 (vers 1425 ?) Jacques Coeur
entre dans la vie active
Vers 1425, la date n'est pas connue, qu'il
se retrouve à gérer avec des associés l'atelier
monétaire de Bourges.
Il travaille alors avec Ravand le Danois dans un change situé
du côté de la place Gordaine de Bourges.
Nous ne savons pas comment il a obtenu cette charge importante
dans une cité où séjournent les grands du
royaume, sans doute un coup de pouce de son beau-père,
Lambert de Léodeppart, qui était prévôst
ou encore par son père qui était un commerçant
de premier plan. Mais il ne s'agit que de supputations.
On ne sait pas grand chose de cette période
jusqu'en 1429, où il est arrêté et condamné
pour malversation dans la frappe de la monnaie, il devait mettre
moins de métal précieux dans les pièces
qu'il frappait....
Et pourtant, intervention familiale ou
une bonne défense, toujours est-il que le 6 décembre
1429, le roi Charles VII lui accordait des lettres de rémission,
et il va continuer à s'occuper pendant plusieurs années
de la Monnaie de Bourges comme l'écrit Georges Minois.
D'ailleurs, ses associés devaient
avoir les mêmes faveur puisque Ravant le Danois deviendra
général maître des monnaies de 1435 à
1461.
Il apparaît même que le lien entre cet associé
et Jacques Coeur aura beaucoup d'importance dans le reste de
sa carrière.
1429 - 1431 : Et voici Jeanne d'Arc
Alors que le jeune Jacques Cur, il
a moins de 30 ans frappe monnaie avec deux associés, du
côté de la Place Gordaine, il va avoir quelques
problèmes en fabriquant de la monnaie à un titre
un peu trop bas par rapport à la loi.
Il aura de la chance puisque le roi qui aurait pu l'envoyer aux
galères va finalement le laisser libre. Mais il traverse
sans doute une période difficile.
Les anglais sont très présents dans cette guerre
dite de " 100 ans ", et ils se maintiennent au nord
de la Loire, mais ne rêvent que de conquérir Bourges
et le Berry. Le roi Charles cherche une solution, et pour cela
à l'automne 1427, il réunit les Etats généraux
à Chinon afin de délivrer des villes comme Orléans,
Beaugency, Jargeau, Meung sur Loire
toutes ces villes
sont plus ou moins assiégées par les anglais.
L'épopée de Jeanne
d'Arc
Et puis c'est 6 mars 1429 ce jour connu
par tous les enfants de France, voit l'arrivée d'une très
jeune fille, ayant pour nom Jeanne d'Arc dite, la " pucelle
". Elle rencontre Charles VII à Chinon et après
une entrevue bien mystérieuse, entre le roi et Jeanne,
elle réussit à le " regonfler " et elle
obtient qu'il s'engage à bouter " l'anglois "
hors de France. C'est ce qui sera fait quelques mois plus tard.
Que peut dire l'Histoire sur cette conversation ? Il semble que
la jeune fille mue par Dieu ou une psychologie de haut niveau
ait réussit à redonner confiance à ce roi
faible et malingre. Qu'à pu lui dire Jeanne ? Sans doute
a-elle affirmé que les voix de Dieu qu'elle avait entendu
à Domrémy lui avaient dit que le roi était
bien légitime et le fils de son père le roi et
non le bâtard que sa mère évoquait
..
Et puis c'est une des pages les plus connues de l'Histoire, avec
l'épopée de Jeanne d'Arc en Val de Loire, et à
Bourges. Car ce qui est moins connu, c'est la présence
très longue de Jeanne d'Arc à Bourges, elle y vint
à plusieurs reprises.
Le 8 mai 1429 la ville d'Orléans est délivrée
par Jeanne et ses compagnons : Etienne de Vignolles dit La Hire,
le Bâtard d'Orléans (comte Dunois), Gilles de Rais,
Poton de Xaintrailles ou Saintrailles, le duc d'Alençon
et bien d'autres
.
Et sur la lancée d'Orléans, juste avant l'été,
en juin 1429 ce sont les villes de Jargeau, Meung sur Loire et
Beaugency qui sont aussi délivrées. Jeanne d'Arc
est en train de gagner son pari, et elle entraîne Charles
dans la victoire.
Jeanne poursuit ses combats et elle gagne, c'est ainsi que se
déroule un 18 juin 1429 la bataille de Patay, c'est une
victoire décisive en rase campagne du camp de Charles
VII et des Armagnac. L'effet Jeanne la Pucelle se poursuit et
dynamise les armées qui lui reconnaissent un pouvoir divin.17
juillet 1429 Jeanne conduit Charles à Reims pour le faire
sacrer roi de France. Son armée a franchi la Loire sans
être inquiétée par les Anglo - Bourguignons.
Pour être reconnu roi de France, Charles doit recevoir
l'onction avec l'huile de la sainte ampoule en la cathédrale
de Reims, c'est la coutume pour tous les rois de France.
23 mai 1430 Jeanne est faite prisonnière à Compiègne
par les hommes de Jean du Luxembourg, allié du duc de
Bourgogne. Il la vend aux anglais qui la conduisent à
Rouen, où elle sera jugée pour hérésie
et sorcellerie par l'évêque Pierre Cauchon.
30 mai 1431 Jeanne est brûlée vive sur la place
du Marché de Rouen. Charles n'a rien fait pour la secourir,
mais le pouvait-il ? Seuls Gilles de Rais et peut-être
la Hire ont essayé de la libérer, sans succès.
Jeanne d'Arc et Jacques Cur
à Bourges
Comme le rapporte Jean Yves Ribault dans
un article fort documenté, la question centrale, c'est
de savoir si ces deux personnages qui vivaient en même
temps autour du roi, et donc à Bourges se sont rencontrés.
Jeanne d'Arc dont la vie "publique" est extrêmement
courte, deux ans pas plus, a passé de longs moments à
Bourges. En particulier au cours de l'automne et de l'hiver 1429
- 1430.
Nous sommes devant la maison de Marguerite la Touroulde, qui
est l'épouse d'un fonctionnaire des finances royales,
cette dame s'occupa avec beaucoup d'attention à Jeanne
d'Arc, et c'est ici que loge la pucelle.
Jacques Cur a une trentaine d'années, ce n'est pas
un "gamin", mais il n'est que le fils d'un marchand
aisé, et son beau-père est une personnalité
locale importante.
Jeanne d'Arc et La Touroulde qui avait épousé un
fonctionnaire des finances royales, c'est ici que logea la pucelle.
Elle était très célèbre et chacun
de ses déplacements en ville donnaient lieu à des
attroupements. C'était une intense curiosité, et
les femmes apportaient leurs enfants pour que Jeanne les bénissent.
Des commères l'assiégeaient pour lui faire toucher
leurs patenôtres, et la jeune fille repoussait tout ce
monde, avec un peu d'agacement, sans doute de colère .
Elle répondait assez souvent d'un "Touchez-les vous-même,
ça fera le même effet".
Sa vie à Bourges devait lui pesait, elle n'aspirait qu'à
poursuivre le combat et l'inaction ne devait pas être dans
son tempérament.
Elle poursuit son uvre ou son destin en allant sous les
murs de La Charité dès le 24 novembre 1429, mais
la ville résiste et Jeanne du reculer à Noël.
Je ne la reverrai jamais.
Le jeune Jacques Coeur depuis plusieurs années, sans doute
depuis 1427 est associé-gérant de la Chambre des
monnaies de Bourges, une entreprise, semi-publique et semi-privée.
Il frappe monnaie pour le compte du roi de France.
Jacques Coeur n'est donc pas très connu en 1429, il est
à la veille de devenir un grand négociant, il a
de l'ambition, il a trouvé la faille entre l'entreprise
privée et l'entreprise publique, il est proche de la réussite
sociale.
Dans les rues de Bourges à l'automne 1429, Jeanne d'Arc
qui n'a que 17 ans est déjà une figure de légende.
Le 8 mai 1429, Jeanne d'Arc a fait lever le siège d'Orléans,
redonné confiance à la France et au Roi, elle a
dirigé plusieurs campagnes guerrières sur les bords
de la Loire et enfin, elle a conduit tout simplement le Roi à
Reims pour qu'il soit couronné le 17 juillet. Un exploit
lorsque l'on connaît l'état de non-sécurité
des routes du royaume.
Pourtant l'étoile de la jeune pucelle donne des signes
de faiblesse, le 8 septembre, devant Paris, elle doit reculer
et blessée, elle doit revenir sur l'arrière à
Bourges, un peu contrainte par le Roi.
Jeanne d'Arc pendant plusieurs mois à Bourges en 1429
et 1430 a certainement rencontré Jacques Cur, on
n'en a aucune trace écrite, mais il faut savoir que sur
Jacques Cur en cette période, on ne sait pas grand
chose.
Jean Yves Ribault affirme "qu'il serait inconcevable de
penser qu'il ne l'a pas croisée, aperçue, connu
son aventure, été attentif à ses faits et
gestes, à ses combats, à sa mission, en un mot
et à sa triste fin dans les mois qui suivirent".
Il apparaît donc fort probable que Jacques Cur, comme
d'autres berruyers ait vu les attroupements et se soit approché
de la jeune fille, sans pour autant l'importuner.
Mais une rencontre formelle entre Jacques Cur et Jeanne
d'Arc parlant de Charles VII, au pied de la cathédrale
Saint Etienne a du être un grand moment, s'il s'est produit.
Quant à Marguerite, elle va assister et parler lors du
second procès, et elle confirmera que la petite était
pucelle, puisqu'elles couchaient souvent dans le même lit.
Charles VII à Bourges
Charles VII est arrivé
à Bourges en 1418, il vient de Paris chassé par
les "Bourguignons", il est très jeune et un
peu instable. C'est ujn jeune homme sur la défensive,
il craint à tout moment d'être assassiné,
car deux éléments sont intervenus dans sa vie :
- Il est le fils de Charles VI, mais pour
beaucoup à la cour, et les rumeurs se propagent vite,
il est un bâtard, et la couronne ira à Henri V et
non a lui. Il a vu mourir aussi ses deux frères aînés.
- C'est un jeune homme qui ne croit pas
en lui, il a le goût de la solitude, c'est un personnage
méfiant de tout, très inquiet à table quant
il ne connait pas une personne par exemple.Georges Minois affirme
qu'il avait des terreurs maladives.
Mais à côté de cela
et au fil du temps, ce dauphin va évoluer. Il avait un
jugement souvent droit, de l'affabilité, mais aussi le
goût des choses de l'esprit. Il peut avoir de l'énergie,
et si il participe à des combats, la guerre n'est pas
trop son "truc".
Sur le plan physique, ce n'est pas un bel
home, pas un Apollon, mais il a la jeunesse avec lui. Et puis
il s'habille de manière simple. Les chroniqueurs l'ont
décrit avec partialité ou réalisme, on ne
sait pas trop. Voici un des portaits : "Toute sa vie, il
fut grèle et malingre, il avait les jambes courtes, les
genoux cagneux, une démarche disgracieuse.
Il fait vieillot et fatigué. il
a le nez long, la bouche épaisse et sensuelle, la mâchoire
forte, les yeux petits et troubles...
Il a les plaisirs de ses 20 ans lorsqu'il
est à Bourges, où il vit dans le palais de son
oncle, le duc Jean de Berry, avec la Sainte Chapelle, mais il
vit le plus souvent à Mehun sur Yèvre. Il n'aime
pas trop les villes, par exemple, à Tours, il préfère
aller dans des manoirs voisins de la grande ville. Comme plus
tard, Bois-sir-Amé à quelques lieues de Bourges.
C'est un roi nomade, il reste peu en place,
sans doute la crainte, et donc un besoin de sécurité.
Son entourage est qualifié souvent
de douteux, mais il doit bien s'appuyer sur des conseillers.C'est
encore le temps des rivalités, des parasites et des complots.
C'est l'époque.
Pourtant, il va multiplier les conquètes
amoureuses, même si être roi, ça aide, il
devait tout de même posséder un certain charme.
Et pourtant, Charles VII fera preuve à
certains moments de son existence d'une rare énergie,
et réussira à faire la paisx avec Bourgogne et
à chasser les Anglais devenant le "Victorieux".
Les vrais débuts
" professionnels " connus de Jacques Coeur
1430 - 1440
Après
l'épisode malheureux de 1429, et de la monnaie de "mauvais
alois" qui aurait pu valoir à Jacques Coeur les galères,
commence la vraie aventure commerciale et industrielle de cet
homme qui a sans doute bénéficié alors de
l'aide de son beau père.
Toujours est-il qu'à partir de cette
date, on commence a avoir de vraies documents sur le futur Argentier
de Charles VII.
1430 : Première compagnie
commerciale
Mais de 1429 à 1432, Jacques Coeur
se fait sans doute " tout petit " .
C'est en 1430 que Jacques Coeur qui vient
de se sortit d'une mauvaise passe, se lance dans la création
d'une compagnie, société commerciale, pour prendre
un vocabulaire actuel, avec des associés, les frères
Godard, Pierre et Barthélemy.
Cette structure avait pour objectif de
fournir au roi et à la cour toute sorte de produits que
l'entourage du roi se disputaient.
Pour le roi, qui avait aussi quelques besoins,
et qui n'avait pas beaucoup d'argent, il " payait "
en privilèges, comme des exonérations ou des patentes.
C'est alors que l'on a, de manière
indirecte, la preuve d'un grand voyage de Jacques Coeur au Levant,
dans un périple qui aurait pu très mal tourner.
Et ce premier voyage connu reste un mystère pour les historiens.
1432 : Un premier voyage au Levant
Jacques
Cur devient un commerçant à une échelle
beaucoup plus ample que ses concurrents français de l'époque.
Il rêve sans doute de rivaliser avec les Médicis
de Florence ou les marchands de Gênes ou de Venise.
Son premier voyage connu dans les pays
du Levant se déroule en 1432
Ce voyage reste aujourd'hui encore un mystère.
On ne sait pas ce qu'il a ramené, sinon une stratégie
d'approche de ce commerce. Le retour sera délicat, il
fera naufrage au large de Calvi, fait prisonnier, et rendu contre
une rançon assez faible, ce qui signifie qu'à cette
époque il n'était pas considéré comme
un personnage important.
L'épisode de la "fausse monnaie"
d'ailleurs ne remet pas en cause les fonctions de Jacques Cur
puisqu'il garde la maîtrise de son atelier de change jusqu'en
1436 avant un court passage à la monnaie de Paris, qui
venait d'être libérée de l'occupation anglaise.
C'est le premier aspect.
C'est à ce moment que l'on voit
apparaître la mer et les navires pour la première
fois dans la vie du futur argentier.
Il vient à peine de se sortir d'un mauvais pas qu'on le
retrouve à Damas en cetet année 1432.
C'est un mystère aujourd'hui encore de savoir ce que fait
ce berrichon, un terrien Jacques Cur fait si loin de ses
bases.
Plusieurs hypothèses avec de parler
plus en détail de ce voyage :
- Tout d'abord, dans les livres, on peut
lire depuis très longtemps qu'il est au Levant pour mettre
en place une flotte de navires afin de faire prospérer
son commerce qui était jusque là terrestre.
Il vient de commencer la mise en place de sa Compagnie commerciale,
et il veut aller plus loin. " Il vise plus haut ",
le grand commerce international est totalement pris en main par
les différentes cités italiennes comme Gène
ou Venise, ....
Aussi, on peut penser que ce premier voyage en Orient va lui
permettre d'étudier les possibilités réelles
de ce commerce et il s'en va pour nouer des contacts comme l'affirme
Georges Minois.
C'est peut être vrai, mais ses premiers navires qui feront
ce type de commerce sur cette mer Méditerrannée,
les galées dites de monseigneur l'Argentier, ne sont en
place qu'en 1444, c'est à dire 12 ans plus tard !
Il semble de moins en moins crédible de penser qu'il est
allé voir comment commercer. Sinon, il n'aurait pas attendu
12 ans avant d'en tirer les conséquence et créer
une petite flotte de galées.
- Sur ce voyage, des spécialistes
ont songé à une expédition très personnelle,
de dévotion vers les lieux saints, une sorte de pèlerinage.
C'est une repentence, lui le croyant après ses turpitudes
financières. Il faut retrouver le vrai chemin et rien
de tel que d'aller sur les pas ou presque de Jésus.
- Ce qui semble plus probable, ce serait
la fonction d'un Jacques Cur diplomate, ce qu'il deviendra
15 ans plus tard. Et il était peut être tout simplement
en mission diplomatique, mais cette fois pour le compte du duc
de Bourgogne. A cette époque Jacques Cur se cherche
et si Charles VII l'a sauvé, peut-être cherche-t-il
d'autres appuis. Certains à cette époque, du côté
de Bourgogne travaillaient sur une future croisade.
Ce qui est certain toutefois, c'est que
lorsqu'il va créer les galées de commerce, il utilisera
ses vieux souvenirs de ce voyage, mais pas plus.
Le voyage de 1432
Nous sommes renseignés sur ce voyage
par le naufrage du retour de ce navire devant Calvi et d'une
manière très inattendue, nous avons un témoignage
sur son passage à Damas, dans le récit d'un écuyer
du duc de Bourgogne Philippe le Bon qui avait été
envoyé par son maître dans cette région,
au moment où il y avait déjà des bruits
de croisade et cet écuyer s'appellelait Bertrandon de
la Broquière.
Jacques Coeur quitte Bourges et il s'embarque
à Narbonne en 1432 pour ce voyage au Moyen-Orient en compagnie
de marchands languedociens. Il avait prit place dans un navire,
la "Sainte Marie et Saint Paul" qui appartient à
Jean Vidal, un bourgeois de la ville de Narbonne. Souvent, ce
navire était loué par des marchands de Narbonne,
mais cette fois en mai 1432 lorsque le navire quitte le royaume,
Jacques Cur est avec des négociants de Montpellier,
il s'agit de Secondino Bossavini, Louis et Paul Dandréas,
Philibert de Nèves, et d'un commerçant d'Agdes.
Cette " galée " de Narbonne, on ne sait pas
trop à quel type de navire elle appartient, il s'agit
d'une nef, d'une galée, ou d'une galéasse et pourquoi
pas une coque ?
Habituellement, un navire va de Narbonne
à Alexandrie en 25 jours environ, selon le temps. Afin
d'éviter les risques de piraterie car il faut naviguer
au plus près des côtes et non en pleine mer.
En réalité, les historiens ne sont pas tous d'accord,
pour notre part, nous suivrons les écrits de Jacques Heers,
pour qui le navire est allé à Beyrouth et là,
il a débarqué Jacques Cur, lequel s'en est
allé à Damas, pendant que le navire allait à
Alexandrie.
La présence de Jacques Coeur nous
vient plus tard. Le duc de Bourgogne était en train d'assiéger
une ville du nord de la Côte d'Or dans l'Aube d'aujourd'hui,
un peu avant la signature de la paix d'Arras qui mettra fin au
conflit entre le roi de France et le duc de Bourgogne et il reçoit
de ce Bertrandon de la Broquière dont le costume oriental
est particulièrement frappant, un témoignage dans
lequel il déclare :
" Quant nous fûmes venus
à Damas, nous y trouvâmes plusieurs marchands français,
vénitiens, génois, florentins et catalans, entre
lesquels il y avait un français nommé Jacques Cur
qui depuis a grande autorité en France et a été
Argentier du roi".
Lequel nous dit que la galée de Narbonne sur laquelle
Jacques Cur avait navigué, qui était allée
en Alexandrie et devait revenir à Beyrouth, aider lesdits
marchands français pour aller acheter denrées comme
épices et autres choses pour mettre en ladite galée".
Ce qui est troublant, c'est que Jacques
Cur lorsqu'il rencontre ce Bertrandon de la Broquière,
ne parle pas de commerce ou de marchandise. Il dit simplement
qu'il retourne de Damas à Beyrouth afin de retrouver 4
compagnons qui ne sont pas des commerçants mais des nobles
bourguignons.
Il retrouve ainsi André de Toulongeon, un homme important
de Philippe de Bourgogne, venu voir comment préparer une
expédition armée, et non pas vendre du gingembre.
Mais aussi Pierre de Vaudrey, officier du duc de Bourgogne, un
homme mystérieux qui " alla en 1444 en certains lieux
pour matières secrètes touchant les affaires dont
monseigneur ne veut autre déclaration ".
Deux autres nobles bourguignons sont aussi de la partie.
Alors Jacques Cur était là,
comme les 4 autres, pour une mission qui n'avait rien de commerciale,
mais diplomatique ou l'idée d'un pèlerinage, et
certains pensent à une enquête : s'informer sur
les musulmans en Orient était un sujet qui intéressait
beaucoup Philippe Le Bon, il voulait savoir les chances de réussite
d'une nouvelle croisade. Il était à la tête
des grands projets sur une possible intervention au Levant.
La Corse, Calvi et la Tempête
Le retour de Damas fut pour un premier
voyage plein de surprise, et il semble que Jacques Cur
aurait pu rester ainsi un inconnu de l'Histoire, mais il a eu
de la chance.
Que s'est-il passé ?
Et bien avec Jean Vidal comme capitaine, le navire revint de
Beyrouth, et arriva vers la Sicile. Mais nous sommes en novembre
et les tempêtes en Méditerranées peuvent
être redoutables, et c'est ce qui va se passer.
Il s'agissait de longer les côtes de Corse qui était
sous la domination de Gênes, pour rejoindre la côte
de Nice et poursuivre vers Narbonne.
Et c'est ainsi que le navire fit naufrage au large de Calvi.
On a plusieurs versions, dans une, le navire
va s'échouer et une chaloupe sera mise à la mer
pour aller chercher du secours. Dans une autre version, le navire
va couler et les hommes vont se retrouver sur le sable ou les
rochers de Calvi.
Au lieu de leur porter secours, le capitaine de la forteresse
de Calvi Raynuxto de Marcha, fait arrêter tout ce beau
monde de la galée, et enferme les naufragés dans
un cachot. Jean Vidal, le capitaine, mais aussi le propriétaire,
Augustin Sicard, les marchands dont Jacques Cur et le reste
de l'équipage. " Ils se saisirent de leurs personnes,
et de tous leurs biens, qu'ils avaient avec eux ". Ensuite,
ils allèrent piller le navire.
Jean Vidal resta prisonnier pendant 14 mois. Et il ne fut libéré
que contre 800 ducats, alors que le propriétaire, qui
ne valait pas très cher, fut relâché contre
100 ducats.
Et Jacques Cur ? il fut libéré contre quelques
ducats.
D'ailleurs tous furent dédommagés, par un système
d'assurance, très moderne et c'est la cour d'Aragon qui
paya, on dirait " sur facture ".Ainsi Jean Vidal reçut
2224 livres tournois, Sicart 350 et notre Jacques Cur 27
livres. Une somme très inférieure à ce que
reçurent les autres marchands qui étaient à
bord.
Cela signifie que Jacques Cur en
1432 ne comptait pas, qu'il n'avait aucune valeur et surtout
qu'il n'avait pas fait d'affaire à Damas, en tout cas,
il ne rapportait rien.
Pour Jacques Heers, Jacques Cur en 1432 n'est pas allé
au Levant pour acheter des épices ou pour s'ouvrir de
nouveaux marchés. D'autant qu'il est allé à
Beyrouth, puis Damas, alors que le centre du commerce au Levant
était alors Alexandrie et Le Caire.
Plus tard, les navires de Jacques Cur auront un seul port,
celui d'Alexandrie. Le voyage de 1432, n'est pas un voyage d'affaire
au sens commercial.
Jacques Coeur en formation
Jacques Coeur dans ces années 1432
/ 1435 est "en formation et exploration" afin de mettre
en place les conditions du grand commerce qu'il envisage, et
cela au moment où se signe la paix d'Arras en 1435 entre
la France et la Bourgogne.
On peut s'avancer sur plusieurs points
:
D'abord apparaît déjà
chez Jacques Cur l'art de profiter des positions déjà
acquises par ceux avec lesquels il s'associe, ce fut le cas de
la monnaie de Bourges, mais aussi ce voyage au milieu de marchands
languedociens.
Ensuite, c'est le soucis d'atteindre le plus directement possible
les lieux en approvisionnement en marchandises coûteuses
Et enfin le troisième aspect qui va perdurer c'est le
cumul des fonctions publiques ou para publiques et celles du
du négoce.
Donc, première information, Jacques Cur est bien
allé en méditerranée en 1432, étais-ce
la première fois ? Nous n'en savons rien, et nous n'avons
aucune trace d'un autre voyage. Il laissera ses navires aux mains
de capitaines et de facteurs.
Il reste encore une inconnue, c'est
le moyen utilisé par Jacques Coeur pour se retrouver "au
mieux" avec le roi Charles VII, qui va retrouver la vraie
capitale, Paris et nommer Jacques Coeur Maître de l'Hôtel
des Monnaies.
JACQUES COEUR VERS
LES SOMMETS
1436 : Maître de l'Hôtel
des Monnaies
En 1436, après la reprise de Paris,
Charles VII le nomme maître de l'Hôtel des Monnaies
de cette capitale retrouvée. Il doit remettre de l'ordre
dans la circulation monétaire, et à Paris de remplacer
la monnaie des Anglais par une nouvelle monnaie dite " de
bon aloi ".
Ce n'est pas une fonction qui permet à
Jacques Coeur de gagner beaucoup d'argent, mais cela lui permet
de se retrouver assez proche du roi et des gens qui comptent
dans le royaume.
Jacques Coeur va stabiliser la monnaie
puisque la dévaluation était devenue la règle
et qu'il fallait arrêter ce mouvement.
Avec 1 marc, on avait réussit à
en faire 9 en peu de temps.... Aussi Jacques Coeur va-t-il d'abord
retirer les pièces qui ne contenaient pratiquement plus
d'or, et il va les remplacer par " un écu neuf, en
or, valant 30 sols, à raison de 210 pièces par
marc" comme nous le rappelle Georges Minois.
Pour cela on découvre dans Jacques
Coeur un organisateur de première valeur. Il diminue le
nombre des ateliers, afin de les mieux contrôler, il décrète
une réglementation très stricte pour les changeurs,
et une tenue très exigeante des comptes avec une ordonnance,
plus tard de 1443 qui établira un vrai état des
finances de l'Etat.
Il est entré dans l'intimité
du roi Charles VII, et ce dernier semble l'apprécier.
Il est à la fois un négociant et un financier,
aussi, on lui confie des fonctions de " percepteurs "
pour les aides du Berry, mais aussi en Languedoc.
Jacques Coeur a partir de ces années
prête de l'argent au Roi, et le suit dans ses incessantes
tournées dans son royaume, en particulier dans le Midi,
avec Pierre de Brézé et les frères Bureau.
Et son efficacité étant
reconnue, il va prendre un titre qui ne le quittera jamais, et
aujourd'hui encore, Jacques Coeur est l'Argentier ou le Grand
Argentier du Roi.
1438 Argentier du Roi
Jacques Cur a alors 40 ans, et il
vient d'être nommé à la tête de ce
service financier de l'Hôtel du roi que l'on appelle l'Argenterie.
On l'appelle donc l'Argentier mais il n'a rien à voir
avec un ministre des finances.
C'est le gestionnaire de l'argenterie, une sorte de grand magasin
où se servait la cour et pendant quelques années,
la belle Agnès Sorel.
Cette fonction a plusieurs aspects positifs
pour Jacques Coeur, d'abord, il reçoit une rétribution
de 1200 livres par an, et puis, surtout, c'est lui qui achète
ce dont le roi et la cour ont besoin, et c'est considérable.
Ce sont des vêtements, des tissus, des plumes de toute
sorte, mais aussi des pièces d'orfèvrerie, des
chevaux, des armes et des armures... Un grand hypermarché
fréquenté par le roi, ses favorites et les nobles
de la cour.
Jacques Coeur se faisait donc directeur
d'un grand magasin, et s'approvisionnait de ces denrées
les plus diverses... ET c'est là une des clés de
sa fortune, car il avait pour fournisseur : lui-même, puisque
il est négociant dans des pays où, en France ils
ne sont pas très nombreux à aller.
Il achète donc des marchandises
pour son propre compte, à un prix qu'il négocie,
et il revend à lui-même dans l'argenterie ces produits
avant de les vendre à la cour.
- L'Hôtel de l'Argenterie près
de St Saturnin à Tours attribué à un canonnier
du roi.
En 1438, il entrevoit des opérations
commerciales à plus grande échelle, et pour cela
il cède sa fonction de maître de l'Hôtel des
Monnaies de Paris à Regnault de Thumezy mais il négocie
que ce dernier verse au nouvel argentier la moitié des
bénéfices ce cet Hôtel des Monnaies.
1439 - 1440 : Les affaires de Jacques
Cour s'étoffent
C'est dans ces années que Jacques
Coeur commence à tracer sa route et " ses routes
commerciales ".
Il met en place un réseau de routes
et de comptoirs dans tout le pays, avec des correspondants de
confiance dans un certain nombre de villes. Ils achète
des marchandises pour le compte de Jacques Coeur et les font
acheminer vers Bourges où Tours.
Le nombre de villes est considérable
pour l'époque, c'est Avignon, Toulouse, Bordeaux, Limoges,
Paris, Reims, Angers, Le Mans, Saint-Malo, Troyes, Saumur, Carcassonne,
Collioure... etc
Et
ses entrepôts qu'il met en place se trouvent dans quelques
villes comme Lyon, Bruges, Rouen, La Rochelle, Le Puy, Loches
mais aussi Bourges bien entendu et Tours où se trouve
le siège de l'Argenterie.
Outre les lieux, Jacques Coeur a besoin
d'hommes de confiance et il trouve des gens remarquables, ce
seront " ses facteurs " comme Jean de Village, et Guillaume
de Varye, tous deux berrichons.
On estime le nombre de facteurs à
environ 200, mais aussi des hommes de confiance et de très
nombreux serviteurs.
C'était une vraie grande entreprise
dans laquelle, il y avait " un chef ", Jacques Coeur,
mais aussi chacun, dans sa ville, pouvait aussi de manière
marginale, faire quelques affaires pour son propre compte.
A partir de Bourges, Jacques Cur
va créer assez vite, ses routes.
Parmi les grandes routes Nord Sud, on a
celle qui part de Bruges, puis passe par Paris, Orléans,
Bourges et descend vers le sud par Le Puy et Montpellier.
Jacques Cur avait mis en place une forte structure commerciale,
avec des facteurs, qui étaient des permanents dans un
certain nombre de villes, comme Antoine Noir à Montpellier
ou Hervé Paris à Bruges. Cet homme avait travaillé
sept ou huit ans avec Jacques Cur, il était originaire
d'Orléans.
On sait que Hervé Paris reçut
à Bruges cent charges d'épicerie d'un des patrons
d'une galée de l'Argentier dont le patron était
Jean Forest. Les convois se croisaient, les uns venaient de méditerranée
en passant par Bourges et Paris, ils comprenaient parfois des
épices. En sens inverse, ce sont des harengs qui allaient
vers Bourges ou Tours.
Bruges au XVe siècle est selon Jacques Heers, le carrefour
marchand du Nord.
C'est l'époque des Hanses, qui sont
des associations de marchands d'origine germanique.
La fortune de Bruges, comme de nombreuses villes de Flandres
vient de l'industrie du drap. La cité est florissante,
la puissance des marchands drapiers est considérable.
C'est à Bruges que sont traitées les relations
d'affaires, que sont rédigés les contrats de prêts,
d'assurance maritime.
Après le drap, ce sont les industries de luxe qui assurent
la prospérité, avec les tapisseries.
Bruges reste aussi un port avec un commerce de transit.
Les charrois au service des marchands italiens,
comme Dantini, circulaient vers 1410 entre Montpellier, Paris
et Bruges en moins de 3 semaines.
Les circuits commerciaux de Jacques Cur concernaient essentiellement
le midi et le monde de la méditerranée.
Entre 1444 et 1449, Jacques Cur va
essayer de nouer des liens commerciaux avec l'Angleterre, pendant
la trêve de Tours. Guillaume de Mazoran va en Angleterre
pour le compte du Grand Argentier et Guillaume de Varye s'était
fait livrer des draps de Londres en février 1449, en vue
de faire du commerce.
Il veut commercer vers l'ouest à Rouen, et bien entendu
Bruges, qui était incontournable à cette époque
pour faire du commerce et des échanges avec l'Europe du
nord. Guillaume de Varye, pour le compte de Jacques Cur
achète du cuir, des draps et de la laine en Ecosse, une
partie va à La Rochelle, une autre passe par Bruges.
Lorsqu'on regarde une carte de France, on remarque les implantations
de Jacques Cur à Bourges puis Tours, et le midi,
Montpellier, Agde, Aigues Mortes
etc
On dispose de peu d'informations sur le
commerce de Jacques Cur à Bruges, sinon quelques
ordres pour livrer du poivre et du gingembre, on signale les
difficultés de vendre tout un convoi à Bruges,
et un cousin des frères Paris dû vendre à
Anvers et dans tout le pays.
Mais les frais de voiturage étaient considérables
et les rapports assez faibles. Les facteurs achètent à
Bruges des marchandises diverses comme les draps, la garance
et encore les harengs.
On remarque qu'un facteur de Jacques Cur va refuser de
transporter un chargement de laine et de draps pour Rouen par
la route, et le convoi s'en ira par mer. Ce facteur prit la route
et arriva une semaine avant le navire, et en profita pour trouver
des débouchés avec le facteur de Jacques Cur
qui était le permanent à Rouen.
Compte tenu de l'insécurité des routes, la mer
est préférable à la terre. En 1450, le hareng
reçu de Flandre par la mer via Dieppe ou Rouen par la
Seine se vend à Paris 30 à 38 écus le lest,
et un lest correspond à 10 000 harengs. Par la terre,
en venant de Flandres ou de Zélande, ce même hareng
coûte 41 à 47 écus le lest. Donc beaucoup
plus cher.
C'est ainsi que Jacques Cur va commercer
dans cette Europe du Nord vers 1450, mais son arrestation stoppe
ce commerce et c'est le procureur Dauvet qui va se charger de
déterminer les biens et les profits du Grand Argentier
à Bruges.
Sans que l'on sache si ce commerce a été important,
c'est pour Jacques Cur le début d'un axe Bruges
Montpellier par Paris et Bourges.
Quelques dates sur Charles VII de
1430 à 1440
6 décembre 1431 Charles signe une
trêve de 6 ans avec le duc de Bourgogne.
21 septembre 1435 Charles signe un traité de paix séparé
avec le duc de Bourgogne.
Fin 1435-1437C'est le début de la reconquête car
les Anglais sont seuls et l'entretien de leurs troupes coûte
cher. Charles reprend diverses villes (Dieppe, Pontoise, Meulan,
Paris
.)
12 novembre 1437 Charles VII rentre dans Paris. Sa présence
au sud de la Loire (Chinon, Bourges, Mehun sur Yèvre
.)
n'aura duré que 19 ans.
1437-1440 Les princes français se rebellent ainsi que
le Dauphin Louis (futur Louis XI), c'est l'épisode de
la Praguerie. Louis trouve refuge dans son Dauphiné et
ne revoit pas son père jusqu'à sa mort en 1461.
Louis trouve que le règne de son père est trop
long, il a hâte de prendre sa place, il s'appuie notamment
sur l'aide des ennemis d'hier, les Bourguignons. Louis devra
encore attendre plus de 20 ans.
1440 - 1445 : Les activités
de Jacques Coeur se diversifient
C'est à l'angle de la rue des armuriers
et de la rue de Linière que Jacques Coeur habitait, dans
une des maisons nouvellement construites, mais nul ne sait quand
ils ont déménagé ici. Il restera dans ce
lieu, avec femme et enfants, il y en aura au moins 6, qui jouaient
dans le quartier pendant de nombreuses années, jusqu'à
la construction à partir de 1443 de la Grant' maison...
mais pas pour très longtemps.
1439 - 1440 : Déjà
la production d'armes
Cette vaste maison, de la rue de Linière
avait été occupée par un armurier Jean de
Galles et les greniers et maisons attenantes, situées
sur l'ancienne abbaye Saint Hyppolite pouvaient servir à
la fois de celliers de forges et d'entrepôts pour fabriquer
des armes.
Cette rue des Armuriers fut en effet le lieu de fabrication d'armements...
une spécialité de Bourges dès le XV ième
siècle.
Jacques Coeur fera venir des armuriers
de Milan, les frères Balsarin et Gasparin de Trèz,
ou Trèves qui étaient allemands et en association
avec ces professionnels, il fabriquera et commercialisera des
armes blanches, des harnais et surtout des brigandines, qui étaient
des gilets en velours comportant des lames d'acier pour protéger
le corps. Les écossais de Charles VII étaient friands
de ce type d'équipements.
Les " ateliers, forges houtils et moulin à harnois
" pour l'aiguisage des épées et le polissage
des cuirasses étaient installés en bordure de la
rivière Yévrette qui traversait la ville.
Dans ce domaine des armes, très
lucratif, Jacques Coeur va aussi utilser ses relations à
Gènes pour passer des commandes particulièrement
importantes. Pour préparer la campagne de Normandie, il
y eut des achats à faire et le Doge s'inquiéta
car la commande portait sur 3000 armures et aucune autre ville
en Europe n'était capable de fournir une telle quantité
en si peu de temps.
Les grandes dates de 1440 à
1456
28 mai 1444 Une trêve est signée
avec les Anglais qui se sentent en mauvaise posture.
fin 1444 Agnès Sorel " damoiselle de beauté
" entre au service de la reine Marie, Charles la remarque,
elle devient très rapidement sa favorite et sera mère
plusieurs fois des uvres du Roi.
A partir de 1445 La reconquête est spectaculaire : 28/2
Metz, 10/11 Rouen. Jacques Cur qui a été
anobli, entre dans Rouen à cheval au coté du roi
Charles.
Début de la guerre des deux roses en Angleterre, York
(rose rouge) contre Lancastre (rose blanche) tenant la couronne
anglaise. Les anglais ont assez à faire avec leur guerre
civile et négligent leurs troupes sur le sol Français,
ce qui fera l'affaire du roi Charles.

9 février 1450 Mort d'Agnès Sorel d'un " flux
de ventre " ou de couches difficiles.
15 avril 1450 Bataille de Formigny (Calvados)
: les Anglais sont battus, la victoire française est nette
et réelle. Les troupes anglaises quittent définitivement
la Normandie.
31 juillet 1450 Jacques Cur est arrêté sur
ordre du roi, il est soupçonné d'empoisonnement
sur Agnès Sorel et de pratiquer l'alchimie. Charles le
fait emprisonner à Poitiers et soumettre à la question,
puis juger par le procureur de roi Jean Dauvet. Ce dernier fera
un inventaire minutieux de ses biens, qui seront confisqués
au profit du trésor royal, cet inventaire existe toujours.
23 mai 1453 Jacques Cur est condamné à mort.
17 juillet 1453 Bataille de Castillon (Gironde), les Anglais
sont très nettement battus, leurs troupes quittent la
Guyenne où ils était présents depuis 300ans
(se souvenir du mariage d'Aliénor, duchesse d'aquitaine,
avec le roi Henri II " Plantagenêt " d'Angleterre
au XII ème siècle). Ils ne possèdent plus
que Calais en France.C'est la fin de la Guerre dite de "
cent ans "
Fin octobre 1454 Jacques Cur s'évade, rejoint la
Provence à Beaucaire puis Rome, tout cela grâce
à des complicités et notamment celle de Jean de
Villages son neveu.
25 novembre 1456 Mort de Jacques Cur dans l'île de
Chio
1456-1457 Annexion du Dauphiné, Louis se réfugie
en Bourgogne pour échapper à son père qui
occupe le Dauphiné.
Décembre 1457 Charles VII est malade, il a une tumeur
à la jambe.
1461 Une dent lui est arrachée, l'infection s'installe.
22 juillet 1461 Charles VII meurt à Mehun sur Yèvre,
il a régné pendant près de 40 ans. Son fils
Louis lui succède sous le nom de Louis le 11ème.
7 août 1461 Charles VII est inhumé dans la basilique
Saint Denis
1441 : Jacques Cur
est anobli
Au mois d'avril
1441, Charles VII, alors que Jacques Coeur n'a qu'un peu plus
de 40 ans, est très satisfait de cet homme d'actions et
il est " enchanté des services que lui rend le précieux
argentier " l'anoblit, avec femme et enfants.
Le motif est simple, c'est pour "
services rendus ", avec ces mots " tant en sa charge
d'argentier qu'autrement ", et pour le natif de Bourges,
entrer dans ce clan de la noblesse lorsque l'on vient d'une bourgeoisie
, c'est la vraie et grande réussite.
Et Jacques Coeur semble avoir conscience
de ce qui lui arrive, il en est très fier et veut en faire
profiter ses affaires, aussi, il commence avec le décorum,
et il fait élaborer ses armes avec 3 coeurs et 3 coquilles
Saint Jacques, c'est finalement son nom qui est mis sous forme
héraldique.
Et il poursuit avec une devise qui correspond
sans aucun doute à son tempérament, c'est la célèbre
" A cuer vaillans, riens impossible ". Il aura d'autres
devises plus ésotériques.
Pour clore ce chapitre Jacques Coeur s'habille
comme le veut la mode de l'aristocratie de l'époque, et
Georges Minois de décrit ainsi :
couleurs vives, chaussures à poulaine, pourpoint plissés
et rembourrés, large collier d'or, bonnet de velours noir
sur une coupe de cheveux en couronne ".
On remarquera qu'il devait avoir deux ou
trois types d'habits, celui nouveau que nous venons de décrire
et qui apparaît dans des sculptures d'une tour de son Palais
de Bourges. Un second ce devait être pour parcourir les
routes du royaume à cheval, ce devait être simple
et fonctionnel, et enfin, pour les grandes occasions comme son
entrée dans Rouen après la prise de la ville sur
les anglais.
1441 : L'implantation en
Languedoc
Avec son anoblissement, il poursuit son
ascension, et est nommé commissaire royal auprès
des états du Languedoc à Toulouse, et il devient
l'intermédiaire directe entre le roi et les villes et
autres communautés, ce qui va d'une part l'enrichir, mais
inversement le mettre en face d'opposants qui vont vouloir l'éliminer.
C'est ainsi qu'il reçoit beaucoup d'argent pour les sujest
les plus divers, comme ces 5000 livres des capitouls de Toulouse
qui demandent au roi, par l'intermédiaire de Jacques Coeur
plusieurs franchises, et ce sont 4000 livres qu'il reçoit
afin d'ajouter à un acte, quelques clauses favorables
aux demandeurs....
Il devient le percepteur pour le royaume
des impôts de nombreuses sénéchaussées,
souvent importantes comme Toulouse, Carcassonne et beaucaire.
C'est lui qui fixe ainsi le montant de l'impôt.
L'année suivante, en 1442, après
le Languedoc, il reçoit la même fonction pour l'Auvergne.
et devient un intime du roi qui l'emmène en Languedoc
où l'argentier en profite pour faire nommer son frère
Nicolas évêque de Luçon....
Mais un fait important passé inaperçu,
au cours de cette année, c'est un pas vers la diplomatie,
en traitant comme médiateur un conflit entre le sultan
d'Egypte et la ville de Venise.
Et c'est à cette époque qu'il
fait feu de tout flamme, puisqu'il devient membre de la commission
royale de la draperie, mettant en place une réglementation
très stricte en insistant sur la notion qualitative des
fourniture. Il avait aussi quelques arrières pensées,
puisqu'il possédait une manufacture de draps dans sa ville
natale de Bourges !
JACQUES COEUR DEVIENT
UN "GRAND"
1443 : Jacques Coeur constructeur
pour lui-même
En 1443, Jacques Coeur acquiert un terrain,
pour y construire une " grant'maison ", ce que nous
appelons le Palais.
Ce palais que nous reverrons en fin de visite, imaginez qu'il
n'y avait que des tours et des remparts gallo-romains.
Jacques Coeur en 1443 achète une parcelle sur le rempart
gallo romain, appelé " le fief de la Chaussée
" d'une superficie de 5000 mètres carrés.
Le propriétaire étant alors Jean Belin, qui était
l'héritier du premier trésorier de la Sainte Chapelle,
et le prix est de 1200 écus d'or.
Le nom de La Chaussée était celui de propriétaires
antérieurs, et hormis les tours, on ne sait pas ce qu'il
y avait sur cette parcelle.
Colin
le Picart aurait du devenir célèbre, car c'est
un des hommes à Bourges, qui a construit cette Grand Maison,
avec aussi son ami Jean de Blois.
Pour cette construction Jacques Cur qui avait beaucoup
d'écus, en or et en argent avait mis en place une organisation
importante, car visiblement, il n'était pas très
présent à Bourges. Macée son épouse
me l'avait dit et elle s'en plaignait.
Par contre il savait choisir ses collaborateurs, sur ses bateaux
comme dans ses comptoirs, et pour la construction de la Grand'maison,
il fit de même.
La maîtrise d'ouvrage est assurée
par mon homme Et deux " hommes du Grand Jacques " participent
aux finances de la construction, c'est Pierre Jobert et Jacquelin
Collet, aidé à partir de 1447 de Guillot Trépan.
L'Argentier du roi va recruter des équipes formée
de gens d'expérience qui avaient travaillé à
la construction du palais du duc Jean de Berry.
Le bois viendra de la forêt de Blois, mais aussi des terres
d'Aubigny, alors que les pierres, proviennent de Vallenay, Saint
Florent et bien entendu de Charly pour les pierres sculptées.
Jacques Coeur fait donc construire une bâtisse avec une
partie pour l'habitation mais il y a une dénivellation
de près de 6 mètres entre le haut et le bas de
son terrain.
Il fait donc une partie de type forteresse moyenâgeuse
en réutilisant des tous, trois tours qui existent encore
et une grande partie des pierres du rempart sont, comme souvent
à Bourges, démontées et remise sur d'autres
murs de ce qui sera la Grand'Maison de monseigneur l'Argentier.
On ne sait pas qui a construit la cathédrale de Bourges,
et les grandes cathédrales de France en général,
c'est beau l'anonymat du Moyen Âge ! A Bourges, on sait
qui a construit son Palais. Pour cet édifice Jacques Cur
avait mis en place une organisation importante, car visiblement,
il n'était pas très présent à Bourges.
Par contre il savait choisir ses collaborateurs, sur ses bateaux
comme dans ses comptoirs, et pour la construction de la Grand'maison,
il fit de même.
La maîtrise d'ouvrage est
assurée par deux "hommes à lui", Pierre
Jobert et Jacquelin Collet, aidé à partir de 1447
de Guillot Trépan.
La maîtrise d'uvre est effectuée par des équipes
formée de gens d'expérience qui avaient travaillé
à la construction du palais du duc Jean de Berry.
Le bois viendra de la forêt de Blois, mais aussi des terres
d'Aubigny, alors que les pierres, de manière classique
à Bourges proviennent de Vallenay, Saint Florent et bien
entendu de Charly pour les pierres sculptées.
1443 : Et vint Agnès
Sorel
Agnès Sorel est née en Touraine
à Fromenteau vers 1422 (entre 1422 et 1426). Son père,
Jean Sorel était de petite noblesse. Sa mère se
nommait Catherine de Maignelais. Elle reçut une éducation
très soignée.
Le roi rencontre Agnès Sorel en 1443, elle est alors dame
d'honneur d'Isabelle de Lorraine, épouse de René
d'Anjou.
Elle a conquis les faveurs du roi Charles VII qui n'était
pas ce que l'on pourrait appeller un Don Juan. Il avait alors
40 ans.
Le roi, dans un portrait de Fouquet a les traits peu flatteurs,
il a le regard dissimulateur, et il n'est pas doté d'une
belle carrure, qu'il a fallu rembourrer sur les épaules.
Le tableau date de 1453, il est intitulé "Le très
victorieux roi de France".
Charles VII en plus est chétif, mélancolique, assez
renfermé sur lui-même. Cet homme peu engageant va
se transformer au contact d'Agnès Sorel.
Elle va le détendre, lui donner 3 filles, sans doute en
1443, 1444 et 1445 ( et un autre enfant mort-né) et devenir,
pour la première fois dans l'histoire de France, la maîtresse
officielle et attitrée de la cour.
Agnès Sorel, à partir de cette date, représentera
une certaine puissance et comme Jacques Cur elle est d'origine
modeste.
Une amitié va les lier, elle protège Jacques Cur,
et cela lui permettra de monter dans l'honorabilité et
favorisera son commerce.
Il sera un de ses trois exécuteurs testamentaires avec
Etienne Chevalier et le médecin d'Agnès, cela donne
une idée des liens entre elle et Jacques Cur.
Certains auteurs ou romanciers feront d'une liaison entre Jacques
Cur et Agnès Sorel la clé des malheurs du
grand Argentier. C'est pour l'instant une fable digne d'un excellent
téléfilm....
Alors qu'elle est enceinte pour la quatrième fois, Agnès
Sorel veut rejoindre le roi et voyage en février sur les
routes défoncées du pays elle tombe malade.
Et Agnès Sorel meurt en couche à Jumièges
en Normandie en 1450, (11 e jour du mois de février)
Son coeur et ses viscères restent à Jumièges,
son corps est transporté à Loches.
Jacques Cur perd sa protectrice et Charles VII son inspiratrice.
1444 : La grande année
de monseigneur l'Argentier
C'est l'année phare dans la vie
ascensionnelle de Jacques Coeur, avec plusieurs éléments
:
- il augmente ses routes commerciales terrestres
à la suite des trêves de Tours, ce qui conforte
l'économie, puisqu'il n'y a plus de combats.
- il fait construire ses propres navires sur des chantiers du
royaume de France.
- il commence à se rendre propriétaire ou gérant
de plusieurs mines d'argent dans le Lyonnais et le Beaujolais.
- Il s'engage avec de fortes sommes d'argent dans le travail
de la soie ... en Italie.
La fortune de Jacques Coeur
Il
restera toujours un mystère sur l'étendue et la
façon dont Jacques Coeur a accumulé une fortune
immense. Pour les uns, c'est le commerce avec les infidèles.
Pour d'autres, c'est plutôt l'exploitation de mines de
plomb argentifère et de cuivre qui lui donneront cette
fortune, en particulier dans les mines du Lyonnais.
Il semble toutefois qu'il devait s'intéresser à
ces mines, mais plus comme minéralogiste que comme alchimiste
et surtout que ces mines n'ont pas été gérée
de manière optimale et ne rapportaient peut-être
pas grand chose. Mais il le laissait croire.
Pour d'autres auteurs, c'est plus simple,
la monnaie d'or en Occident était rare, et on utilisait
principalement l'argent. Au contraire l'Orient croulait sous
ce métal si demandé, par des mines et l'accumulation
de trésors. Jacques Heers le confirme :
" Les deux métaux précieux, or et argent appartenaient
à deux registres d'estime. L'argent n'était pas
vraiment rare, on l'exploitait en Cornouaille et en Espagne du
Sud. ... L'Occident chrétien souffrait d'un approvisionnement
en or très difficile, une véritable " famine
d'or ",
Il y avait donc un décalage entre
les deux et Henri de Man, ministre Belge des finances affirme
qu'il y avait un tel décalage qu'avec une certaine valeur
d'or, on obtenait le double de valeur de l'argent, on avait en
effet un faible commerce entre occident et orient ce qui empêchait
les cours de se régulariser.
Une transaction et Jacques Coeur obtenait
un bénéfice de 100%. C'est mieux que l'alchimie
et le Grand Oeuvre.
Pour beaucoup, la fortune du grand Argentier ne serait pas due
à la vente de quelques hanaps ou fourrures aux nobles
de la cour, ni dans la fabrication de l'or à partir de
métaux vils comme cela se murmurait dans les milieux alchimistes.
C'était sans doute plus simple et plus rentable. Jacques
Coeur profitait des différences de change qui existaient
au Moyen Age. L'Occident possédait beaucoup d'argent et
le Moyen Orient beaucoup d'or, par le jeu des échanges,
le grand argentier transformait le plus légalement du
monde son argent en or.... Encore fallait-il aller à l'aventure
sur une mer Méditerranée hostile.
Mais ce système, Jacques Coeur n'avait-il
pas intérêt à le cacher? et en conséquence
à faire croire qu'il l'avait obtenu par l'alchimie ?
Donc Jacques Coeur faisait fortune en Orient
et ceci réussissait car ils n'étaient pas nombreux
et si cela devait s'accroître, ce serait fini, alors, il
donnait " le change " avec deux moyens :
- l'or obtenu par le Grand Oeuvre
- l'or obtenu dans les mines du lyonnais
et il était tranquille et pouvait continuer son commerce
et faire fortune sans danger.
Faut-il chercher ailleurs les indices des
adeptes ?
On va étudier un bas relief situé dans la cour
d'honneur, on peut penser qu'il s'agit d'une carte postale de
l'époque rappelant les voyages du maître en Orient.
Ou bien, il s'agit d'un véritable message n'ayant rien
à voir avec l'emblématique traditionnelle.
Une transaction avec le Levant, et Jacques
Coeur obtenait un bénéfice de 100%. C'est mieux
que l'alchimie et le Grand Oeuvre.
En fait, la fortune du grand argentier ne serait pas dans la
vente de quelques tissus ou fourrures aux nobles de la cour,
ni dans la fabrication de l'or à partir de métaux
vils comme cela se murmurait dans les milieux alchimistes. C'était
sans doute plus simple et plus rentable. Jacques Coeur profitait
des différences de change qui existaient au Moyen Age.
L'Occident possédait beaucoup d'argent et le Moyen Orient
beaucoup d'or, par le jeu des échanges, le grand argentier
transformait le plus légalement du monde son argent en
or.... Encore fallait-il aller à l'aventure.
En occident, le bi-métallisme était
de rigueur, mais il manquait beaucoup d'or, alors que les mines
de plomb argentifère étaient prospères.
Inversement, le Levant " regorgeait d'Or " et la cote
de l'argent était au plus haut. Il devenait alors aisé,
pour un financier un peu aventureux de changer des quantités
d'argent venues d'Occident contre de l'Or.
Les navires de Jacques Cur
:
La méditerranée est la chasse
gardée des Génois et Vénitiens.
Parmi les écrits qui se transmettent
au fils du temps, ses débuts d'armateur sont intéressants.
On dit que Jacques Cur commande en 1443 une galée
aux chantiers de Gènes, le délai est très
court, il la reçoit, la baptise Notre Dame Saint Denis
et s'empresse de la ramener à Aigues Mortes afin que les
charpentiers locaux la copient pour en faire de semblables.
C'est peut être vrai, mais le bateau est acheté
au titre des galées du roi, et financé par le roi,
et surtout, on ne sait pas grand chose des bateaux suivants,
ni de leur provenance, ni de leur chantier de construction. Il
y a donc un vraie légende tendant à montrer, soit
qu'il était bien un escroc, soit qu'il était débrouillard
et très fort.
En réalité, c'est le roi
Charles VII qui commande cette galée Notre Dame Saint
Denis et un an plus tard, il nomme Jacques Cur comme gérant
du bateau. Il est en outre responsable de l'armement et de l'équipage
qu'il doit recruter.
Ce navire quitte Aigues Mortes, et fait escale à Marseille
en 1445, on sait que plusieurs marchands vont embarquer, très
intéressés, semble-t-il par le commerce des épices.
Par exemple, la galée, La Madeleine
est achetée au nom du roi par Jacques Cur aux Chevaliers
de Rhodes.
L'argentier en prend possession, mais le confit à un capitaine
local Michel Teinturier, de Montpellier.
Les archives ont montré que les
deux premières galées de France en octobre 1446
étaient dans le port de Marseille et partaient pour le
Levant avec plusieurs marchand à leur bord, sans doute
des notables de la ville.
Il fait construire deux autres navires,
ils ont tous un double nom : Notre Dame Saint Jacques, Notre
Dame Saint Michel.
On sait qu'ils ont pris la mer en 1447 ou au début de
1448, mais nul ne sait où ils furent construits.
Dernier bâtiment des galées
connu de Jacques Cur, la Rose, qui a été
mise en chantier en 1450.
La flotte est formée de galées,
mais les mots différent beaucoup à cette époque.
C'est une embarcation de 40 à 50 mètres de longueur,
avec 5 à 6 mètres de large. C'est donc un gros
bateau. On peut transporter 150 à 200 tonnes de marchandises
ou objets précieux. C'est donc un commerce important.
Lorsque la galée revient, il y a "gros à vendre".
Lorsque la galée sombre ou est prise par les pirates,
c'est la ruine.
Une galée qui peut être à voile ou à
rame comprend 150 à 200 rameurs.
Jacques Cur possède 4 galées
dans un premier temps ce sont 2 galées, et 4 à
partir de 1447. La grande flotte de Jacques Cur est donc
assez modeste.
4 bateaux, ce n'est pas grand chose.
Le chiffre ira jusqu'à 7 ou plus sans savoir à
qui elles appartiennent.
Combien Jacques Cur possédait-il
de navires ?
Nul
ne le sait avec exactitude. Ce qui est certain, c'est que lors
du séquestre des biens de Jacques Cur, le procureur
Dauvet en a comptabilisé 4 navires.
Il semble que le nombre de navires était assez proche
du chiffre de 7. C'est en tout cas la conclusion à laquelle
arrivent Michel Mollat et Jacques Heers.
- la Notre-Dame-Saint-Denis, on connaît
bien ce bateau qui était de retour d'Orient au moment
de l'arrestation de Jacques Cur. Il était commandé
par Gauillardet de la Farge. Ce navire fut vendu par le procureur
Dauvet en 1454, il était en mauvais état après
12 ans de navigation.
- la Notre-Dame-Saint-Michel, qui était
commandée par Guillaume Gilmart.
- la Notre-Dame-Saint-Jacques, ce navire
fut vendu quelques jours après l'arrestation de Jacques
Cur par Ursin Botet, afin que le navire échappe
au séquestre. C'était une vente fictive. Ce navire
sera assez vite placé sous les ordres de Jean de Village.
- la Santa-maria-e-Sant-Jacques dont on
ne sait pas grand chose.
- la Rose qui était un navire en
train de se terminer.
On évoque aussi un navire appelé la Notre-Dame-Sainte-Madeleine.
Ce navire fut largement connu comme "la
grosse galée de Mgr l'Argentier", car il était
semble-t-il énorme par rapport à d'autres galées.
Ce qui est certain, c'est que 4 navires
après l'arrestation seront mis sous séquestres
et retrouvés par Jean Dauvet.
- la Notre Dame Saint Denis, arrive au
large de Marseille au moment de l'arrestation du grand argentier.
Elle partit pour l'Espagne.
- La Notre Dame Saint Jacques, qui est à Marseille et
est vendue fictivement pour échapper à la prise
du navire.
- La Notre dame Saint Michel
Mais il y a d'autres navires comme la Santa
maria e saint jacques, qui est avec La rose, un navire du Grand
Argentier.
Il sera possible d'établir le reste
des biens à partir des documents du procureur Dauvet.
Les mines de Jacques Cur
C'est à partir de 1444 que Jacques
Cur s'intéresse aux mines. Il est à un sommet
de sa gloire, et Charles VII lui accorde par lettres patentes
données à Montargis le 24 juillet le droit d'exploiter
certaines mines de plomb, d'argent et de cuivre dans les monts
du Lyonnais.
(revenu du droit régalien de un dixième des métaux
extraits.)
Les mines sont à 25 à 30
kilomètres à l'ouest de Lyon, la plus importante
est située à Paimpailly à une altitude de
500 mètres, dans un terrain volcanique primaire très
minéralisé avec de la galène (sulfure de
plomb) argentifère.
Mais ce n'est pas une création,
mais une reprise d'exploitation.
La question essentielle c'est de savoir
dans ce domaine si Jacques Cur a gagné de l'argent
? Il semble que non. Selon les livres de compte, dont la tenue
laisse à désirer, mais aussi par les écrits
de Dauvet, "il appert clèrement qu'il y a eu perte
en la compagnie".
On estime que la production d'argent pour un an à Paimpailly
représentait la consommation de 2 mois d'un petit atelier
monétaire, pas de quoi faire fortune, mais est-ce exacte
?
Mollat dit que l'on extrayait 970 quintaux de plomb et 210 kilogrammes
d'argent envoyés à la monnaie de Lyon.
N'a-t-on pas minimisé les gains et la quantité
d'argent ?
On affirme aujourd'hui que Jacques Cur
devait investir et moderniser les mines pour être rentable
et qu'il n'en a pas eu le temps.
En conclusion sur ce point, il avait bien
perçu cette industrie mais il n'avait pas eu le temps
et les moyens de rentabiliser cette affaire.
Il possédait les mines suivantes
:
- Pampailly :Des mines de plomb argentifère
dans le canton de Saint Laurent de Chamousset.
- Chessy : la moitié des mines de Chessy dans le Rhône
(Le Bois-d'Oingt) qui furent retenues par le roi en 1455.
- Saint Pierre-la-Palud : les mines de Saint Pierre-la-Palud
dans le Rhône c'est dans le canton de l'Arbresle.
- Joux : la moitié des mines de plomb argentifère,
c'est dans le canton de Tarare.
En cherchant dans les autres biens de Jacques Coeur, il est
important de connaître les navires de " sa flotte
".
Jacques Coeur "nage" dans
la soie
C'est au milieu des années 1440
que Jacques Coeur qui comprend avant tout autre les besoins de
la cour se lance dans l'art de la soie.
En 1444, selon Jacques Heers, Jacques Coeur se fait immatriculer
à Florence en Italie comme associé dans une fabrique
de tissu, à hauteur de 33%, c'est " l'Arte de Por
Santa Maria, arte della seta "
Il s'associe, comme souvent il le fit en France, cette fois avec
Niccolo Bonnacorso et les deux frères Marini (Zanubi et
Guglielmo).
C'est Guillaume de Varye qui va signer au nom de l'Argentier
devant un notaire florentin, les actes d'association. D'ailleurs
le facteur de Jacques Coeur resera dans ce milieu jusqu'en 1557..
Il ne s'agissait pas d'une échoppe, mais c'était
l'organisation et le contrôle de la production, avec des
filatures, du tissage et de la teinture.
Cette incursion en Italie va introduire
plus tard le travail de la soie en France, en particulier à
Lyon sous le règne du roi Louis XI. Et c'est sans doute
Guillaume de Varye qui va, jusqu'à sa mort en 1469, être
le conseiller du roi et on lui attribue le mérite d'avoir
fait venir de Toscane des soyeux dans la ville de Lyon.
1445 : Les liens commerciaux se développent
Entre 1445
et 1449, Jacques Cur va essayer de nouer des liens commerciaux
avec l'Angleterre, pendant la trêve de Tours et Guillaume
de Varye, pour le compte de Jacques Cur achète du
cuir, des draps et de la laine en Ecosse, une partie va à
La Rochelle, une autre passe par Bruges.
Guillaume de Varye s'était fait livrer des draps de Londres
en février 1449, en vue de faire du commerce.
Guillaume de Varye, fut longtemps l'agent de l'argentier à
Genève. Dans ces opérations lyonnaises, il ne semble
pas créer d'affaire personnelle: il soutient plutôt
des affaires existantes, auxquelles il rend de la vitalité,
et participe à leurs bénéfices. Il est plutôt
un banquier d'affaires.
En 1450, le Palais est presque terminé.
Jacques Cur est arrêté sur l'ordre du roi
Charles VII le 31 juillet 1451. Il est emprisonné pour
une dizaine de motifs plus ou moins sérieux. Mais à
l'époque on ne badine pas avec les aveux. Torturé
et soumis à la question il avoue tout ce que veulent ses
détracteurs, et il est condamné le 23 mai 1453.
Il va finir sa vie aventureuse comme dans un roman de cape et
d'épée. Il s'évade de sa prison, rejoint
Rome et le Pape, affrète une flotte au nom de son illustre
hôte, et s'en va combattre les infidèles. Il meurt
le 25 novembre 1456 dans l'île de Chio, sans doute lors
d'un combat naval avec les Turcs.
Le clan ou le réseau Agnès
Sorel
Agnès Sorel si belle et si jeune
semble avoir eu la capacité très forte de réunir
autour d'elle des personnages de haut niveau qui vont former
une sorte de premier cercle et à la fois l'aider, la protéger
et faire un rempart entre " la dame et le roi " face
à tous les comploteurs.
Elle va ainsi favoriser la carrière de nombreuses personnes,
dont elle détecte la valeur et l'aide qu'elles pouvaient
apporter à son amant de souverain.
C'est de manière progressive qu'Agnès met en place
ses pions dirions-nous aujourd'hui. Elle commence dès
son arrivée près du roi, mais surtout après
le départ du dauphin Louis, c'est à dire à
partir du début 1447.
On parle alors des amis d'Agnès Sorel comme d'un clan.
On note la présence de Brézé, sénéchal
et comte d'Evreux, un beau parleur nous dit Chastellain.
Mais aussi :
Jean de Maupas
Etienne Chevalier
Guillaume Cousinot
Beauveau de Précigny
Guillaume d'Estouteville
Jamet du Tillet
Jean Dauvet
Jacques Cur.
Ces grands personnages viennent de tous
les milieux, nobles, clergés, et des bourgeois comme Jacques
Cur.
1445 : Jacques Coeur entre en politique
C'est au cours de cette année que
Jacques Coeur, tout en poursuivant sa conquête dans le
monde financier et commercial touche de manière significative
à la politique du royaume au plus haut niveau.
Il a sans doute été aidé
dans ce nouveau challenge par la belle Agnès Sorel, la
favorite du roi Charles VII, entrant dans ce que certains vont
appeler " le clan Agnès " et ils vont s'entre
aider, par rapport au roi.
Il devient une sorte de diplomate, ou de
médiateur dans les conflits qui opposent des grands de
ce monde.
Il est aux négociations entre les états de Comminges
et le comte de Foix, mais aussi plus délicat, un conflit
qui éclate entre le sultan d'Egypte et le Grand Maître
des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, lequel craignait
une offensive du sultan sur Rhodes.
Jacques Coeur va obtenir un traité entre les belligérants,
utilisant ses navires afin de transporter le les plénipotentiaires
de Rhodes à Alexandrie.
Cette même année, il est dans
une difficile négociation entre Gène et Venise,
avec des tractations afin de favoriser le rattachement de Gène
au royaume de France.
C'est en cette occasion que l'on trouve
dans un courrier le 15 février 1446, cette phrase étonnante
:
" Je sais bien que la conquête du Saint-Graal, ne
peut se faire sans moi ".
Comme l'écrit Georges Minois, " Voilà qui
en dit long sur le personnage, il parle en maître, il organise,
il décide, il est pressé.... " mais personne
ne sait la signification réelle de ces mots.
En ce début d'année 1446, Jacques Coeur ne se prendrait-il
pas pour une sorte de souverain, il a la richesse et le puissance,
et ... l'amitié de son roi !
1445 : Les jalousies apparaissent
Comme le souligne Georges Minois, l'ascension
de Jacques Coeur, lui qui est parti de rien, va susciter de nombreuses
jalousies. Et cela va aller plus loin, c'est le domaine des soupçons,
des rivalités et de la haine.
Pour beaucoup, cet homme est monté trop vite et une telle
position n'a pu être acquise que par des moyens malhonnêtes,
et il est exact que les méthodes de jacques Coeur ne furent
pas toujours exemplaires.
C'est bientôt le temps des rumeurs
et des rancoeurs, et un homme comme Otto Castellani va, très
tôt tout mettre en oeuvre pour faire tomber l'Argentier.
Dès cette période du milieu
des années 1440, l'archevêque de Reims Jean Jouvenel
des Ursins " s'en prend violemment à ces financiers
et négociants malhonnêtes qui passent des marchés
scandaleux au détriment des finances royales, font des
profits honteux sur la revente de marchandises , et accumulent
ainsi des fortunes colossales ".... Et c'est dans un Discours
sur la charge de chancelier qui est ainsi publié, et qui
vise bien évidemment Jacques Coeur.
Il est écrit, " ... IL a empoingné
toute la marchandisede ce royaume et partout ses facteurs ...
qui est enrichir une personne et apovrir mille bons marchans
".
Et ces griefs apparaissent sur un plan
général, mais l'attaque va venir des terres du
Languedoc en particulier après l'épisode d'Aboleris.
Mais c'est lorsque Jacques Coeur décide
de transférer le centre de ses affaires en midi, de Montpellier,et
Lattès vers Marseille.... C'est peut être la goutte
d'eau qui fait déborder le vase.
Ces jalousies de tous et de ceux qui doivent
de l'argent à Jacques Coeur restent en sourdine tant qu'Agnès
Sorel est présente... L'Argentier sera en difficultés
dès la mort de la Dame de Beauté.
1446 : Jacques Coeur constructeur
à Montpellier
Son commerce l'amène à se
développer du côté de la Méditerranée,
et en particulier à Montpellier. Il va construire, comme
à Bourges une somptueuse loge des marchands, et il y place
ses propres armes ainsi que celles du roi Charles VII.
Et c'est à Montpellier que Jacques
Coeur va installer dans un premier temps ses bureaux du midi.
Pour Jacques Heers, il s'agissait de mettre la main pour le compte
du roi Charles VII, sur une façade maritime française,
entre la Provence du roi René et certains grands fiefs
du Languedoc qui ne reconnaissaient pas trop la puissance du
roi de France.
Vers 1445, en tant qu'armateur à Montpellier, il entretient
les voies maritimes, l'étang de l'Or et la liaison entre
le port de Lattes et Aigues-Mortes.
Un problème technique va apparaître avec le port
de Montpellier qui était à Lattes, et dont le chenal
s'ensablait. Des investissements et des travaux étaient
nécessaires.
La ville devient le centre de ses affaires. Il envoie vers le
nord à dos de mulets les épices, sucre, coton et
soie venus par la mer du Levant et d'Égypte.
Montpellier à cette époque ne dispose pas de marché
ni de bâtiments couverts pour la vente, et avec des marchands
locaux mais aussi des changeurs, des armateurs et autres négociants
en draps et toiles.
C'est Jacques Coeur qui va vouloir créer à Montpellier
un véritable comptoir, ce que le roi Charles VII va écrire
plus tard (1456) :
" .... ou temps que Jacques Coeur
gouvernait le fait de nostre Argenterie et estoit homme de grande
entreprinze .... entreprit defaire au plus bel lieu de la dicte
ville (de Montpellier ), une belle maison, appelée Loge
des Marchans."
Tout un quartier marchand et d'entrepôts
lui doit sa création, c'est la Grande Loge des Marchands.
De nombreuses maisons de Béziers, Vias ou Pézenas
lui appartiennent mais aussi des demeures de Montpellier dont
l'hôtel des Trésoriers de France qui dit-on, était
surmonté d'un tour d'escalier si haute que Jacques Cur
pouvait voir arriver ses navires au Port de Lattes !
Jacques Coeur va donc s'implanter à Montpellier mais il
mettra aussi ses facteurs en cette ville, près de l'église
de Notre-Dame des tables et dans les rues les plus fréquentées
de la cité.
Jacques Coeur va contribuer à la réalisation d'un
très ancien projet destiné à faire à
Montpellier une Loge des Marchands identique à ce qui
se faisait à Perpignan, Barcelone ou Valence.
Michel Mollat écrit que Jacques Coeur "acquit un
terrain et fit construire sans regarder à la dépense.
Onze mois seulement suffirent pour bâtir un édifice
rectangulaire au centre de la ville, face à l'Eglise Notre-Dame
des Tables, comportant deux étages et surmonté
d'une terrasse".
Ainsi chaque étage contenait une grande salle, un peu
comme à Bourges, de 18 mètres de longueur et 9
mètres de largeur. L'argentier participa largement au
financement de cette demeure, et une exonération de taxe
par le roi, fit le reste.
Il manque le programme ornemental, car Jacques Coeur avait à
la fin des travaux le regard tourné vers Marseille !
Les biens de Jacques Coeur à Montpellier
vendus par le procureur Dauvet, selon M Mollat et R. Guillot
:
- Grand'Maison, rue Embouque d'Or à Montpellier retenu
pour le roi, puis vendu à Jean Forestier.
- Deux emplacements à Montpellier devant Notre Dame des
Tarbes, vendu à Jamet Carcassonne, un bourgeois de Montpellier.
- Une Etable à Montpellier vendue à Philibert de
Nèves, un marchand de Montpellier.
- Une maison à Montpellier (Dauvet F 177), vendue à
Philippe de Crapona de Montpellier.
- Le mas d'Encivade dans le canton de Montpellier, vendu à
Mathieu Savary et Michel Teinturier de Montpellier.
Aboleris, le jeune esclave d'Alexandrie
:
Dans le procès de Jacques Cur,
il y aura 2 arguments traitant de la mer. Le premier c'est d'avoir
renvoyé un jeune esclave maure réfugié en
France vers l'Egypte, d'où il venait.
Il s'agissait d'un adolescent de 14 ou 15 ans nommé Aboleris.
C'était un esclave musulman d'Alexandrie.
Aboleris était " un chrestien de la terre du Prêtre
Jean ", qui était alors un pays que nous situerions
aujourd'hui en Ethiopie.
En 1446, la caraque " Notre Dame Saint
Denis " était dans ce port pour un de ses voyages
annuels. Et soudain, Aboleris alla se réfugier dans ce
navire. Le capitaine en était Michel Teinturier, c'était
un capitaine du Languedoc.
Le jeune garçon criait : " Pater Noster, Ave Maria,
je veux être un bon chrétien ".
Et devant cette supplique le capitaine de Jacques Cur le
ramena en France.
Le navire arriva sans doute à Lattes, le port que Jacques
Cur avait fait aménagé près de Montpellier.
Le fugitif fut placé donc placé à Montpellier
chez l'archevêque de Toulouse, comme valet d'écurie.
" Ou ledit enfant eust demouré par long temps et
par plus de deux mois avecques aucun bourgeois et marchand de
ladicte ville, et aussi aveques Pierre du Moulin lors archevesque
de Toulouse, en le servant de officie de varlet de chambre ".
Depuis son arrivée, le jeune esclave s'était comporter
semble-t-il en bon chrétien et tout aller pour le mieux.
C'était sans compter sur la colère de Jacques Cur
qui apprit cette affaire. Il appris cette aventure en arrivant
à Montpellier et il convoqua Michel Teinturier et s'expliqua
:
" Jacques Cur avoit mandé Michel Teinturier
venir parler à luy et luy avoit fait très mauvaise
chière et dit plusieurs paroles injurieuses en lui disant
qu'il avoit mal fait d'avoir mené ledit esclave chrestien
d'Alexandrie et de l'avoir robé à son maistre ".
Jacques Cur ordonna le retour d'Aboleris à Alexandrie
dans les meilleurs délais, menaçant de ruiner la
famille Teinturier le père Ysart et le fils Michel si
cet esclave n'était pas renvoyé à Alexandrie.
Sans doute très en colère à son tour Michel
Teinturier fit enfermer le jeune esclave dans une prison du Bailly
pour un mois avant de le faire conduire à Aigues Mortes,
par son père Isart et de le mettre sur la galère
de Guillaume Gimard, un des facteurs les plus fidèles
de Jacques Cur et le navire jeta l'ancre et fit route pour
Alexandrie.
Une fois arrivé à Alexandrie, le jeune homme "
renia la foi et se tint à la loi des Sarrazins ".
Les conséquence de cet acte
Après cet épisode, plusieurs
esprits furent choqués car ramener un esclave converti
était une bonne action et de nombreux chrétiens
et membres du clergé ne comprenaient pas, eux qui passaient
leur vie à convertir des esclaves à la vraie religion
blâmaient cet acte. L'opinion de l'époque fut alerté
par les gens de Barcelone et de Marseille, et Jacques Cur
devenait une sorte de coupable, vis à vis du monde chrétien.
Inversement beaucoup de gens, très au fait du commerce
avec le Levant et qui connaissaient bien les contraintes qui
pesaient sur le commerce en Méditerranée trouvaient
que Jacques Cur ou ses fidèles représentants
ne pouvaient agir d'une autre façon. Il n'était
pas possible de violer les engagements pris avec le sultan d'Egypte.
Le traité de paix stipulait le respect des biens de chacune
des parties.
Pour beaucoup, on fit à Jacques Cur " une mauvaise
querelle ".
Jacques Cur fut accusé quelques années plus
tard, d'avoir livré un chrétien aux Infidèles,
telle fut d'ailleurs la déposition de Michel Teinturier
qui était alors très fâché avec Jacques
Cur, lors du procès de ce dernier.
Il faut remarquer que la haute hiérarchie chrétienne
ne dit rien sur ce retour et qu'ensuite, il n'était pas
possible de commercer si l'on ne pratiquait pas les règles
admises, et il n'était pas possible de ramener un esclave
en France. Avec un tel incident, ce pouvait être une série
de représailles, et le grand maître de Rhodes ainsi
que des négociants du Languedoc insistèrent auprès
de l'Argentier pour activer le retour du jeune esclave.
Un auteur affirme qu'il aurait été dramatique si
des Sarrazins avaient enlevé un esclave à Montpellier,
affirmant qu'il voulait se convertir à l'Islam ! Car il
y avait " de nombreux Magrhibins, des Grenadins, des Noirs,
voire des Orientaux d'origine diverse et pas toujours musulmans,
sont captifs dans les pays méditerranées chrétiens,
surtout à Majorque et en Catalogne ".
1446 : Jacques Coeur " place
" sa famille
Jacques Coeur et sa famille sont très
proche de l'Eglise et sans que l'on sache trop pourquoi très
en lien avec les papes de ces années.
En 1446, le pape est alors Eugène IV, avec lequel, il
réussit à obtenir pour son fils Jean l'archevêché
de Bourges, particulièrement prestigieux à cette
époque.
Mais le jeune homme n'a que 22 ans, et le pape lui accorde une
dispense.
Dans la bulle qui va suivre, ce sont les mérites du père
qui sont mis en avant, " " .... a cause des mérites
et des grandes vertus dont on sait que vous brillez, appuyé
aussi par l'aide de vos amis " " avec au cours d'une
phrase, la demande de " restaurer cette même église,
beaucoup diminuée dans ses revenus à l'occasion
des guerres et divisions qui ont trop longtemps lamentablement
affligé ces contrées ".
Il faut remarque que son frère Henri
est lui aussi bien doté, il est doyen de Limoges et chanoine
de la Sainte Chapelle de Bourges.
L'année suivante, c'est une autre
forme de " placement " qu'il effectue en mariant sa
fille Perrette au vicomte de Bourges, Artaud Trousseau de la
grande famille berrichonne, les Trousseau, et Perrette acquiert
ainsi le domaine de Bois-sir-Amé, à proximité
de Bourges, qui verra les amours de Charles VII et d'Agnès
Sorel.
Jacques Coeur au
sommet de sa gloire et de sa richesse avant la chute
1447 - 1450
Ce sont à
la fois les grandes années au cours desquelles il étale
sa richesse et montre sa gloire dans le royaume tout entier.
Il est proche du roi, dans le cercle d'Agnès Sorel.
Ses affaires sont prospère alors
qu'il est de plus en plus attiré par la politique et les
ambassades où, et cela est peu connu, il excelle. L'argent
devant ajouter souvent le dernier moyen de persuasion, lorsque
cela était nécessaire.
Il s'est entouré d'hommes de confiance,
et c'est ainsi que Guillaume de Varye est à Tours, à
la tête de l'Argenterie, alors que Jean de Village et Antoine
noir s'occupent des routes, des comptoirs et de la flotte pour
le Levant.
" Riche comme Jacques Coeur
"
Sa richesse progressivement éclate
d'autant qu'en 1446 ( ?), Jacques Coeur obtient une dispense
personnelle pour lui permettre de faire du commerce avec les
infidèles.
Il avait une dispense pour ce type de commerce avec le port de
Montpellier, et désormais, il a une dispense liée
à sa personne et donc à ses navires, quel qu'en
soit le port d'attache..
Très riche, on dit alors "
riche comme Jacques Coeur " au XV ième siècle.
Il fait du commerce à grande échelle,
il a des routes, des comptoirs et des navires.
Dans ces années, mais depuis une
dizaine d'années, il achète toute sorte de propriétés
foncières, ces ont des seigneuries, des manoirs, des maisons,
châteaux et hôtels. On retrouvera dans les compte
du procureur Dauvet, la liste de ces biens quelques années
plus tard. Robert Guillot en dressera une liste qui impressionne.
On parle parfois d'une soixantaine de titres
de propriétés à son nom, et il y en a que
l'on redécouvre encore aujourd'hui qui avaient passé
à travers les mailles du filet de Jean Dauvet.
Il reste à établir les autres
biens de Jacques Coeur, il avait des tapisseries, c'est certain,
mais le " trésor " de Jacques Coeur en pièces
d'or existe-t-il ? Nul ne sait, mais il fait rêver !
1447 : Jacques Coeur et le Dauphin
Louis
Le futur Louis XI, ambitieux et impatient
sera en permanence en conflit avec son père le roi, il
n'aura de cesse de " vouloir simplement prendre sa place
".
En 1447, suite à une altercation
avec Agnès Sorel, le Dauphin est chassé de la cour
par son père et il ne le reverra jamais.
Jacques Coeur, un des bras droits du roi
restera toujours en contact avec le Dauphin, ce sera peut être
une des raisons de sa perte.
Comme avec d'autre, et principalement à la cour, il prêtera
de l'argent au Dauphin. Et il choisi un de ses facteurs, Charles
Astars qui s'occupait des comptes de ses mines pour assurer la
liaison entre le futur Louis XI et l'argentier.
1447 Jacques Coeur devient le "roi"
du sel
C'est deux jours avant Noël 1447,
le 23 décembre que le roi Charles VII nomme Jacques Coeur
visiteur général des Gabelles.
Il est chargé de surveiller les impôts attenant
à cette production stratégique à cette époque.
Il a déjà des entreprises de production du sel,
et il assure le transport du midi vers le Nord et Paris. mais
cette fois, il va plus loin, Georges Minois l'accusant à
ce moment " de frauder le fisc ", car il délègue
le monopole du transport sur la vallée du Rhône
à des amis, comme les frères Villard ou Etienne
de Cambrai, moyennant une rétribution intéressante.
1447 : Jacques Coeur négociateur
lors du schisme Eugène IV / Félix V
Jacques Coeur s'adonne
de plus en plus aux affaires politiques et c'est ainsi qu'il
obtient du sultan d'Egypte un accord entre le roi Charles VII
et ledit sultan. Pour cela il a envoyé à Alexandrie
Jean de Village avec de somptueux cadeaux dont des armes et des
armures qui ont été fabriquées dans les
ateliers .... de Jacques Coeur.
Cela lui apporte aussi la protection du sultan dans son commerce
en Méditerranée.
Et c'est ainsi qu'il devient indispensable
à Charles VII, et il est en première ligne dans
le schisme qui va opposer deux papes, à la suite du concile
de Bâle et de l'élection de l'antipape Félix
V, qui était le duc de Savoie.
Jacques Coeur se retrouve avec Jean Jouvenel des Ursins, archevêque
de Reims et quelques autres à la tête d'une délégation
qui doit écarter cet antipape au profit de Eugène
IV.... mais ce dernier meurt et Félix V, seul en lisse
ne voit pas pourquoi il laisserait désormais la place.
Les cardinaux élisent un nouveau pape après la
mort de Eugène IV, afin d elui succéder et ils
élisent Nicolas V.....
1447 : Toujours l'argent , le "
Gros " de Jacques Coeur
Pour
Robert Guillot, lors d'une conférence à Bourges
sur le sujet, l'année 1447 marque un véritable
tournant, tournant qui est caractérisé par une
sorte d'amplification des activités de Jacques Cur.
Tout d'abord, on estime qu'il fut vraisemblablement l'instigateur
de l'ordonnance du 27 juillet 1447 décidant, pour la première
fois depuis 1370, la frappe de pièces d'argent de bon
aloi ce qui créait ce que l'on a appelé le GROS
de Jacques Cur que vous allez voir maintenant.
La pièce est évidemment un
petit peu usé, " j'en ai dans ma poche une autre
encore plus usée que je ne vous montre pas " il faut
surtout regarder ce qui se passe en dessous et ces pièces
qui sont des pièces en argent et ce qui est intéressant,
c'est que c'est la première fois depuis 1370 que l'on
frappe une pièce de très bon aloi à 92%
d'argent fin. C'est une pièce qui vaut deux sous, ou 6
deniers tournois et qui est en quelque sorte le symbole du retour
à une monnaie saine.
Il n'y a pas accord entre tous les historiens
sur le rôle de Jacques Coeur dans le rétablissement
de la confiance dans la monnaie, puisque Jacques Heers fait le
compte des dévaluations qui sont encore nombreuses.
Mais l'action de Jacques Coeur, les trêves et aussi la
fin de la guerre de cent ans, furent aussi des cause positives
pour rétablir un climat propice aux affaires.
Quoi qu'il en soit, avec cette pièce
du " gros de Jacques Coeur " l'argentier bénéficiait
d'un grand prestige, les marchands et petites gens à Bourges
comme à Paris, selon Jacques Heers furent conquis par
cette monnaie, qui fut, longtemps après très appréciée
Chacun louait alors sa rectitude, son expertise et son désintéressement,
ce qui, l'histoire le montre n'était pas tout à
fait conforme à la réalité.
1448 : L'entrée en grande
pompe de Jacques Coeur et de son ambassade à Rome
Et le schisme n'étant pas résolu,
une nouvelle ambassade avec Jacques Coeur se présente
à Rome, dans un luxe inouï... Ils sont 300 cavalier
dit-on richement harnachés, avec des tenues et armures
sortis de l'Argenterie et ... financés par Jacques Coeur.
La population et les hommes de la papauté
sont subjugués.
Les négociations commencent, c'est
difficile, mais Jacques Coeur emporte la décision et Félix
V se retire, laissant un seul Pape, Nicolas V, lequel sera pour
toujours reconnaissant à Jacques Coeur.
Et comme il a toujours le sens aigu des affaires, il en profite
pour demander au pape, une intervention dans un conflit local
entre des communautés du Lyonnais et les sociétés
des mines qui lui appartiennent. Il aura gain de cause sur des
problèmes de droits et de servitude !
Il est devenu l'égal d'un roi, tout
en surveillant sa " petite entreprise ".
1450 : juste avant la chute
Il devient progressivement un des personnages
clé du royaume de Charles VII. A la fin de cette décennie,
le roi a une garde très rapprochée comprenant Agnès
Sorel, on ne peut pas faire plus rapproché mais aussi
Pierre de Brézé et ... Jacques Coeur.
On trouve dans les chroniques de Thomas
Bazin un description relative à jacques Coeur :
" ... Il y avait alors dans les bureaux
de la maison du roi, un homme industrieux et avisé, Jacques
Coeur, de Bourges, d'origine plébéienne, mais de
grande et vive intelligence, et d'une prodigieuse habileté
dans les choses du siècle. Il était argentier du
roi et les opérations commerciales auxquelles il se livrait
sans arrêt l'avaient considérablement enrichi et
tiré hors de pair. C'est lui qui, le premier de tous les
français de son temps, équipa et arma des galées
qui, chargées de lainages et autres produits manufacturés
français, parcouraient les rivages d'Afrique et d'Orient
jusqu'à Alexandrie d'Egypte et en rapportaient, en remontant
le Rhône, des étoffes de soie et toutes espèces
d'aromates, toutes marchandises qui, répandues non seulement
en France mais en catalogne et dans toutes les contrées
voisine, devaient servir à l'usage de ces pays. "
1450 : La mort d'Agnès Sorel,
Jacques Coeur orphelin ?
De
quoi est morte le 9 février 1450, Agnès Sorel,
telle est la question. Trois équipes ont travaillé
sur les examens toxicologiques. Les analyses ont porté
sur le contenu des poils, des cheveux, de la putréfaction.
Agnès Sorel a été foudroyée en quelques
jours par une dose astronomique de Mercure.
Pourquoi tant de mercure ?
Le mercure à cette époque était utilisée
comme médicament pour de nombreuses maladies, pour les
accouchements longs et difficiles et aussi.... comme poison !
Il venant du cinabre. (sulfure de mercure, HgS)
L'enquête avance :
En premier lieu, Agnès Sorel était plutôt
en bonne santé, elle avait une bonne hygiène de
vie et une alimentation équilibrée. On a retrouvé
7 dents, une seule avec une carie, ce qui à l'époque,
est un bon résultat. (l'âge a aussi été
confirmé par les dents).
Seule chose nouvelle et intéressante sur la santé
de la belle, c'est une légère malformation des
cloisons nasales, ce qui devait sans doute "la faire ronfler"
la nuit, lorsqu'elle dormait aux côtés de son amant
de roi....
Mais les études parasitologiques ont démontré
qu'elle était atteinte d'une maladie parasitaire : l'ascaridiose,
c'est à dire des vers intestinaux. Ce sont des vers blanchâtres
de 2 à 25 centimètres de long provoquant une infection
du tube digestif, comme cela n'était pas exceptionnel
au XV e siècle.
C'était donc fréquent à l'époque,
avec des douleurs abdominales, des diarrhées, des elles
sanglantes et des complications pouvaient survenir. Cette ascaridiose
provenait de l'hygiène d'alors et de la préparation
des repas.
On a pas trouvé de trace d'arsenic, alors qu'il s'agissait
d'un poison parmi les plus utilisés.
Pourquoi le mercure ?
L'utilisation du mercure était monnaie courante pour les
traitements contre les vermifuges. Mais les posologies étaient
alors bien connues et une erreur de dosage ne semble guère
possible. Le médecin d'Agnès Sorel, Robert Poitevin
était un des plus grands médecins de l'époque.
Le mercure pouvait-il provenir du sarcophage et du plomb ? Sans
doute pas, car le cercuil de plomb ne comprend que des traces
de mercure et non des quantités importantes.
Sur l'hypothèse des soins de conservation, il en est de
même, on n'a pas trouvé mercure à haute dose
dans les fosses nasales.
D'où vient ce mercure mortel ?
Ce taux considérable de mercure trouvé dans les
phanères (cheveux, poils et sourcils) semble davantage
correspondre à un meurtre au mercure. Ce mercure était
très utilisé au moyen Age comme poison, c'était
aussi bien en Europe, dans les cours, qu'à Moscou par
exemple. Remarquons que Pline l'Ancien évoquait déjà
ce poison.....
Agnès Sorel était sans doute soignée avec
des fougères mâles et du mercure, comme le demandait
le traitement de cette parasitose intestinale, mais de manière
volontaire, une dose massive de mercure a été ajoutée
dans les médications que devait prendre Agnès Sorel.
Le mercure au Moyen Age a souvent été considéré
comme étant "le poison du pauvre".
Qui a tué Agnès Sorel ?
L'enquête continue à partir des études de
l'équipe du professeur Charlier. Il faut maintenant redonner
la parole aux historiens.
Agnès Sorel aurait pu être tuée par beaucoup
de gens. Jacques Coeur fait parti du nombre des suspects, mais
aussi Etienne Chevalier, ou encore des obscurs de l'entourage
du roi. Et puis, un des rares hommes avec lequel Agnès
Sorel était en guerre : le dauphin Louis.
Le futur Louis XI apparaît comme le coupable idéal......
mais les recherches en ce domaine ne font que commencer.
Le commanditaire peut être effectivement Louis XI, mais
le dauphin n'était pas présent à la mort
de la belle. Il a donc, si l'hypothèse s'avèrre
confirmée qu'il a eu, sur place un "exécutant".
Parmi les personnes qui ont été en contact étroit
avec Agnès Sorel dans ces moments figure le docteur de
Charles VII, Robert Poitevin, un des plus grands médecins
de son temps, et il fut en outre un des trois exécuteurs
testamentaires de la belle.
Pourquoi Robert Poitevin ?
Les relations des uns et des autres étaient
conflictuelles, entre la cour et les bourgeois arrivés
comme Jacques Coeur, entre les partisans du roi et ceux du dauphin,
entre aussi le clan d'Agnès, qui comprenait Jacques Coeur
et le clan du Dauphin.
Poitevin s'est-il laissé convaincre que cette "belle"
devait périr car elle prenait de plus en plus d'importance
dans les décisions du roi ? peut-être, mais c'est
sans doute la future arrivée du dauphin à la tête
du pays, car Charles n'a jamais été en bonne santé
qui est au coeur de l'affaire.
Un médecin assassin ? c'est un peu la théorie nouvelle
"développée avec beaucoup de précautions"
par Philippe Charlier. Il veut que la parole revienne aujourd'hui
aux historiens.
Un argument de plus, c'est la déclaration de Poitevin,
après la mort pour affirmer de manière péremptoire
que l'amante de Charles VII avait été victime "d'un
flux au ventre", et face à la rumeur qui circulait
sur un éventuel empoisonnement, il a démentit de
manière forte, comme l'on dirait aujourd'hui or un tel
empoisonnement ne pouvait passer inaperçu pour un homme
de la valeur du docteur du roi.
Les chroniqueurs ont peu parlé de la mort d'Agnès
Sorel, s'intéressant comme l'a fait remarquer Georges
Minois dans son Charles VII, ils ont davantage évoqué
la guerre de cette année 1450.
On trouve pourtant quelques lignes sur Agnès, l'empoisonnement
et... Louis XI :
c'est ainsi que Jacques Du Clercq a écrit :
"Et certains dirent aussi que le dauphin avait déjà
fait mourir une damoiselle nommée la belle Agnès,
laquelle était la plus belle femme du royaume, et totalement
en amour avec le roi son père".
Le dauphin avait une réputation exécrable et Jacques
Coeur qui a toujours servi son roi Charles, se rapprochera du
Dauphin, ce qui causera sa perte.
Agnès Sorel empoisonnée,
cela semble aujourd'hui certain.
Agnès Sorel assassinée, la probabilité est
de plus en plus forte
Robert Poitevin, a mis le poison dans les médications
de la belle, c'est probable
Le dauphin Louis, à l'origine du meutre dont il est le
commanditaire, c'est fort possible.
Jacques Coeur innocent, là encore c'est certain.
Quelques éléments nouveaux
:
Le docteur Philippe Charlier , qui est
aujourd'hui au service de médecine légale et d'anatomie
/ cytologie pathologique de l'Hôpital Universitaire Raymond
Poincarré de Garche (Il donne aussi des cours à
l'Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris), au cours de 2 conférences
à Bourges le mardi 31 janvier a apporté quelques
éléments nouveaux.
Il y a eu 22 collaborateurs et 18 laboratoires
qui ont participé à cette étude sur les
reste d'Agnès Sorel.
Agnès Sorel est la "maîtresse" officielle
du roi Charles VII, et ses enfants peuvent prétendre au
trône, ce qui était politiquement très important.
Le transport du corps de la Dame de Beauté (hormis le
coeur et les viscères) vers Loches a été
fait en une quinzaine ou vingtaine de jours.
Le gisant, magnifique sculpture de Loches, est en albâtre,
et il aurait été réalisé "d'après
nature". Ce qui est important pour les comparaisons du visage.
Il n'a pas été possible de déterminer la
taille d'Agnès Sorel, il aurait été nécessaire
d'avoir des os plus longs.
Lors de la réduction du corps en 1777, les restes ont
été placés dans un vulgaire saloir à
cochon, neuf, de 43 cm par 35 cm. Cette réduction du corps
s'est fait d'abord par les pieds, puis le bassin, puis la poitrine
et enfin la tête.
Il n'y avait pas de bijoux dans l'urne, mais il a été
signalé que des reliques, chaque fois que l'urne a été
ouverte elle a fait l'objet de vols de dents ou d'os.
Au cours de ses recherches, le docteur Charlier a été
victime d'une maladie pulmonaire due semble-t-il à des
champignons microscopiques, un peu comme une malédiction
( on se souvient de la malédiction de Toutankamon).
Mais la dernière découverte des restes, c'est la
présence d'un triponem, et la question se pose : Agnès
Sorel pouvait elle avoir la syphilis ? Cela reste une question
intéressante, car les historiens affirment que cette maladie
est arrivée en Europe à partir de 1493.... Et que
cette théorie est aujourd'hui contestée. Agnès
Sorel et ses restes pourraient donner des répponses, mais
le docteur Charlier est très prudent sur ces études
qui ne sont pas terminées.
Le paludisme qui était très présent en Berry,
n'a pas atteint Agnès Sorel.
Jacques Coeur était-il
un adepte, c'est à dire un alchimiste ?
Jacques Coeur avait-il des connaissances
du Grand Oeuvre ? , de la Pierre Philosophale ? telle est la
question.
La vie de Jacques Cur est pleine
d'aventures, et sa mort, si loin de son Berry natal ajoute au
mystère.
Il y a une légende ésotérique sur Jacques
Cur , sur sa vie et l'origine de sa fortune. Pour beaucoup
cet homme était un initié, c'est devenu une évidence
.Il n'y a pas de preuve, mais différentes corrélations
de faits :
- Tout d'abord, il manipulait l'argent
avec beaucoup de connaissance et de passion. Si bien qu'il a
un peu commencé sa carrière dans la fausse monnaie.
Ce n'était pas le seul à l'époque, mais
ça fait un peu désordre.
- Il faisait partie de ces Bourgeois, chefs d'entreprise, dans
un secteur assez particulier puisqu'il possédait des mines,
dans lesquelles il exploiter des minerais d'argent et peut être
d'or. C'était un homme qui fréquentait les "
métallurgistes ", des hommes qui possédaient
un savoir important et souvent mystérieux, l'alchimie
était souvent leur passe-temps et leur passion et pour
certains leurs métiers.
- Ensuite, Jacques Coeur a beaucoup commercé
directement en payant de sa personne ou par des intermédiaires,
avec les pays arabes et les infidèles. Or l'Alchimie vient
de ces pays. Il a donc sans aucun doute pris des contacts avec
les savants du Levant et abordé ou rapporté des
éléments mystérieux, autres que les orangers
et les dattiers.
- Son Palais qu'il fait construire à
l'apogée de sa richesse et un peu à la fin de sa
vie recèle des symboles et des sculptures qui ne sont
pas innocentes sur le plan de l'alchimie. Souvent à plusieurs
sens, il est possible de faire un parcours alchimiste du Palais
sans trop " en rajouter pour la cause ".
- Enfin, il est devenu riche, et cette
richesse, ce n'est pas en vendant quelques morceaux de tissus
ou des parfums même venu de l'Orient qu'il a pu l'acquérir.
Il est donc devenu riche par un autre moyen qui est forcément
la pierre philosophale.
Chez les historiens, ces affirmations les
laissent plutôt froids et dubitatifs. Pour quelques uns,
cela oscille entre l'extrême réserve et le silence,
pour la majorité, c'est l'hostilité la plus âpre
par rapport au sujet. Il est vrai que Jacques Coeur n'a pas écrit
ses mémoires, et qu'il n'a pas laissé de témoignage
" de première main ", et que toute affirmation
peut être contredite, mais cela va dans les deux sens.
Déjà de son vivant, Jacques Coeur était
devenu une légende, un mythe, c'était l'homme qui
donnait de l'argent au Roi et à la cour. Cet or va contribuer
à lever des troupes et à bouter les Anglais hors
de France.
D'ailleurs, le peuple, lorsqu'il apprit sa mort dans la lointaine
ile de Chio, refusa de la croire. Ce sera le cas de Villon qui
mettra en doute cette version officielle dans un poème
( Bourges cité première, p 127)
De son vivant ou des quelques années qui suivirent sa
disparition, il y a des textes, pas très nombreux d'après
les spécialistes, qui parlent de Jacques Coeur et de son
Palais, mais aucun n'évoque l'alchimie.
On a retrouvé pourtant un texte de Jacques Coeur qui parle
explicitement d'Alchimie, mais dans un sens différent.
Dans une lettre autographe adressée au sieur de barbançois,
Jacques Coeur parle longuement qu'un receveur des finances de
Saint Benoist " avait des accointances avec des Arquemiens,
par le moyen desquels il faisait des écus d'arquemie,
qui servaient à payer les gens d'arme".
Et le Grand Argentier de Charles VII ajoute,
en connaisseur de fausse monnaie :
" ... de telle sorte exchangié cinq lingots qui n'estaient
d'or comme sembloyt, mais n'étoit que léton doré
par le dit moyen d'arquemie ".
Sur ce thème sulfureux, il n'y a pas, compte tenu des
recherches actuelles aucun témoignage des " écrivains
" contemporains de son époque.
Un des premiers documents sur Jacques Coeur
date de l'année de son arrestation par Antoine Artesan
qui écrit dans son " Eloge descriptif de la ville
de Paris et des principales villes de France " :
" ..... A Bourges, j'ai vu encore une hôtel digne
d'un grand prince, que fait bâtir avec un soin extrême,
l'argentier de notre puissant roi, cet homme aussi grand par
l'esprit que riche par ses trésors, qui l'égalent
au célèbre Crassus, d'illustre renommée....
il désire que rien ne manque à la splendeur de
cette résidence ".
les arbres mystérieux
du tympan : DIRE - FAIRE - TAIRE
D'autres témoignages du XV ième
siècle évoquent de la même manière
la fortune de Jacques Coeur, " qui estoit si riche qu'on
disait qu'il faisoit ferrer ses haquenées et chevaulx
de fers d'argent... " avec en filligramme la Grand Maison
" une maison plus riche de quoy on povoit parler ".
On sent poindre un zeste de jalousie dans plusieurs écrits,
avec les allusions au commerce avec les infidèles ou le
pillage des finances du roi. Jacques Coeur est un banni, condamné
par le pouvoir, il n'est pas très bon de le défendre
ou d'ajouter quoique ce soit aux accusations.
Chastelain évoque aussi le grand Argentier par des mots
comme " Le plus grand de la terre, marchand et financier
que depuis par fortune, vis mourir en exil,.... "
Mais Christian de Mérindol est allé plus loin,
il a trouvé de nombreux témoignages sur les activités
alchimistes de JacquesCoeur. Mais il faut remarquer qu'aucun
texte ne parle de Jacques Coeur de son vivant. C'est un fait,
mais cela ne signifie rien sur de possibles activités
alchimiques de l'argentier.
Il faut attendre un siècle après sa mort, ce qui
est beaucoup, pour que des auteurs évoquent des activités
alchimiques. Il ne s'agit pas de découvertes particulières
ou de documents, mais de constats et de réflexions, pour
simplement expliquer sa fortune.
Un texte de 1575 parle sous la plume d'André Thevet :
... Jacques Coeur " a esté plus de vingt ans à
faire la pierre Philosophale, et y oeuvra si bien, qu'il se fait
l'un des Seigneurs de sa ville, luy qui n'estoit rien au commencement
".
Une statue le représente sur un mulet lequel a les fers
inversés ??? et à ses cotés celle de sa
femme et de quelqu'un d'autre qu'on dit être sa servante.
David de Planis-Campy, médecin de Louis XIII en 1633 évoque
le secret que possédait Jacques Coeur en échange
duquel il aurait obtenu du roi le pouvoir de forger des monnaies
d'argent pur.
Pierre Borel ( 1620 / 1689) a beaucoup oeuvré pour faire
accréditer la thèse d'un Jacques Coeur alchimiste
et possesseur de la Pierre Philosophale. Il insiste en particulier
sur les " figures hiéroglyphtiques " qui sont
aux portes de la Grande Loge de Montpellier construite par Jacques
Coeur.
En 1579, François Garrault affirme que les sculptures
de la "grant-Maison" sont les " emblèmes
de sa vie et de ses actions ". Et la fortune de Jacques
Coeur est essentiellement fondée sir l'exploitation de
ses mines. Et les mots de sa devise Dire Faire Taire n'explique
aucune opération chimique.
Christian de Mérindol conclut un récent article,
parfaitement documenté en rappelant que Jacques Coeur
ne semble pas avoir été un grand lecteur, et que
les qualités de l'homme semblent très loin de l'alchimie.
C'est une étude sérieuse mais bien de notre temps.
Si je voulais caricaturer, je dirais qu'il n'y a aucun écrit
de Jacques Coeur explicitant qu'il est un alchimiste, alors,
l'Alchimie n'a-t-elle rien à voir avec le personnage?
Il faut donc chercher autre part les possible traces d'un adepte,
puisque la littérature n'aboutit pas à des preuves
intéressantes. Fulcanelli, qui a redoré le blason
des alchimistes s'est un peu intéressé à
Jacques Coeur.
L'adepte ?
Il y a encore trop de mystères dans
la vie de Jacques Coeur pour que l'on puisse dire aujourd'hui
de façon péremptoire, que le Grand Argentier était
un Alchimiste, ou " Jacques Coeur n'a rien à voir
avec l'alchimie ".
L'école rationnelle, rejette toute allusion, chez Jacques
Coeur et l'emblématique de son Palais, à l'alchimie,
alors que Fulcanelli et ses disciples "découvre l'alchimie
sur le moindre cul de lampe de sa Grand-maison.
Il n'est pas simple d'en faire la synthèse.
Pour les rationalistes, Jacques Coeur est un chef d'entreprise,
un homme d'action qui n'a que faire des " messes noires
", et des mystères de l'athanor. Tout ce qu'il fait
est très éloigné du monde de l'ésotérisme.
Et en plus, toute son emblématique est faite pour honorer
le roi et les princes. Il est de son époque.
Cette vue me semble méconnaître deux aspects importants
sur Jacques Coeur et son époque.
Le premier, c'est le besoin chez tout homme d'action, tout entrepreneur,
d'avoir un " jardin secret ". Une vie publique et intense
nécessite des instants d'échappement. De tout temps,
les grands destins ont possédé des phases qui semblent
anachroniques.
Il y a une nécessité pour ces hommes au destin
fabuleux d'avoir une activité, un lobby que l'on ne soupçonne
pas. Chez les uns, chef d'entreprise, roi ou président
d'une République c'est la religion, d'autres les femmes,
les troisièmes les sciences occultes.
Pour Jacques Cur , qui a cotoyé les Astrologues
comme tous les grands de son temps, qui est resté fidèle
à sa femme pour ce que nous en savons, les métallurgistes
de ses mines n'étaient pas éloignés des
alchimistes, alors rien ne s'oppose à le voir fréquenter
ces gens-là, au contraire. Et cela arrangeait sa position.
Alchimiste, il n'avait pas trop de comptes à rendre. Alors,
il a pris de l'Alchimie, la philosophie, faite de patience, de
maximes, d'un art de vie. Il s'est forgé une éthique
et ses maximes Dire, Faire, Taire ou En Bouche close n'entre
mouche en sont la preuve.
Quant à se représenter le Grand Argentier devant
des fours, dans les caves de sa Grand Maison, il y a un pas que
je ne franchirais pas.
Enfin sur l'emblèmatique, des références
indubitables à la pierre philosophale existent sans que
l'on connaisse la validation par Jacques Coeur des sculptures
qui ornent sa Grant'Maison. Nul ne sait quelle part il a pu y
prendre.
C'est sans doute un peu de son " testament philosophique
" qu'il a voulu traduire, un mélange de son oeuvre,
de son action et de sa philosophie. Oui Jacques Cur fut
un adepte, un de ces hommes qui ont fait avancer le monde.
Lors d'une récente conférence du professeur Robert
Guillot, (octobre 2008) ce grand médiéviste a évoqué
le "Jacques Coeur alchimiste", pour affirmer que l'alchimie
était à cette époque acceptée, à
condition de ne pas faire de magie ou de sorcellerie. Jacques
Coeur a sans aucun doute eu des contacts avec l'art de l'alchimie.
A cette époque, on considérait que les métaux
pouvaient se décomposer et par conséquent se recomposer.
On connaissait aussi la technique de la coupellation
La coupellation connue depuis l'antiquité
était au XV ième siècle, une méthode
de purification de l'or et de l'argent.
Le point de vue de Robert Guillot est intéressant,
voici ce qu'il dit lors d'une conférence à Bourges
:
Sur l'ésotérisme, "
Je dirais que là, c'est une autre paire de manche parce
que l'ésotérisme part de documents, effectivement,
mais aboutit à des conclusions qui ne sont pas acceptées
par tous les historiens. Il faut dire que par son caractère
secret, son goût des symboles, Jacques Cur peut très
bien se prêter à de telles interprétations.
Elles ont été abordées par des propositions
d'explication de l'emblématiques des demeures de Jacques
Cur par des auteurs comme Christiane Paloux ici même
à Bourges et quelques autres.
Alors je donnerais seulement un exemple
pour illustrer cet aspect là des choses, c'est un sigle
qui est resté à la fois énigmatique et célèbre
et qui apparaît dans la pierre à l'Hôtel Jacques
Cur, qui apparaît également dans un vitrail
de la sacristie de la cathédrale, c'est ce sigle RG.
Il se trouve que nous le connaissons également dans la
description de la décoration de la chambre même
de Jacques Cur à l'étage, c'est à
dire l'ensemble de taffetas brodé et nous connaissons
cette description de la chambre et de sa décoration grâce
au témoignage de celui qui avait la charge de gérer
les affaires de l'Hôtel et qui témoigne devant quelqu'un
dont nous allons beaucoup reparler et qui est le procureur du
roi qui était chargé de mettre la main sur les
biens de Jacques Cur, il s'agit de Jean Dauvet.
Ce sera l'occasion de voir ce qui est un des documents essentiels
pour la connaissance de Jacques Cur, c'est à dire
le journal du procureur Dauvet.
Je vous indique l'emplacement du "RG"
et là commence la déposition que je vais vous lire.
La déposition de ce dépensier de l'Hôtel
Jacques Cur qui s'appelle Guillot Tipault et non pas Trépan
comme on a pu le dire. Voilà ce qu'il déclare :
" interrogé sur ce qu'est devenu une chambre de taffetas
rouge, brodée à RG, et à angelote, il dit
qu'il "a bien vu autrefois en l'hôtel et fut porté
à Rome" (ce fut la grande ambassade de 1448 ) et
depuis il fut rapporté en son dit hôtel et fut tendu
aux noces de maître Jean Thierry dans la chambre des Galées".
En dehors de ce RG sur lequel je m'explique dans un instant,
il y a aussi un élément très important qui
concerne la manière dont s'établissait une confiance
extrême entre Jacques Cur et certains de ses commis,
Jean Thierry était l'un de ses clercs et la noce a été
célébré ici dans l'Hôtel même
de son patron.
Alors que dire sur "RG"
On peut dire à peu près ceci, c'est que la plupart
du temps on l'interprète comme le sigle de "Réal
Guerdon" c'est à dire "protection royale"
ou "royale récompense" mais les alchimistes
estiment que l'on peut aussi le décrypter comme "Recipe
G" c'est à dire "prend G", G étant
le symbole de la matière première de l'alchimiste,
c'est à dire l'antimoine.
Toujours est-il que de fait, le milieu des alchimistes n'était
pas inconnu de Jacques Cur, et on peut se référer
ici à une lettre dont l'original est perdu, lettre dans
laquelle Jacques Cur relate la fabrication nocturne de
lingots d'or à partir de laiton doré à l'hôtellerie
de l'Homme Sauvage à Saint Benoît sur Loire.
Il y avait donc des contacts aussi avec le milieu des alchimistes.
"
1450 : La bataille de Formigny
venge Azincourt
L'événement que l'on pourrait
retenir comme véritable symbole de la renaissance et du
relèvement du royaume, comme le souligne Robert Guillot,
c'est une bataille dans le fond qui passe inaperçue c'est
la bataille de Formigny près de Bayeux, dans la reconquête
de la Normandie le 15 avril 1450 et qui est une sorte d'Azincourt
à rebours puisque les pertes anglaises ayant été
estimées à 80% des effectifs engagés, 4000
tués, 1500 prisonniers c'est considérable. Ce succès
éclatant qui permet le recouvrement de la Normandie était
du à la capacité du roi à maîtriser
les atouts dont il pouvait disposerr. Ces atouts étaient
de deux ordres face à un camp anglais un peu désorganisé,
et où les garnisons étaient un peu émiettées,
pas très nombreuses, mal payées, parce que le Parlement
de Londres rechignait et mesurait chichement son aide.
Charles VII pouvait compter à la fois sur des ressources
et des hommes particulièrement substantiels ce qui lui
a permis finalement de l'emporter sur une monarchie qui n'est
plus la monarchie d'Henri V Lancastre le vainqueur d'Azincourt
mais qui était déjà une monarchie contestée
par la maison d'York, avec Richard duc d'York. Nous sommes à
la veille de la fameuse guerre des deux roses en Angleterre.
Les ressources, et bien les recettes annuelles de la couronne
montent à ce moment là à peut près
trois millions de livres tournois. Ceci grâce à
trois impôts permanents, les aides, la gabelle, la taille
et les subsides votés par les Etats provinciaux, avec
pour pourvoyeur principal, notamment les états de Languedoc
et je dirais au passage que quelqu'un en a profité, pas
seulement Jacques Cur mais avant lui et pour le bien du
patrimoine, c'est le duc de Berry évidemment, Jean de
Berry, qui était Lieutenant général en Languedoc.
La chute de Jacques
Coeur
Jacques Coeur continuait à préter
de l'argent au roi et à la cour, et même si il y
avait des rumeurs contre l'argentier du roi, Jacques Coeur semblait
intouchable. Il n'a pas vu sa chute qui fut brutale.
1451- 1453 : 31 juillet
funeste , la chute de Jacques Coeur
Jacques Coeur, le 31 juillet 1451 est arrêté
au château de Taillebourg ( Charente Maritime, vers Saint
Jean d'Angély) et ses biens sont mis sous séquestre,
suite à une sorte de conjuration et fut accusé
de crime de lèse majesté, alors qu'il n'était
pas coupable d'avoir empoisonné Agnès Sorel, pas
plus que d'avoir spolié le roi Charles.
1451
- 1453 = procès "itinérant " de Jacques
Cur, au grè des déplacements de la cour.
Soumis à la torture, il va tout avouer ou presque, et
sera condamné.
29 mai 1453 = le jour de la chute de Constantinople,
la sentence tombe, c'est le bannissement à perpétuité
de Jacques Coeur, il est condamné pour crime de lèse-majesté
envers le roi Charles VII, il ne dû la vie sauve qu'à
l'intervention du pape Nicolas V. Frappé d'une extraordinaire
amende de 550 000 livres tournois, il devait rester emprisonné
au château de Poitiers jusqu'au règlement de cette
somme grâce à la vente de ses biens au profit du
trésor royal.
Ne pouvant envisager son élargissement
avant longtemps, il décida de forcer le destin en s'évadant
vers la fin du mois d'octobre 1454.
1454 = à la fin du mois d'octobre,
évasion du château de Poitiers.
Errance vers Beaucaire, puis enlèvement avec Jean de Village
pour la Provence, Pise, Rome.
1456 = Il arme des navires pour le compte
du pape Nicolas V afin de faire une croisade au Levant. (11 juin,
départ de la flotte pontificale)
25 Novembre 1456 = Jacques Cur meurt
dans l'Ile de Chio, au large de la Turquie.
Quelques années après la mort de Jacques Cur,
ses enfants firent réaliser un tombeau qui fut décoré
par la statue d'un gisant de l'épouse Macée, morte
en 1453
L'ensemble fut pillé à la Révolution, et
ses restes furent dispersés.
A partir de ce moment, sur le plan historique,
les documents sont très nombreux. On y trouve en particulier
les minutes du procès, mais aussi la liste de tous les
biens de Jacques Cur dressés par le procureur Dauvet,
ce qui sera une mine de renseignements pour les historiens.
Pendant 4 ans, Jean Dauvet va enquêter sur les biens de
Jacques Cur, les évaluer, les faire expertiser,
un travail considérable.
Par contre, les raisons exactes de l'arrestation
et du procès font toujours l'objet de recherches.
Le premier élément officiel concerne un certain
nombre de chefs d'accusations, dont certains, au tout début
ne vont pas être crédibles, il faudra donc en trouver
d'autres.
On trouve des accusations très diverses et très
variées comme l'accusation d'avoir empoisonné Agnès
Sorel ou encore la diffusion de la fausse monnaie à ses
débuts avec Ravant le Danois, puis le trafic d'armes avec
les Sarrazins.....
Dans la disgrâce de Jacques Cur, on peut émettre
des hypothèses, assez vraisemblables.
C'est en premier lieu un contexte de plus en plus défavorable,
Jacques Cur qui n'est pas de naissance noble est un parvenu,
"il agace" les grands de ce monde, il est arrogant
et ses devises le desservent.
A cette haine d'une partie de la cour, se superpose sa fortune
bien sûr, mais surtout les prêts qu'il a consenti
à certains puissants de cette cour.
Il faut aussi prendre en compte des jalousies de corporations.
Les marchands languedociens sont les plus acharnés à
la perte de Jacques Cur, ls seront 17 marchands pour le
juger.
Mais il faut aller dans la vie et la psychologie de Charles VII
pour trouver un début de solution. Le roi aime bien Jacques
Cur, il lui rend de grands services, comme le fait de prêter
de l'argent pour lever des armées, il le trouve aussi
pour des missions diplomatique, vers le pape en particulier.
Et puis c'est un leveur d'impôts hors pair. Sur le plan
financier et de la monnaie, c'est un homme qui obtient des résultats,
les finances du pays ne sont-elles pas en train de s'assainir!
Il n'y a donc aucune raison grave dans le comportement visible
de Jacques Cur vis à vis du roi qui pourrait lui
nuire.
Les "crimes"
de Jacques Cur ?
La
première phase consiste en une information préalable
décidée à la fin du printemps de 1451, elle
est conduite en secret, quasi secret, alors que Jacques Cur
est auprès du roi, et elle s'avère quasiment décisive,
puisqu'elle permet de faire peser sur l'Argentier une double
accusation :
- d'abord un meurtre, une débitrice de Jacques Cur,
elle lui doit tout de même 500 écus, c'est une affaire
vieille de 3 ans, Jeanne de Vendôme l'accuse formellement
d'avoir empoisonné Agnès Sorel.
- Ensuite un crime de lèse majesté. On fouille
un peu partout et on trouve dans la maison de Jacques Coeur à
Montpellier, un sceau semblable au petit sceau secret du roi
c'est à dire le sceau en cire rouge avec lequel le roi
scellait ses lettres privées, ses lettres closes, vous
allez voir le sceau secret de Charles VII. Il a 42 mm de diamètre,
c'est un sceau de type armorial : l'écu aux 3 grosses
fleurs de lys renvoyant au pouvoir royal.
Le deuxième acte est la décision
prise par le roi le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg
près de Saint Jean d'Angely (Charente Maritime), le Grand
Conseil entendu, d'imputer à Jacques Coeur le crime de
lèse-majecté, ce qui entraîne immédiatement
l'arrestation de l'Argentier, astreint à tenir prison
fermée, et la mise sous séquestre de ses biens.
Quatre crimes de lèse majesté,
donc vous l'avez vu, il y a la contre façon du sceau du
roi et on y ajoute très rapidement, l'imitation de la
signature de Charles VII il se trouve que l'on a repéré
chez Jean Thierry justement qui était le clerc, et homme
de confiance de l'Argentier.
Deuxième crime de lèse majesté,
là aussi il y a quelques résonances contemporaines,
c'est la fourniture d'armes à l'Orient, fourniture d'armes
aux Sarrasins alors fournitures d'armures, d'armes de poings
etc à quoi on ajoute la remise d'un jeune esclave chrétien
qui avait échappé à sa captivité,
s'était réfugié sur un bateau de Jacques
Cur en rade d'Alexandrie et que les hommes de Jacques Cur
ont rendu, on verra dans quelles conditions.
Donc contrefaçon du sceau du roi, relations avec les Sarrasins
on revient à l'ancienne affaire de la fabrication de fausse
monnaie de Bourges en 1429 - 1430 : falsification portant sur
le titre et la taille d'écus royanx., pour laquelle il
y avait eu pourtant des lettres de rémission.
Et enfin on ajoute quelque chose de très
pittoresque c'est une escroquerie émise au mois de décembre
1446 au moment du mariage de ce Comte de Clermont avec Jeanne
de France. Le duc de Bourbon son père avait envoyé
une ambassade dans laquelle figurait un personnage portant le
nom fameux de Lafayette, les Lafayette étaient déjà
là et il se trouve que l'on accuse Jacques Cur de
s'être entremis dans cette affaire et d'avoir exigé
pour que le mariage soit réalisé, le versement
d'une somme de 2000 écus les textes disent " faute
de quoi il ne ferait rien de leur besogne" . Le roi voulant
avoir cette somme "pour ses plaisirs et pour jouer aux dés
aux fêtes de Noël"; donc c'est une atteinte à
l'honneur du roi qui est ressentie assez durement
Les ennemis de Jacques
Coeur
Quels sont les commissaires qui instruisent
tout cela et s'acquitèrent parfaitement de leur mission
? Il y a des familiers du souverain , par exemple un ancien protégé
d'Agnès Sorel, le sénéchal de Saintonge
et Chambellan du roi, celui-là même qui mettra la
mains sur les biens du Roannais Guillaume Gouffier.
Il y a aussi de la même manière
pour les biens du Puisaye, Antoine de Chabannes qui, par ailleurs,
est le gardien de Jacques Cur dans sa prison. Il y a également
des hommes de loi en quête d'une promotion par exemple
un lieutenant du sénéchal de Saintonge, un personnage
qui s'appelle Elie de Tourrettes, qui est créé
cinquième Président au Parlement de Paris le 5
juin 1454 sans jamais avoir été Conseiller, c'est
à dire que nous n'avons pas inventé à l'heure
actuelle le tour extérieur.
Il y a aussi dans ces commissaires des
hommes d'affaires, souvent Languedociens, parfois d'anciens associés
de Jacques Coeur par exemple les frères Teinturier mais
aussi des figures extrêmement inquiétantes, et parmi
ces figures inquiétantes se dégage celle de ce
capitoul de Toulouse, Otto Castellani qui est un florentin établi
à Toulouse dans les années 1440, trésorier
royal, capitoul en 1443. Il sera d'ailleurs le successeur éphémère
de Jacques Cur à l'Argenterie mais c'est un personnage
extrêmement louche, trouble, qui sera bientôt convaincu
lui aussi de crime de lèse-majesté en raison de
ses liens avec le milieu particulièrement délétère
des jeteurs de sorts et autres magiciens .
Toujours est-il que le 14 juin 1452 au
château de Chissay, donc à proximité de Tours,
a lieu une réunion générale pour faire le
point pour savoir comment on continue. Faut-il continuer l'instruction,
faut-il continuer à interroger Jacques Cur,et se
pose le problème de la question que recommande l'inquisition
pour venir à bout des obstinés. Faut-il lever le
secret , et finalement le roi décide de lever le secret
pour un période de 2 mois qui a été prolongée
en fait jusqu'à la fin de l'hiver 1452/1453 en raison
de la reprise de la guerre de Guyenne et dans l'intervalle, Jacques
Cur est autorisé à prendre contact avec ses
fidèles mais il se trouve que la plupart ont quitté
le royaume évidemment de peur d'être arrêtés,
c'est le cas de Guillaume de Varie, de Jean de Village, de bien
d'autres encore. C'est le moment quant même que se situe
l'intervention favorable à Jacques Cur de quelqu'un
qui l'a connu et qui l'a apprécié, c'est directement
le pape Nicolas V lui-même et les armes de ces papes figurent
à la sacristie du chapitre, offerte à la cathédrale
de Bourges par Jacques Cur, on sait le rôle dans
sa grande ambassade de 1448 et dans l'abdication de l'anti-pape
Félix V en 1449.
La sentence
Il se trouve par ailleurs que le propre
frère de Jacques Cur, Nicolas Cur avait été
représentant du roi auprès de la papauté
pendant quelques années. Ce que l'on voulait surtout dans
cette sentence que l'on appelle interlocutoire, c'était
de savoir si l'accusé pouvait bénéficier,
après avoir reçu les ordres ecclésiastiques,
d'un privilège de cléricature.
C'était très important parce que l'accusé
ne pourrait certainement pas échapper aux hommes du roi
puisqu'il y avait lèse-majesté mais s'il y avait
la preuve de la cléricature au moment de la reprise des
interrogatoires, la question, c'est à dire la torture,
serait effectuée sous le contrôle de l'Eglise. Donc
il était très important de savoir si Jacques Cur
était clerc ou pas. Il y avait deux moyens assez simples,
savoir s'il était tonsuré au moment de son arrestation
et savoir s'il portait des vêtements de clerc.
Des témoins sont entendus, dont Jean Vidal, marchand de
Narbonne, et la conclusion, c'est qu'il n'était absolument
pas clerc et finalement son costume devait être comparable
à ce que l'on voit ici dans le décors de la tour
centrale,
Il portait une robe courte à mi-cuisse
et on a un témoignage qui est particulièrement
intéressant, c'est un témoin qui décrit
très précisément le costume porté
par Jacques Cur au moment où il est arrêté,
costume je dois le dire qui n'a rien à voir avec celui
que vous avez vu devant la grande maison avec la statue de Préault.

On peut citer maintenant : "Jacques Cur a été
pris en robe noire courte, mi-cuisse, chausses de vert obscur,
pourpoint de velours ou satin cramoisi, chapeau gris, chaussures
à poulaines" donc finalement Jacques Cur ne
tire pas profit de cette suspension exception faite de la production
de deux saufs conduits pontificaux (Eugène IV en 1446
et Nicolas V en 1448) qui autorisaient sous certaines conditions
le trafic avec les infidèles et on arrive à la
dernière phase qui est celle des derniers interrogatoires,
en mars 1453 au château de Tours.
Ce qui domine tout ça, c'est la
mention de la torture ou sa menace, une tentative d'appel et
finalement l'effondrement de l'accusé. On peut voir les
questions que l'on pose à Jacques Cur, là
ce sont des indications chiffrées, ce sont les articles
sur lesquels on interroge Jacques Cur et là, ce
sont les mentions de tortures. Donc la torture est absolument
pratiquée.
Comment Jacques Cur réagit-il
? Eh bien il dit qu'il s'en rapporte aux témoins des accusations,
il ne se défend pas vraiment il y a un seul point sur
lequel il n'est pas d'accord, c'est l'empoisonnement d'Agnès
Sorel, et de fait son accusatrice sera convaincue de faux témoignage.
Pour le reste il reconnaît les faits, il déclare
que s'il est torturé, il confessera ce que l'on voudra
et il essaie seulement de les expliquer, soit par un soucis de
bien public, il dit qu'il faisait ces trafics vers l'Orient pour
donner bruit, c'est à dire donner de la renommée
à la marchandise de France. Pour les esclaves chrétiens,
il dit que, je cite " il sait bien que si un français
s'était échappé aux anglais, ou si un anglais
s'était rendu en ce royaume, pour être français,
que celui qui le rendrait serait digne de grande punition".
Ou bien alors il explique son attitude par des considérations
sur la concurrence disant que s'il n'avait pas pratiqué
ainsi, les génois auraient interdits l'embarquement d'épices
sur les bateaux français.
Au total, il s'en remet à la bonne grâce du roi,
en ajoutant quand même avec une bonne dose d'amertume,
il croyait "avoir autre salaire et autre triomphe pour les
services qu'il a fait". La condamnation qui intervient le
29 mai 1453 dans une assemblée un peu moins solennel que
le lit de Justice
Alors qu'est ce qui pouvait rendre Charles
VII aussi ingrat ?
Deux éléments majeurs que
l'on oublie parfois. Le premier, c'est la faiblesse nouvelle
de Charles VII qui vient de perdre Agnès Sorel. Elle était
celle qui lui redonnait le moral, et même si il l'a remplacé
dans son lit assez vite, le dame de Beauté était
un élément majeur du moral du souverain, une fois
disparue, le roi retombait dans son chagrin, mais aussi dans
sa mélancolie et sa faiblesse.
L'élément qui ne pouvait que rendre toutes les
sentences de Charles VII irrationnelles, c'est son fils, le dauphin
Louis.
Jacques Cur respectait le roi, mais ressentait une certaine
amitié pour le futur Louis XI. Ils étaient nés
dans la même ville, et le caractère entier, dominateur,
impatient, de Louis devait lui plaire et sans doute, davantage
le fasciner, que Charles VII.
Calculateur ou visionnaire, Jacques Cur devait ménager
la chèvre et le chou, Le roi n'était pas en bonne
santé, il commençait à être âgé
pour l'époque, et quelques bonnes relations avec le fils
ne pouvaient qu'être une bonne chose.
Ce fut l'erreur à ne pas commettre. Le roi éprouvait
une haine féroce envers son fils, peu imaginable. Il craignait
à tout moment d'être assassiné par les sbires
du dauphin.
Et toute relation personnelle avec le dauphin passait pour un
crime de lèse majesté.
Ce sera la perte de Jacques Cur.
Les bonnes relations prouvées entre le futur Louis XI
et Jacques Cur avec peut être quelques interceptions
de courriers, seront les prétextes de la furie du roi.
Son grand Argentier lié avec le Dauphin, c'était
insupportable et d'une manière assez irrationnelle, tout
le passé s'estompait. Jacques Cur devenait un homme
à abattre, et Agnès Sorel n'était plus la
pour le soutenir, ajoutons les mots perfides de l'entourage du
roi, et c'en était fini.
Mollat signale aussi, et c'est important que le mariage du Dauphin
avec Charlotte de Savoie contre le bon vouloir du roi, a sans
doute été un fait majeur. Ce mariage intervient
le 9 mars 1451 c'est à dire 4 mois avant la disgrâce
de jacques Cur. Et dans les opérations financières
de la dot de sa nouvelle "belle", il semble que l'on
eut recours pour les finances à l'entremise de certains
correspondants de Jacques Cur, Guillaume Bolomier ou Charles
Astars.
La restitution de certains des biens de Jacques Cur à
son fils Geoffroy en 1463 par Louis XI le montrent, c'est "pour
les bons et humbles services à nous faictz par ledit Jacques
Cueur".
Charles VII avait bien laissé Jeanne d'Arc mourir, sans
tenter grand chose, et son favori du moment, Giac était
mort à Dun, assassiné sans que le roi ne s'offusque.
La disgrâce de Jacques Cur
ne s'explique que par la tournure prise dans les relations entre
le père et le fils. Charles VII et Louis XI.
Le reste, les nombreux actes d'accusation, c'est de l'habillage.
Il faut se souvenir que c'est Louis XI
une fois sur le trône qui réhabilitera Jacques Cur
et qui rendra ses biens à la famille.
La sentence est rendue en mai 1453, non
par le parlement, mais "de par le roi", sentence prononcée
par Guillaume Jouvenel des Ursins alors chancelier de Charles
VII.
Il est condamné à mort, sa peine commuée.
1454 L'évasion de
Jacques Coeur
Le 27 octobre 1454, Jacques Cur s'évade
de son cachot du château de Poitiers. Des lettres sont
envoyées pour que le fuyard soit arrêté.
Il s'enfuit par le couvent de
Montmorillon, puis, grâce à d'autres couvents, il
gagne le sud, se met d'abord à l'abri chez les Dominicains
de Limoges, puis chez les Franciscains de Beaucaire d'où
il fut exfiltré par un audacieux coup de main de son neveu,
Jean de Village.
photo de Beaucaire
Une lettre est alors envoyée par
Jacques Cur à Jean de Village qui se trouve alors
à Marseille.
Cette lettre est assez curieuse, car elle parle longuement du
danger et appelle à l'aide, "ils ont déjà
tâché de l'occir en violence
. Ne tardez plus
à venir me tirer hors de cette franchise, car dans cinq
jours, ils m'en tireront eux-mêmes pour me mettre à
mort
.hâtez-vous de me venir en aide, où vous
ne me trouverez pas vivant
faites en toute hâte."
Et c'est signé "Vostre pouvre bon maistre et père,
JC"
Cette lettre qui est très importante pour comprendre la
psychologie de Jacques Cur est-elle authentique ? Nous
n'en savons rien, elle est dans une collection privée
inaccessible.
en savoir plus sur cette évasion .
Il pu ainsi passer en Provence avec son fils Ravant et, vers
le début de 1455 gagner Rome où l'amitié
de Nicolas V lui assurait asile et protection.
Il y fut rejoint par les principaux responsables de ses affaires
et prit une part très active dans la préparation
d'une expédition navale contre les Turcs, maîtres
de Constantinople depuis mai 1453.
LES DERNIERES ANNEES
DE JACQUES COEUR
Alors qu'une fois évadé,
Jacques Coeur se met en sécurité à Rome
où il aurait pu rester au calme sous la protection des
papes, mais homme d'aventure, à près de 60 ans,
il repart sur la mer au sein d'une armada mise en action par
le pape. Et c'est sur mer qu'il trouvera la mort.
1456 : Le dernier voyage
de Jacques Coeur
Pour Jean Yves Ribault, ce dernier voyage
est la partie de la vie de l'argentier que l'on connaît
le moins. Mais , c'est la période la plus romantique du
personnage. C'est aussi un destin qui va s'achever sur une île
magnifique, celle de Chios.
Jacques Coeur à ce moment est âgé
d'environ 56 ans, ce qui est un âge avancé, même
si il y avait parfois des centenaires au Moyen Age, il n'empêche
que la moyenne de la vie au XV e siècle était de
25 à 30 ans en comptant bien entendu la mort des bébés
et petits enfants. Mais 56 ans, c'est un âge de patriarche.
Jacques Coeur comme cela a été
dit, après son évasion, va, avec l'aide de sa famille
et de ses facteurs se retrouver à Rome où il est
accueilli par le pape NicolasV.
Il reste à Rome et se voit confié
par le pape suivant, une expédition contre les infidèles.
En effet, depuis le 14 mai 1453, date de la prise de Constantinople
, c'est un sentiment d'effroi dans tout le monde chrétien
qui prévaut.
La ville reine du monde avec ses remparts avait été
livrée au pillage, les hommes massacrés ou envoyés
en esclavage. L'Islam triomphait.
Vers une nouvelle croisade
Le conquérant était Mahomet
II, il avait des forces considérables, dont plusieurs
flottes de galères capables de faire la loi en méditerranée,
et en particulier contre les navires marchands.
On disait Mahomet II à la fois cruel, déterminé,
et il était terriblement ambitieux, il se voulait l'égal
d'Alexandre ou de César, et voulait soumettre Rome.
Les papes, Nicolas V suivit celles de Eugène IV se lancèrent
dès 1453 à une forte action diplomatique afin que
la France et l'Angleterre cessent leur guerre et avec les princes
d'Italie se consacrent avec leur or et leurs hommes à
lutter contre les Turcs.
Le 30 septembre 1453, le pape proclame de manière très
solennelle la croisade : il fallait préserver l'Occident
de l'invasion turque.
Ce fut assez laborieux, les nations maritimes de l'Italie promirent
25 navires de guerre, alors qu'à Francfort, l'Empire promit
une armée de fantassins.
Le 24 mars 1455 meurt le pape Nicolas V.
Un mois plus tard, un Borgia fut élu pape sous le nom
de Calixte III.
Ce Calixte III, malgré un âge avancé ( 77
ans) déploya beaucoup d'énergie pour organiser
une expédition. Il publie une bulle en mai 1455 pour appeler
à la croisade qui devra partir le 1 er mars 1456. Il lança
une campagne de quête, et récupéra 300 000
écus.
Jacques Coeur repart pour le Levant
Et c'est dans ce contexte que Jacques Cur
apparaît.
Là, les études et avis divergent.
Pour les enfants et la famille de Jacques Cur, l'ancien
Argentier est au sommet des honneurs, et le pape lui confie l'expédition
maritime contre les turcs.
Dans l'obituaire de la cathédrale de Bourges, les chanoines
notent que Jacques Cur fut nommé " capitaine
général " de l'expédition pontificale,
Jean Yves Ribault affirme que c'est très exagéré.
Pour Robert Guillot, En prenant au début
de 1456, à 60 ans, une nouvelle fois après le voyage
de 1432, la route du Levant, il entendait relancer ses affaires
et peut-être aussi partager l'idéal de ces preux
chevaliers qu'il admirait tant. Engagé dans une sorte
de nouvelle quête du Graal, il allait trouver son tombeau
au cours de cette ultime aventure.
Pour d'autres spécialistes, Jacques
Cur fut l'organisateur de la diplomatie et des finances
de l'expédition. Il prit comme d'autres la croix et est
nommé " Expert pour préparer la croisade ".
Il a donc de réels pouvoirs et de fortes responsabilités.
Ainsi le 17 septembre 1455, comme le dit J. Heers, Jacques Cur
accompagne le légat du pape Coëtivy en Provence ,
et avait mis 2 navires à sa disposition. Les deux hommes
devaient prêcher la croisade, récupérer de
l'argent (les dîmes), et Jacques Cur devait lui seul
recruter l'ensemble des équipages. En particulier les
capitaines en second, officiers des navires, galères et
autres bâtiments.
L'armada du pape
Il semble que la flotte devait être
armée en Provence où à Marseille mais il
n'était semble-t-il pas question du commandement des navires
pour Jacques Cur.
C'est ainsi que le 23 septembre 1455, ce
sont 16 navires qui s'en allèrent en croisade sous la
conduite du capitaine Pietro d'Urria, et cette première
escadre comprenait 2 galées dites de Jacques Cur.
L'ancien argentier ne prit pas la direction de cette armada.
Il semble que ces navires n'allèrent pas plus loin que
Syracuse et ne firent aucune action contre les turcs.
La seconde flotte avait été placée sous
les ordres d'un cardinal, Aloiso Trevisano d'Aquillée,
il fut nommé " gouverneur général et
capitaine " avec sous ses ordres Jacques Cur.
Il semble bien que Jacques Coeur était accompagné
par un de ses fidèles, un vrai capitaine, du Berry, Gimar.
Jacques Coeur pouvait être un capitaine de l'une des "galées"
de cette armada.
Enfin, troisième flotte, celle des
galères construites par le pape à Tibre, et elles
partent en mer le 11 juin 1456. Elles s'arrêtèrent
à Ostie pour attendre les navires de Pise. Elles retrouvèrent
les bateaux du roi d'Aragon à Naples.
L'armada du pape avait semble-t-il une trentaine de navires,
de type assez varié.
Tous ces navires s'en allèrent pour la croisade, mais
sans grands combats, et firent un long périple.
Les navires vont à Malte, puis c'est la Crète,
et ils s'arrêtent à Rhodes où ils restent
un certain temps, sans doute pour prendre de l'eau, mais aussi
pour se reposer... ou réfléchir.
Puis, c'est une navigation en mer Egée, s'en allant d'île
en île. De Lemnos, Thasos, ou Chio.
Lorsque les navires arrivent à Chio,
Jacques Coeur est débarqué, on n'en connaît
pas la raison.
1456 : La mort de Jacques
Coeur
Jacques Cur meurt le 25 novembre
1456 au début de cette croisade. Il fut " peut être
inhumé dans l'église des franciscains à
Chio ". dit Jacques Heers.
Comme l'indique l'obituaire du chapitre
de la cathédrale de Bourges, confirmé par une bulle
pontificale, Jacques Coeur est mort le 25 novembre 1456, à
quelques encablures des côtes turques, dans l'ïle
génoise de Chio.
Il y a donc plus de 550 ans.
Comme on peut le voir, la mort Jacques
Cur demeurent aujourd'hui encore un mystère.
- On a dit qu'il avait été tué en mer lors
d'un combat naval.
- On dit qu'il fut blessé dans un combat et il mourut
plus tard à Chio.
- On dit qu'il fut malade et débarqué à
Chio où il succomba.
En fait on n'en sait rien.
Toutes les hypothèses depuis 6 siècles ont été
mises en avant, mort à Chio a la faveur des historiens,
dont J Y Ribault, alors que J Heers est plus mesuré.
A côté de cela circulent une
foule de légendes, dont :
- Jacques Cur n'est pas mort à
Chio, il a fuit et s'est retrouvé dans une île où
il a refait sa vie et eu des enfants.
- Jacques Cur est revenu en France et a vécu à
Cuers, où il serait enterré.
Les recherches et études continuent
encore aujourd'hui. C'est toujours un vrai mystère.
Il s'agissait de faire d'île en île
des arrêts pour soutenir les populations locales, les aider
à reconstruire leurs murailles et aussi à être,
même en faible nombre une "force de dissuasion"
vis à vis des Turcs.
La date du 25 novembre 1356 n'est d'ailleurs pas une certitude,
pas plus que son inhumation dans l'église des franciscains.
Robert Guillot apporte des éléments tout comme
Jean Yves Ribault (conférence au Moulin de Voiselle le
16 novembre 2007).
Les raisons de sa mort sont totalement inconnues.
Il a pourtant été écrit
qu'il avait été blessé dans un combat et
il serait mort de ses blessures.
D'autres auteurs ont ajouté qu'il était mort de
maladie, après avoir reçu une flèche.
Pour Jean Yves Ribault, la seule certitude,
c'est que Jacques Coeur a été débarqué
sur l'île de Chios, et à partir de ce fait, il envisage
deux hypothèses :
- la première, c'est une blessure
reçue lors d'un combat naval avec les turcs.
- la seconde, c'est la maladie, une personne affirmera ( lors
des recherches sur place au XX e siècle) qu'il est mort
de la peste à Chios.
Bref, on n'a aucune preuve sur les causes
de sa mort, sinon qu'il avait près de 60 ans, et que les
années d'emprisonnement l'avaient particulièrement
affaibli.
Donc blessure ou maladie, il n'en fallait pas beaucoup pour le
précipiter dans l'au-delà.
Les hypothèses sur la mort de Jacques
Coeur par les documents :
Comme l'on ne sait rien de cette mort et
de ce qu'est devenu le corps de Jacques Cur, les plus grandes
supputations ont été écrites.
Il faut savoir que pendant longtemps, on
n'a pas cru à cette mort de l'ancien argentier du roi
Charles VII, sauf sa famille et les chanoines de la cathédrale.
Son épouse Macée était décédée.
C'est d'ailleurs au XVII e siècle que La Thaumassière
dans un écrit évoque le fait que Jacques Coeur
aurait refait sa vie à Chypre, et aurait eu deux enfants.
Cette hypothèse est bien dans la vision d'historiens qui
ne voyaient dans cet homme qu'un illustre chevalier invincible,
qui avait sans doute trouvé le Graal ou peu s'en faut,
et qui ne pouvait pas être décédé,
"bêtement d'une maladie, si loin de ses terres".
Il faut noter aussi que dans les années
1930, une riche américaine, passionnée par Jacques
Coeur voulait retrouver la tombe de l'argentier, et elle écrira
au maire de Bourges Henri Laudier afin que celui-ci intervienne.
Laudier enverra plusieurs courriers à l'ambassadeur de
France à Athènes afin de savoir où pourrait
être l'emplacement de la tombe de Jacques Coeur sur l'île
de Chios.
Dans les années 1990 et 2000, une
autre hypothèse va trouver corps, c'est celle de Joëlle
de Oldenbourg, qui suit les aspects ésotériques
du personnage et qui a trouvé dans une petite église
du Sud de la France, très exactement à Cuers, des
éléments intéressants pouvant sans doute
faire penser que Jacques Coeur aurait pu revenir en Provence,
il y aurait vécu ses dernières années et
aurait été enterré dans cette église.
En 2010, une étude sur Cuers par
Hervé Hardouin va préciser les éléments,
démontrant que sous cette église aurait été
enterré Jean de Gantès, et les armoiries retrouvées
sont celles d'une grande famille provençale de Cuers,
avec une longue lignée de Henry de Cuers à Jacques
de Cuers ou encore Pierre de Cuers.
Ce sont des éléments intéressants,
qui ont été rendus publics par M. Hervé
Hardouin, lors d'une conférence au palais Jacques Coeur
en novembre 2010 et que nous nous sommes permis d'écrire.
Mais aucun document ne permet d'aller plus loin.
Les sources actuelles sur la mort
de Jacques Coeur :
Il faut donc revenir à ce qui est
certain sur la mort de Jacques Coeur à partir des documents
les plus proches de 1456. Ils sont de plusieurs ordres :
1/ On connaît un procès fait
au Parlement de Paris dans lequel furent jugés des Génois.
Ces derniers étaient en conflit sur le plan juridique
avec des commerçants de Paris. Et au cours de ce procès,
les génois parlèrent de Jacques Coeur qui avait
dirent-ils enterré sur l'île de Chios avec tous
les honneurs dus à son rang, ils l'auraient inhumé,
comme si cela avait été un des leurs.
2/ Un des rares témoignages sur
cette mort et le lieu où Jacques Cur a pu être
inhumé, vient d'un récit de Jean d'Authon qui s'est
rendu sur les lieux en 1501, c'est à dire 44 ans après
la mort de Jacques Cur.
Il dit simplement " auquel lieu est pareillement en sépulture
Jacques Cur dedans le milieu du chur de ladite église".
Cette église des Cordeliers sera détruite par les
Turcs, on n'en sait pas plus, et l'hypothèse la plus sérieuse,
c'est que les restes de Jacques Cur ont sans doute été
dispersés ou mis dans une fosse commune. Sur ce dernier
élément, nous ne savons rien.
Pour Jean Yves Ribault, la tombe porterait ces mots : Hic jacet
Jacobus Cordis ce qui signifie Ici gît Jacques Coeur.
3/ Une certitude toutefois, en 1467 nous
dit Jacques Heers, on a retrouvé une demande de Henri
Coeur, le fils, qui avait envoyé au pape Pie 2, la permission
d'aller en pèlerinage à Jérusalem et de
revenir par l'île de Chios afin de ramener en France le
corps de son père, afin de lui donner sa dernière
sépulture à Bourges.
Dans sa réponse le pape fait allusion à des combats
contre les turcs ce qui est intéressant. il écrit
en effet
inibi actibus bellicis contra eosdem Infideles insistendo.
Par contre ce pèlerinage ne va pas
avoir lieu, sans que l'on en sache davantage, mais Michel Mollat
note que "l'occupation de l'île par les Ottomans ne
permettait ni l'exhumation , ni le transfert du corps, s'il avait
pu être retrouvé".
Il serait logique de penser que Henri Coeur n'a pas pu aller
à Chios tout simplement parce qu'il est mort, avant ou
pendant le voyage, mais aucune date n'a été avancée
dur cette partie de l'énigme.
La seule trace de l'époque date
de 1501, c'est à dire 50 ans après les faits, et
c'est un visiteur, Jean Auton, qui passe à Chio et note
"
Auquel lieu est pareillement en sépulture
Jacques Cur dedans le milieu du cur de ladite église
".
Autre chose, en 1467, le fils de l'argentier, Jean Cur
obtient du pape l'autorisation de ramener le corps de son père
et il dit que ce corps est enterré " dans un lieu
de Grèce appelé Chio ".
Devant les incertitudes de la mort de Jacques
Coeur, que peut on attendre ? C'est assez difficile à
savoir.
On peut penser qu'il existe un document, une sorte de rapport
des responsables de l'armada du pape. En rentrant, le cardinal
a très certainement écrit au pape les grandes étapes
de son expédition, et ce document s'il existe est très
certainement dans les archives du Vatican.
L'autre document qui serait intéressant,
c'est le testament de Jacques Coeur. Un personnage comme l'argentier
ne pouvait pas partir ainsi sans avoir fait son testament.
Enfin, son plus jeune fils, Ravan, qui
était avec lui à Rome, a disparu et nous ne connaissons
rien de son existence à partir de ce moment.
La mort de Jacques Coeur par les
auteurs médiévistes
Quelques compléments issus de la
littérature mais qui ne font pas avancer la recherche
sur la mort de l'Argentier.
Pour Edmond Jongleux, il est mort à
Chios malade, son corps ayant été transporté
à Mytilène.
Pour Poulain, Jacques Cur fut grièvement
blessé lors d'un combat naval à l'automne 1456,
et il fut débarqué à Chios où il
mourut. Son corps fut enterré dans le chur de l'église
des Cordeliers.
On peut ainsi continuer longtemps sur ce chapitre, j'ai même
lu que le tombeau de Jacques Cur avait disparu au cours
d'un tremblement de terre sur l'île de Chios ainsi que
son corps.
Dans un article de décembre 1956,
Anatole de Meibohm s'en va à Chios sur les traces de Jacques
Cur. Il évoque la croisade de Calixte III qui est
bien seul en occident pour aller combattre les Turcs.
Il dit que la flotte est composée de 25 navires dont 16
galères, avec 5000 soldats, 1000 matelots et 300 canons.
Que le financement a été fait par Jacques Cur,
et de se demander où il a trouvé l'argent pour
une telle expédition?
Jacques Cur est nommé "Capitaine Général
de l'Eglise contre les Infidèles". La flotte est
sous le double commandement de Jacques Cur et du cardinal
Scarampo. Elle part en avril 1456.
Quelques batailles et la flotte occupe les îles Lesbos,
Samothrace et Thassos où elle est reçue par les
grecs sans beaucoup d'enthousiasme.
On note dit-il une victoire à Lesbos et c'est ensuite
Chios.
Jacques Cur meurt. Il est enterré dans l'église
des Cordeliers de Chios, au milieu du chur.
Jean Thévenot visita Chios en 1656 puis Joseph de Tournefort
en 1701 sans apporter beaucoup d'éléments. "le
dôme de la cathédrale est devenu une mosquée,
les autres églises ont été abattues".
Un grand tremblement de terre à la fin du siècle
dernier a fait disparaître les dernières ruines,
aujourd'hui, un parc public est situé sur leur emplacement.
L'église où l'on enterrait les français
se trouvait à 500 pas, SW de la porte dite "castro".
L'église des Cordeliers devait se trouver au milieu du
parc en vis à vis de l'Hôtel de Ville.
Enfin, lorsqu'un personnage comme Jacques Cur, si riche,
un peu alchimiste disparaît si loin de son pays, la légende,
belle légende prend forme. Et c'est ainsi que pour beaucoup,
Jacques Cur n'est pas mort à Chios, il s'est tout
simplement retiré dans l'île de Chypre où
il avait refait fortune, il s'était à nouveau marié
avec une dame Théodora qui lui avait donné deux
filles qu'il avait fortement doté
. Et ainsi de
suite......
Entre Jean Valjean et Edmont Dantès, cette fin et ce renouveau
de Jacques Cur plaît beaucoup et permet de terminer
le rêve.
Comment retrouver le tombeau de Jacques Coeur ?
Deux hypothèses dans la recherche
du tombeau de Jacques Coeur. La première c'est la plus
classique : il a été enterré sur l'île
de Chios, c'est aussi la théorie la plus probable. La
seconde c'est l'église de Cuers, théorie qui rassemble
de moins en moins d'adeptes.
Pour Chios, deux éléments importants :
- Bien entendu, la visite à Chios d'Anatole de Meibohm,
qui est allé sur l'île et dans un article court
du journal Le Monde, du milieu du XX ième siècle,
il est écrit que "l'Eglise des Cordeliers exista
jusqu'au terrible massacre de Chios et au tremblement de terre.
Peu à peu ses ruines disparaissent et au début
de ce siècle font place à un jardin public."
L'article poursuit :
" C'est en consultant les diverses descriptions de Chios
faites par les anciens voyageurs qu'Anatole de Meibohm a pu retrouver
l'emplacement exact du tombeau de Jacques Coeur. Tout près
de celui-ci : le tombeau d'un grand héros grec, Kanaris."
- Second élément, le professeur Robert Guillot,
un des derniers grands spécialistes de Jacques Coeur est
allé en 2005 à Chios, et lui aussi il a cherché
les traces de ce tombeau, dans les archives et auprès
des spécialistes locaux.
La présence du tombeau "était inconnue des
milieux intellectuels de l'île, que ce soit dans la bibliothèque
ou auprès des historiens. Et le consul de France, madame
Isabelle Kergoat n'était pas plus au courrant et le nom
d'Anatole de Meibohm ne disait rien à personne".
Un bilan décevant pour reprendre l'expression de Robert
Guillot, mais tout n'est peut être pas perdu.
- D'autres recherches se poursuivent ...
Selon certaines sources, cette Eglise des Cordeliers serait devenue
une église appelée Saint Nicolas, reconstruite
sur les ruines de la précédente.
Ce qui est sur la pierre tombale de Jacques
Coeur :
Selon nos informations, et d'après les voyageurs qui ont
pu la voir au cours du XV ième et XVI ième siècle,
il était écrit de manière fort simple :
Hic jacet Jacobus Cordis
ce qui signifie
Ici gît Jacques Coeur
La situation en 2014
Les recherches et études continuent
encore aujourd'hui. C'est toujours un vrai mystère, sachant
que l'hypothèse la plus probable est bien la mort à
Chio dans des circonstance que nul aujourd'hui ne connaît.
Dans l'ouvrage " Le Grand Coeur ",
Jean Christophe Rufin signale que Jean François Deniau
avait eut l'intention de faire des recherches sur le lieu de
l'inhumation de l'Argentier :
" ... Un moment, j'ai eu le projet
de faire revenir sa dépouille de l'île de Chios
où il est mort. J'en avait parlé à Jean
François Deniau, qui l'aimait beaucoup et que le projet
enthousiasmait comme toutes les missions impossibles : il ne
subsistait en Grèce ni dépouille, ni sépulture.
"
Enfin, Philippe Charlier, médecin
légiste et spécialiste de pathographie a écrit
plusieurs ouvrages et c'est lui qui a permis de percer plusieurs
mystères sur Agnès Sorel, Jeanne d'Arc ou Henri
IV, et dans un ouvrage " Le roman des morts secrètes
de l'Histoire ", il écrit un chapitre sur Jacques
Coeur :
" En avril 2009, munis des autorisations
en bonne et due forme .... nous avons exploré avec le
prince Michel de Grèce deux monuments religieux pouvant
correspondre à l'ancienne église perdue des Cordeliers
sur l'île de Chios. "
Et les deux hommes, accompagnée
d'une jeune guide vont voir l'Eglise Saint Nicolas " dont
le sacristain indiqua la présence de ruines dans le sous-sol,
et notamment de tombeaux, sans pouvoir se souvenir d'un quelconque
nom ; malheureusement l'unique trappe permettant de rejoindre
ce sous-sol avait été murée et recouverte
de carrelage modernes quelques jours seulement avant notre arrivée...
"
Le second lieu possible était la chapelle Saint-Eustache
reconvertie en centre d'exposition, et là encore, "
un carrelage moderne dont les joints sont à peine secs
.... Que se trouve-t-il dessous ? Mystère, il faudra revenir
et creuser ".
Ainsi Jacques Coeur conserve son mystère
et comme tout adepte, il conserve ses secrets, celui du Grand
Oeuvre comme celui de sa mort.
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